Notre futur à Alger, du 3 au 5 février 2023 : "Ensemble pour la nature"

Publié le 9 juin 2024

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Après Johannesburg et Yaoundé, le troisième Forum du cycle « Notre Futur : Dialogues Afrique-Europe » s’est tenu à Alger du 3 au 5 février 2023. Intitulé Ensemble pour la nature, il a réuni 13 pays (Algérie, Bénin, Cameroun, Égypte, Gabon, Libye, Mali, Mauritanie, Tunisie, Espagne, France, Portugal, Suède) et environ 300 participants représentant de nombreuses associations, organisations de la société civile, institutions publiques et entreprises/start-up engagées, afin d’échanger sur la responsabilisation écologique du citoyen et les enjeux climatiques pour notre planète de demain.

Ce Forum a été co-organisé par l’Institut français d’Algérie, l’Institut français de Paris et un comité éditorial composé de quatre personnalités : Samir Grimes, maître de Conférences à l’École Nationale Supérieure des Sciences de la Mer et de l’Aménagement du Littoral (ENSSMAL-Alger) ; Adel Amalou, co-fondateur de la start-up IncubMe ; Ihcene Menous, influenceuse activiste de l’environnement connue sous le nom de « Ihcene the Adventurous » et Emna Sohlobji, doctorante en droit de la mer, consultante auprès du cabinet de conseil en stratégie dédié à la croissance verte Tellus. 

Les échanges du Forum se sont déroulés au sein du centre culturel Riadh el Feth, dans le cadre de quatre tables-rondes articulées autour de quatre thématiques visant à sensibiliser les citoyens aux conséquences environnementales de nos modes de vie, de consommation et de production, tout en plaçant la relation avec la nature au cœur du débat : (I.) produire mieux ; (II.) consommer mieux ; (III.) habiter le monde ; (IV.) s’engager et transmettre.

En parallèle, des expositions, un village des solutions et un Hackathon ont également été organisés.

Le Forum en chiffres

300 intervenants venus d'Afrique et d'Europe

1 Hackathon international avec 6 pays représentés

28 associations représentées, 1 collecte de déchets qui s’est déroulée dans 15 wilayas, 4 tables-rondes, 5 ateliers pour enfants, 4 performances artistiques en lien avec l’évènement.

Témoignage de Stéphanie Njiomo 

Stéphanie Njiomo est ambassadrice du Pacte mondial pour l'Environnement (Global Pact for the Environment en anglais), au Cameroun et en Afrique centrale, et Présidente de l'association Ci4Ca.org - Le futur que nous réclamons ! Suite à sa participation au Forum, elle nous livre un témoignage autour du thème Ensemble pour la nature et se projette sur les perspectives pour le futur. 

"Ensemble pour la nature" : un thème révélateur de l’écart qui réside/persiste entre les activités humaines et le respect de la nature et ses composantes.

Nous en sommes arrivés là ! À négocier, à inviter, à devoir convaincre les consciences humaines de prendre la même direction que la nature, pour préserver la couche d’ozone, sauvegarder les forêts qui sont sources d’oxygène, dépolluer les océans, restaurer les terres dégradées, se nourrir durablement, se loger convenablement, se vêtir responsablement.

Le Forum « Ensemble pour la Nature » a mis autour de la même table plusieurs acteurs dont le quotidien est fait de batailles pour vivre en harmonie avec la Nature. De toutes les questions soulevées à l’occasion de cette rencontre, le thème de l’habitat aura suscité des débats au sein d’au moins deux tables rondes. Des idées fortes ont été partagées et des pistes de solutions envisagées pour déconstruire l’habitat, qui coûte à la nature une facture irréparable, et retourner à un modèle plus intelligent, durable et confortable. Parce que les richesses naturelles et culturelles de chaque communauté devraient se refléter dans leur cadre de vie, les exigences de modernité et celles liées aux traditions de chaque communauté ont été présentées comme le nouveau socle de l’habitat durable.

Où allons-nous vivre demain ? De quoi seront faites nos bâtisses ? Subsisteront-elles aux aléas climatiques ? Répondent-elles aux inconstances météorologiques ? Concordent-elles avec les ressources naturelles disponibles ? Satisfont-elles les besoins des communautés ?

