
Saype
À mi-chemin entre street art et land art, Saype conçoit des œuvres monumentales, peintes directement sur l'herbe. Les fresques biodégradables de cet artiste humaniste disparaissent en quelques semaines, mais leurs messages d'espoir et de solidarité imprègnent durablement l'esprit des spectateurs.
Mis à jour le 06/11/2020
5 min
Saype – de son vrai nom Guillaume Legros – grandit près de la frontière suisse, dans un milieu assez éloigné de l'art. Au début des années 2000, il développe sa sensibilité en autodidacte, à travers la pratique du graffiti sous le pseudonyme de Saype, contraction des mots anglais « say » (dire) et « peace » (paix). À partir de 2012, il entame une carrière d'infirmier tout en développant une pratique d'atelier plus classique, sur toile et plexiglas, avec les séries Métros (2015) et Les Aurores (2016). Une longue réflexion, marquée par la philosophie bouddhiste puis l'invention de sa peinture biodégradable, lui ouvre une nouvelle voie.
En 2015, L'Amour – fresque de 1 600 m2 réalisée sur l'herbe d'une montagne des Alpes – inaugure la série de portraits monumentaux qui fait son succès. Saype abandonne alors la santé pour se consacrer pleinement à son art éphémère. Engagé dans les causes écologiques et humanitaires, il réagit souvent à l'actualité par ses œuvres. C'est le cas de Message from Future (2018), réalisée en soutien à SOS Méditerranée, ou du projet Beyond Walls (2019), réponse aux murs érigés par le président des États-Unis.
Fusion entre les techniques hyperréalistes du street art et l'approche conceptuelle du land art, le style de Saype tient d'abord à sa formation. Contrairement à de nombreux graffeurs, il a grandi à la campagne. Cette ruralité imprègne son esthétique. Le décor urbain, rongé par différents types de pollutions visuelles, lui apparaît vite comme une limite à son message tandis que les paysages vierges constituent un moyen de frapper plus puissamment le spectateur.
Son travail s'appuie aussi sur deux révolutions technologiques. La première est cette peinture sans impact écologique, composée d'eau, de caséine et de pigments naturels, qu'il invente en 2015. L'autre est le drone, qui lui permet d'avoir un regard plus distancié sur ses tableaux. Car Saype peint à l'aveugle, dans un mélange de logistique très précise et de geste pictural immanent. La fresque ne se révèle qu'une fois pris le recul nécessaire et dure le temps de la repousse de l'herbe. Une impermanence qui lui plaît autant que le bouddhisme auquel il se réfère souvent.
Par leur caractère gigantesque et inédit, les œuvres de Saype ont une forte résonance. Avant le célèbre Qu'est-ce qu'un grand homme ? (2016) réalisé sur plus de 10 000 m2 de terrain à Leysin, personne n'avait conçu des fresques sur herbe aussi imposantes : ce statut de pionnier lui confère une aura mondiale. Les lieux souvent emblématiques, comme le Champ-de-Mars à Paris pour la première étape de Beyond Walls en 2019, augmentent encore l'impact d'œuvres vues par plusieurs centaines de millions de personnes.
L'apparition de la petite fille lâchant un bateau en origami dans le lac Léman, à proximité de l'ONU en 2018 (Message from Future) permet même de faire bouger les lignes politiques sur la question des migrants. Un engagement artistique et humain qui lui vaut d'intégrer le classement des 30 personnalités de moins de 30 ans les plus influentes dans le monde de l'art et de la culture, publié par le magazine Forbes en 2019.
- 1989
1989
Guillaume Legros naît à Belfort. Il grandit quelques kilomètres plus loin, dans le village d'Évette-Salbert.
- 2014
2014
Saype expose ses premières œuvres dans des galeries spécialisées à Belfort (Cheloudiakoff) et Strasbourg (St'art).
- 2015
2015
L’artiste réalise sa première fresque sur herbe, L'Amour, à La Clusaz.
- 2016
2016
Le portrait Qu'est-ce qu'un grand homme ?, réalisé sur plus de 10 000 m2 à Leysin, obtient un succès mondial et établit un record de grandeur pour une fresque de ce type.
- 2019
2019
Saype entame le projet Beyond Walls sur le Champ de Mars à Paris. 30 autres fresques représentant des mains entrelacées dans autant de villes du monde, doivent créer une grande chaîne humaine d'ici 2022.

Dans le cadre de son projet Beyond the Walls, Saype s’est rendu à Istanbul au mois d’octobre 2020. Il a réalisé trois fresques afin de créer un pont symbolique entre l’Europe et l’Asie : une à l'université de Boğaziçi (côté européen), une sur la Corne d'Or et la dernière à Beykoz (côté asiatique).
L’Institut français de Turquie était partenaire de cet évènement.