En écho à sa propre ancestralité (notamment) gréco-albanaise, l’artiste a exploré les résonances locales entre la comédie antique Les Oiseaux d’Aristophane (que l’on retrouve dans La République de Platon), dans laquelle deux athéniens se tournent vers le monde des oiseaux pour tenter d’imaginer une bonne politique, et le mythe Shuar de Yápankam, dans lequel les oiseaux enseignent aux humains à bien vivre ensemble, en harmonie avec la nature. 

Ce monument vivant opère comme un sanctuaire pour l’avifaune. Il est composé de plantes données par des acteurs de pratiques favorables à la conservation de l’écosystème forestier. Fleurs, arbustes, arbres fruitiers sont sélectionnés pour leur relation symbiotique avec certaines espèces aviaires. Cette mini-forêt propose un modèle expérimental d'orni-reforestation urbaine grâce à la dispersion de graines par les oiseaux qui y trouvent refuge. 

Arrivé à Macas en pleine élection municipale, l’artiste a repris la typologie des véhicules de campagne utilisés par les candidats. Le projet s’est développé comme plateforme mobile de collecte de plantes, de sonorisation d’oiseaux d’Amazonie, d’ateliers et de rencontres de porteurs d’initiatives environnementales. 

Une orchidée bambou (Arundina graminifolia) en route vers le terminal de bus de Macas.
Reliée à l'infrastructure routière du pays il y a à peine 30 ans, cette ville amazonienne autrefois isolée connaît une croissance extrêmement rapide, attirant de nouveaux arrivants de l’Équateur et d'ailleurs. 

Les initiatrices de pratiques hospitalières pour les oiseaux (jardinage, agriculture…) sont relativement isolées ou marginalisées au regard du paradigme extractif dominant. À travers le processus de collaboration développé par le projet, la forêt urbaine établit un réseau de refuges écologiques et rassemble des personnes soucieuses de conserver la faune et la flore dans une perspective interculturelle. 

Des drapeaux ont été créés en collaboration avec des artistes locaux : des signes pour une institution imaginaire, afin d'apprendre des formes de buen vivir à partir des systèmes naturels. L'œuvre invite à décentrer l’humain au sein de la pensée interculturelle des droits de la nature. C’est une micro-utopie qui propose d'explorer des modèles de villes conviviales qui rendent possibles de nouveaux mondes animaux-végétaux-humains. 

Une publication éditée par l’artiste accompagne le projet, mêlant recherches d’archive, enquête sur les dynamiques migratoires et interculturelles du territoire, entretiens avec des leaders autochtones, des activistes et des chercheures autour de la conception de la nature dans les luttes sociales et la nouvelle constitution équatorienne. 

Pour l’inauguration, l’artiste a invité de nombreux collectifs culturels de la région à réagir à l'œuvre de manière performative. Le groupe de théâtre de la communauté de Kuamar qui développe une pratique de théâtre de l’opprimé en langue shuar, a mis en scène l’histoire de Yápankam, fable sociale et écologique où une tourterelle apprend au jeune Etsa à redonner vie aux oiseaux qu’il avait chassés jusqu’au dernier, et à se défendre du démon Iwia. 

Observation d’une Amazone aourou (Amazona amazonica), espèce habitant les forêts humides d’Amazonie qui s’aventure parfois dans les zones urbaines. Au cours de son enquête, Stéphane Bottéro a rencontré des biologistes de l’Institut National de la Biodiversité (INABIO) pour mieux comprendre les mutualismes spécifiques entre certains oiseaux et certaines plantes qui informent des trajectoires de migration et d’évolution parfois imprévisibles. 

Dans une région marquée par des dynamiques de hiérarchisation, de pouvoir et de conflit enracinées dans des processus successifs de colonisation, d’acculturation et d’extraction, La République des Oiseaux contribue, à travers le processus éco-social et la fête inaugurale, à engendrer du commun dans la ville, en reconfigurant les relations de coprésence et de visibilité entre divers groupes indigènes, métis et colons.