Voilà autant de questions soulevées par le débat sur l’habitat de demain. Les réponses apportées par les différents intervenants ont permis que se rencontrent des idées, que se partagent des expériences pour verdir l’habitat de demain, mais surtout que se dessinent pour l’avenir des plaidoyers plus forts pour l’habitat qu’il nous faut. 

La rencontre des idées pour l’habitat de demain

Ce n’est pas sur un ton péremptoire/impérieux que l’habitat d’hier a été proposé comme celui de demain lors du Forum d’Alger. C’est davantage à travers des témoignages librement exprimés par l’ensemble des participants qu’on a pu retenir que le modèle de construction prédominant n’était pas en phase avec la nature d’une part, et pire encore avec les besoins réels de ses utilisateurs d’autre part.

On a pu avec des expériences venant de part et d’autre d’Afrique et d’Europe convenir que le modèle ancestral regorgeait de savoirs et de pratiques utiles pour satisfaire l’humanité en termes d’habitat. En Afrique centrale tout comme ailleurs, les pratiques d’hier dans lesquelles on retrouvait la terre ou le bois comme matières premières ont gardé toute leur importance pour imaginer l’habitat d’aujourd’hui et celui de demain. Il faudra comprendre que parler d’habitat durable, c’est parler d’une architecture non pas durable en termes de solidité des bâtiments, mais « soutenable » pour la planète. Feriel Gasmi, Architecte, commissaire biennale de design franco-algérienne et modératrice de la table ronde, a pris l’exemple du sud de l’Algérie, riche de cités en architecture de terre « qui n’ont pas été toutes préservées ». C’est ainsi qu’on est parti du constat d’un recul de l’usage des savoirs culturels et traditionnels en matière d’architecture, avant d’aborder la question de l’énergie dans l’habitat.

Les éléments culturels dans l’habitat de demain

 « Le modèle de construction traditionnel doit être défendu auprès des pouvoirs publics », a défendu Feriel Gasmi.

En effet, l’Afrique est un continent qui témoigne d’une extraordinaire richesse architecturale. L’architecture traditionnelle s’y est formée au cours des millénaires par le savoir-faire des populations locales dans la maîtrise des matières premières que leur offre leur environnement : la terre, le bois, les feuilles, le granite etc. Cependant, l’avancée technologique a favorisé la disparition des villes antiques africaines. En effet, l’influence  s’est manifestée par la déformation et la destruction des cultures et traditions préexistantes.
Depuis le 20ième siècle, l’habitat au Cameroun subit une modernisation se caractérisant par la destruction ou l’abandon des modes de constructions traditionnels. Dans la partie septentrionale, l’abandon progressif du matériel local a fait place au béton et aux tôles en aluminium qui mettent les populations dans un réel inconfort thermique en saison sèche. On note une uniformisation et standardisation de l’habitat selon le modèle européen. L’architecture au Cameroun est donc un mix de deux cultures différentes : l’habitat « traditionnel » fait avec les matériaux locaux et l’habitat « moderne », calqué sur la culture européenne.
La diversité environnementale et sociale africaine offre encore aujourd’hui des possibilités de construction profondément enracinés dans la tradition sociale et la construction traditionnelle. Ces possibilités devront être explorées, promues et préservées.

Toutes ces visions partagées entre intervenants et participants, ont emmené les uns et les autres à remettre en question leur manière de vivre, de penser et d’habiter la terre.

Pour l’Afrique comme pour l’Europe, la société devra se construire sur de nouvelles priorités, une gestion plus durable des ressources, des rapports mieux réglés entre l’habitat et l’environnement.

Nous avons démontré au cours du débat que les constructions du XXIe siècle ne peuvent plus ignorer à la fois les limites physiques de la planète, les exigences sociales des populations urbaines croissantes, leurs attentes de sécurité et de confort, l’importance de la préservation du patrimoine bâti dans la culture, les contraintes fortes de l’environnement et de l’économie.  L’acte architectural ne peut plus faire l’économie d’une réflexion en amont prenant en compte ces nouvelles contraintes.

Cependant, défendre les solutions d’hier ne signifie pas rejeter celles d’aujourd’hui. Et donc, l’énergie renouvelable associée à d’autres innovations technologiques pourrait offrir en matière d’habitat un résultat écologiquement tenable, économiquement rentable et socialement satisfaisant.

