Le collectif W

Publié le 23 octobre 2019

Collectif W
L'Art District Pragovka à Prague où le collectif W a effectué une résidence en 2019 | © DR

Le Collectif W était en résidence à Prague, au sein de l’Art District Pragovka, au mois d’août. Trois de ses membres, Catherine Radosa, Judith Espinas et Sylvain Azam, reviennent sur cette expérience et la préparation de leur prochaine exposition, « Les Entrées Extraordinaires IV ».

Interroger un des possibles de l'architecture du futur


Vous fondez l’Atelier W et un collectif du même nom à Pantin, en 2010. Quelle était votre démarche ?

Judith Espinas : Nous formions déjà un groupe de plusieurs artistes. Nous avons créé un atelier par commodité, pour prolonger nos réflexions de groupe au-delà de nos pratiques individuelles. Très rapidement, nous avons eu envie d’ouvrir ce lieu à d’autres artistes car il y a peu, à Paris, d’espaces d’expérimentation et d’exposition libre de ce genre. 

Sylvain Azam : Nous avions aussi, et surtout, un souhait d’indépendance. Et l’idée d’échapper à la course individualiste aux galeries et aux salons dans laquelle se lancent la plupart des jeunes artistes au sortir de leur école d’art. Dans notre atelier, on retrouve une forme de communauté souvent oubliée après les études et pourtant très appréciée.

D’où vient le nom de l’atelier et du collectif, « W » ?

Judith Espinas : Cette initiale est plurielle ! Elle renvoie d’abord à l’adresse de l’atelier, avenue Weber. Mais aussi à un roman de Georges Perec, W ou le Souvenir d’enfance, une contre-utopie qui nous parle à tous. Pour moi, W, c’est aussi Cassiopé. Au final, cette lettre peut accueillir toutes les définitions – y compris notre travail, regroupé sous une même lettre.

Sylvain Azam : Oui, je pense que chaque membre voit dans ce W sa propre symbolique…


Le collectif à l’Art District Pragovka, Prague
© DR


Vous êtes dix artistes. Comment travaillez-vous ensemble ?

Judith Espinas : L’essentiel est notre envie de travailler ensemble au cœur d’un collectif même si nous avons chacun nos pratiques individuelles en dehors. Se rassembler nous a permis de poursuivre des réflexions de groupe et de monter très rapidement une première exposition en tant que collectif qui nous tenait très à cœur, « Entrées Extraordinaires I », en 2014. Côté pratique, nous avons une salle d’exposition au rez-de-chaussée et un étage pour accueillir les artistes sur le long terme. 

Sylvain Azam : Aujourd’hui, nous n’accueillons plus forcément nos membres fondateurs car leurs pratiques ont mûri. Le lieu s’adresse davantage à de jeunes artistes.

Catherine Radosa : Des artistes d’horizon, d’âge et de nationalité variés ! À l’image de Charlotte Heninger, 27 ans, issue de l'École nationale supérieure des Arts Décoratifs de Paris et son approche végétale de la matière. Je pense aussi à l’Italienne Diana Righini, 39 ans, qui a étudié à New York et a présenté à l’atelier W son exposition solo « Made in Italy » cet été. Ou encore les portraits peints de Bilal Hamdad, Algérien, 32 ans, diplômé des Beaux-Arts d’Oran…

Vous étiez, au mois d’août, en résidence à Prague pour votre projet « Les entrées extraordinaires IV ». Comment sont nés et le projet et la résidence ?

Catherine Radosa : Je suis franco-tchèque et j’étais personnellement en contact avec les membres de l’Art District Pragovka, qui n’est pas sans points communs avec W, par la nature même de son lieu. Leur atelier de création et de démonstration est situé dans l’ancienne usine CKD Kolben de Prague : c’est une zone une zone anciennement très industrialisée, à l’état de friche, qui rappelle Pantin. Il y a aussi l’idée que les artistes sont comme des plantes dépolluantes pour ces endroits.

