Alexandra Fau
Les années algériennes de Fernand Pouillon
Biographie
Alexandra Fau est commissaire d’expositions indépendante, critique d’art et enseignante en histoire de l’art. Elle organise plusieurs expositions sur les relations entre art et architecture (« Architecture invisible ? », « Architecture au corps », « Chez soi »), et art et design (« UNBUILT », « la tyrannie des objets »). Ses projets renvoient à des problématiques sociétales ; une propension à la narration (« Micro-fictions »), une évolution de notre rapport au savoir (« L’archéologie, un mythe contemporain ») et ses dérives (« Dropping Knowledge »).
Ses projets contextuels ont propension à s’échapper de la galerie ou du musée. Cela poursuit une réflexion menée sur l’héritage du Land Art nord-américain (projet de recherche sur Virginia Dwan soutenu par l’Institut Français en 2015 qui a donné lieu à l’exposition « Fertile Lands » à la Fondation Ricard), dans sa quête de démesure, sa conscience environnementale, et son attrait pour le vivant. L’étude « introduction et amplification du vivant dans les collections du CNAP » en 2016 a poursuivi cette grande idée moderne ; la fétichisation de l’intensité, jusqu’à débusquer des forces invisibles, dans un dépassement de la représentation par le choc de la mise en présence. Une vie avant la forme.
Projet de résidence
« J’ai construit en Algérie la moitié de ce que j’ai construit dans ma vie ». En tant que parfait transfuge entre le France et l’Algérie dès 1953, Fernand Pouillon est une figure essentielle pour que la France puisse faire enfin face à l’Histoire. En architecture, l’esprit colonisateur perdure via le dogme moderniste (Rotival, Le Corbusier), et l’attitude d’architectes venus de France, agissant en simples consultants au mépris des architectes algériens (Simounet). Pouillon pressent que la population indigène ne veut plus avoir de repères d’identifications français. Ses réalisations faites d’emprunts flirtent pour autant plus avec l’appréciation que l’appropriation culturelle, puisqu’au service des indigènes. Sa sensibilité aux déplacements du corps, à la lumière, son attention portée aux détails et aux matériaux est proche de celle d’un plasticien. Pouillon produit avec une énergie qui émane de l’art tout en étant tournée vers une finalité. Entre adhésion au programme politique et inflexion anticolonialiste sous-jacente, les cités algériennes puis les stations balnéaires invitent à un décryptage minutieux. L’époque est favorable à la relecture des héritages artistiques et culturels pour livrer une approche ambitieuse et transversale (politique, économique, sociale, littéraire…) qui dépasse les seules problématiques architecturales.