La question de l’énergie dans l’habitat durable

La durabilité des habitats a également soulevé lors du forum les questions liées à l’énergie renouvelable. La table ronde qui a précédé celle des débats sur l’habitat est revenue sur les enjeux liés à l’énergie et le rôle de cette dernière dans la préservation de l’environnement.  En effet, penser l’habitat dans la perspective du développement durable est un des enjeux principaux des sociétés humaines vers un modèle plus soutenable et la transition énergétique pourrait permettre de tendre vers des bâtiments à énergie positive et à faible empreinte carbone. Le Parlement Européen a adopté un renforcement des objectifs de réduction des émissions de GES aux horizons 2030 et 2050. En Auvergne-Rhône-Alpes, le secteur résidentiel représente une part importante de 19 % des émissions de GES et de 27 % des consommations d’énergie finale. Il y a donc un enjeu essentiel à produire des bâtiments moins énergivores, à basse ou très basse consommation. En Afrique la quasi-totalité des pays dispose d’une CDN –Contribution déterminée au niveau national- fixant l’objectif chiffré du mix énergétique envisagé sur une période donnée. Le Cameroun à titre d’exemple envisage de rehausser à hauteur de 25% la part des énergies renouvelables dans son mix énergétique d’ici 2030.

Pour Fouzi Benkhelifa, Fondateur et Président de NEXQT et expert de l’action climatique, les scénarios d’avenir mettent en avant une population africaine qui va doubler durant les trente prochaines années. 80 % de ce doublement va se produire dans les villes. Donc, c’est deux fois plus d’urbains, un rattrapage de niveau de vie, plus d’équipements dans les maisons. La transition démographique sera accompagnée d’explosion d’urbanisation et la ressource énergétique sera de plus en plus un problème. On va arriver selon ce dernier au bout d’un modèle de consommation des ressources fossiles, et le choc énergétique sera une menace pour la stabilité.

Au-delà de la réduction des consommations d’énergie pour les usages quotidiens, il a été convenu d’intégrer la question de l’analyse de cycle de vie des bâtiments et de leur empreinte écologique globale pour développer des bâtiments basse consommation d’énergie. Cette analyse part du choix des matériaux vis-à-vis de l’énergie grise[1] qu’ils contiennent et prend en considération la fin de vie du bâtiment avec son démantèlement et la valorisation des matériaux qui le composent. Elle intègre également une conception architecturale bioclimatique[2]

Les perspectives d’après le forum

 La suite du forum se vit dans la collaboration née et à poursuivre avec intervenants et participants partageant des points de vue convergents sur le futur que nous voulons et que nous construisons.

L’idée dans la poursuite est de :

       - Diagnostiquer de façon plus détaillée les politiques africaines et européennes en matière de construction ;

       - Vulgariser le savoir-faire traditionnel en matière d’habitat durable ;

       - Sensibiliser les communautés africaines et européennes sur les avantages à court et à long terme d’un choix hybride -moderne et traditionnel- en matière de construction ;

A titre personnel, j’associe le Forum d’Alger à la catégorie/au rang des ‘’Fora d’action’’. Les initiatives de terrain présentées à l’occasion de cette rencontre ont éveillé sinon réveillé l’activisme climatique dans lequel s’inscrivent mes batailles/combats en matière d’éducation environnementale et d’harmonisation des politiques de développement aux exigences climatiques.  Afin de rendre plus favorable l’écho de la voix des écologistes engagés pour une réelle transition écologique en Afrique et en Europe, le Forum aura permis de faire un pas de plus vers « Notre Futur »." 


[1]Énergie grise : somme de toutes les énergies nécessaires à la conception, la production, le transport, l’utilisation, le recyclage ou la fin de vie d’un produit ou d’un matériau. 

[2] Bio climatisme : manière de concevoir pour obtenir des conditions de vie et de confort de manière la plus naturelle possible et en tirant le meilleur parti de l’environnement. 

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Notre futur - Dialogues Afrique-Europe

Lancé en Octobre 2022, le projet Notre Futur — Dialogues Afrique-Europe entend poursuivre le dialogue et bâtir des fondations nouvelles pour les relations entre l’Afrique et l’Europe. 

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