Il y a plus d’un an, les membres de l’Art District Pragovka ont lancé un appel à candidatures à destination des collectifs d’artistes pour réaliser une exposition chez eux. Nous avons débuté par un temps de recherche à distance. Une fois là-bas, nous avons repéré les lieux de façon plus précise. Nous étions, en quelque sorte, des archéologues du futur qui se baladent, observent, regardent en-dessous, photographient. Ce lieu est en pleine mutation avec ses bâtiments détruits, puis reconstruits. On y retrouve les strates du temps, matérielles et symboliques.

Judith Espinas : Nous avons aussi voulu bousculer nos habitudes. Le déplacement géographique amenant de nouvelles pratiques, nous avons décidé de tout produire sur place.

Sylvain Azam : Nous nous sommes fixés comme règle de ne rien acheter ou pas grand-chose. Un mois de création, c’est très court dans ce contexte. Même si c’est très excitant de travailler dans ces conditions ! Et ce principe a vraiment guidé notre choix des matériaux.

Nous avons aimé jouer sur le côté « anti-architectural » en recourant à des formes molles.


Quels seront les matériaux privilégiés dans votre exposition ?

Sylvain Azam : L’un des matériaux phares dont nous pouvons parler – sans révéler l’exposition ! –, est la voile d’échafaudage récupérée pour donner à la fois du geste et de la scénographie à l’ensemble. Beaucoup d’éléments tournent également autour de la corde, du nouage et du tissage. 

Judith Espinas : Un des enjeux était de se déplacer sans s’encombrer. Nous n’avons pas voulu produire de gros objets. Catherine nous a aussi emmenés au marché aux puces où nous avons découvert des objets auxquels nous n’étions pas habitués. Nous avions envie de travailler avec des éléments liés à l’architecture et aux bâtiments de Prague, ce qui impliquait de fouiller au sein de la ville et de rencontrer ses habitants.

Catherine Radosa : Nous avons aimé jouer sur le côté « anti-architectural » en recourant à des formes molles. L’idée est d’interroger un des possibles de l’architecture du futur.

Au-delà des rencontres avec les habitants, avez-vous commencé des collaborations avec des Pragois ? 

Judith Espinas : Depuis le début, W a à cœur d’ouvrir ses portes à un public large. Fidèles à ce principe, nous avons accueilli toutes les semaines des enfants d’un centre de loisirs de la ville.

Sylvain Azam : D’autres collaborations informelles se sont nouées, notamment avec le collectif d’artistes tchèques Rafani dont nous avons visité l’atelier dans le quartier de Žižkov. Ses membres sont ensuite venus découvrir notre travail à leur tour. Nous aimerions poursuivre cette collaboration en les invitant à Pantin. 

Catherine Radosa : À l’invitation de Roman Rejhold, directeur de la galerie Luxfer, nous avons aussi fait un séjour de travail de trois jours à Ceska Skalice pour présenter le collectif en présence d’artistes et d’enseignants de l’école d’art de Brno.

L’exposition que vous préparez est le quatrième volet d’un cycle en quatre actes. Est-ce le dernier ?

Catherine Radosa : Ces « Entrées extraordinaires IV » sont une suite ouverte, au sein de cette série commencée en 2014 autour de moules de moteurs Motobécane découverts dans les caves de la municipalité de Pantin.

Judith Espinas : Nous avions rencontré le département des archives de la mairie qui avait conservé ces moules après la fermeture de l’usine et avons décidé de faire une exposition de ces quelque 1 000 pièces de bois. Pour le deuxième volet, nous avons proposé une carte blanche à une cinquantaine d’artistes autour de cette question de l’archive et avons intégré leurs œuvres dans notre scénographie. Enfin, « Entrées Extraordinaires III » constitue l’archive de W : nous avons invité 60 artistes passés par l’atelier à témoigner. Nous avons ensuite créé une scénographie pour accueillir leurs propositions. 

Sylvain Azam : Ces « Entrées extraordinaires », c’est en quelque sorte le rendez-vous du collectif travaillant en commun autour d’un même projet ! Le quatrième volet en préparation portera sur les transformations urbaines, les concepts de valeurs, de travail, d’écologie et de coopération.


Collectif W, 2019, Prague
© DR

L'Institut français et le projet

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Lauréats en 2019 du programme Les Collectifs d'artistes de l’Institut français, W a réalisé une résidence à Prague en août 2019.

En savoir + sur le programme Les Collectifs d’artistes

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