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Adrien M et Claire B

Faire entrer en résonance des questions sensibles et la technique

Adrien M & Claire B mélangent dans leurs projets l’art et le numérique, la danse et les pixels, aussi bien par des spectacles que des expositions en réalité augmentée et virtuelle. Une utilisation de la technique au service avant tout de la poésie et des sensations.

Mis à jour le 16/03/2020

5 min

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Adrien M et Claire B
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Adrien M et Claire B
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© Romain Étienne

Adrien, vous êtes jongleur et informaticien, Claire graphiste et plasticienne. Comment avez-vous commencé à travailler ensemble, sur des projets qui mêlent l’art et le numérique, deux domaines dont l’association n’est pas forcément naturelle ?

Adrien Mondot : Nous nous sommes rencontrés avec Claire il y a dix ans – à l’occasion de laboratoires entre artistes de multiples horizons – avec l'intuition qu’il n’y avait pas forcément de règle pour travailler ensemble. Nous avions juste chacun le souhait de s’ouvrir à d’autres disciplines. Nous avons mis nos outils respectifs – le jonglage et l’informatique pour moi, le graphisme et la scénographie pour Claire – au milieu de la table et nous avons commencé à jouer avec, ensemble, à tester des choses avec ces différents outils, sans savoir forcément où cela allait nous mener.

Claire Bardainne : Notre premier projet commun a été XYZT, en 2011, toujours en vie presque dix ans plus tard puisqu’il fait partie de notre exposition « Faire corps », qui se tient à la Gaîté lyrique jusqu’en mai 2020.

 

Vous avez, dès le début, eu recours à la réalité augmentée et à la réalité virtuelle. A-t-on là deux technologies si différentes ?

Adrien Mondot : La réalité augmentée existait déjà il y a dix ans. Il s’agit de l’image réelle augmentée d’une image virtuelle, à travers une tablette par exemple. La réalité virtuelle, qui se joue dans un monde clos avec un casque, est pour moi un sous-ensemble de la réalité augmentée.

Claire Bardainne : La réalité augmentée intègre la vision du réel, en y intégrant une couche d’information, comme un scénario sensible et imaginaire. Et c’est justement cette surexposition et cette mixité qui nous intéressent. Nous sommes attentifs à la technique et effectuons un travail de veille technologique très important à l’amorce des projets. Nous nous posons de nombreuses questions : comment ça marche ? Jusqu’où ça marche ? À quel moment ça ne marche plus ? Pour notre installation Mirages & Miracles, qui a été lancée en 2017 et qui continue à être présentée, nous interrogeons la dichotomie mort/vivant, inanimé/animé, qui appartient en propre à la réalité augmentée. Cette technologie peut enchanter des choses : une pierre inanimée devient vivante quand on la regarde avec une tablette qui, pour nous, est comme une fenêtre. Nous essayons de faire entrer en résonance des questions sensibles et techniques.

 

Acqua Alta, créé en 2019, prend différentes formes – spectacle, livre, expérience en réalité virtuelle, ateliers. La déclinaison sur différents supports est-elle essentielle pour vous ?

Adrien Mondot : Chaque support révèle sa propre perspective. Tous nos projets ne prennent pas forcément cette forme, mais pour Acqua Alta, nous voulions mettre le spectateur en mouvement, entre un spectacle qui mêle la danse et le numérique, un livre pop-up dont les dessins et les volumes en papier forment les décors d’une histoire visible en réalité augmentée, et une expérience immersive de réalité virtuelle. Avec ces différentes expériences, le public enchaîne plusieurs postures entre la scène, le livre et la réalité virtuelle.

Claire Bardainne : Cette volonté de décliner chaque œuvre sur différents médias est à la base de notre rencontre. Dès le début, nous ne voulions pas nous donner de limite de temps et d’espace à l’incarnation des projets que nous souhaitions mener. Chaque support est un point de vue différent sur la même histoire. Et le public, à travers son parcours entre la scène, la réalité virtuelle et le livre, reconstruit comme un puzzle toutes les facettes du projet.

Nous nous considérons comme animistes, avec le fort sentiment que nous sommes en relation avec les êtres et qu’il faut les écouter. Nous essayons dans nos projets de transposer cette attention dans le but de la transmettre au public.

La poésie et la narration sont toujours très présentes dans vos projets. Comment les travaillez-vous ?

Claire Bardainne : Il est très important de préciser que la technique n'asservit pas la poésie, et vice versa. Nous passons de l’une à l’autre tout le temps. Pour chaque création, nous nous nourrissons de lectures, d’observations, de métaphores. Nous sommes vraiment dans un théâtre de sensations, que ce soit dans notre processus de création ou par le résultat sur scène et les expériences que nous proposons.

Adrien Mondot : Nous ne nous posons même pas la question de la poésie : nous mettons en œuvre nos idées. On espère ensuite que quelque chose de fort naîtra de ce travail, que le public pourra appeler « poésie ».

 

Vos œuvres montrent souvent des silhouettes, des galets, de la vapeur, comme dans L’ombre de la vapeur présentée à la Fondation d’entreprise Martell, à Cognac en 2018. Quelle est la place de la nature dans votre travail ?

Claire Bardainne : La nature est très importante dans nos projets. Les expériences que l’on peut avoir dans un milieu naturel comptent beaucoup dans notre processus de création. Nous sommes aussi inspirés par d’autres artistes, comme Hayao Miyazaki dont les films d’animation nous aident à comprendre notre rapport à la nature. Adrien et moi nous considérons comme animistes, avec le fort sentiment que nous sommes en relation avec les êtres et qu’il faut les écouter. Nous essayons dans nos projets de transposer cette attention dans le but de la transmettre au public, de lui donner envie, à son tour, d’avoir cette attention à la nature, de prendre soin des choses et des êtres, vivants et non vivants, humains ou non humains.

 

Vers quelle technologie voulez-vous aller pour vos projets futurs ?

Claire Bardainne : Nous nous dirigeons vers la low-tech. Nous utilisons des technologies récentes et contemporaines, mais dans un état d’esprit de réutilisation et d’appropriation. Nous mettons autant d’énergie, voire plus, à essayer de créer et transmettre des sensations et des émotions puissantes et palpables plutôt que de jouir d’une technologie incroyablement efficace. Nous sommes plus que jamais attachés à la question du vivant, mais nous ne savons pas encore quelle forme cela va prendre.

 

Vous construisez actuellement votre propre studio de travail. Que cela va-t-il changer pour vos prochaines créations ?

Adrien Mondot : Avec notre nouveau lieu de travail, nous pourrons laisser une recherche organique se mener, et trouver les bonnes technologies au bon moment. Si l’on prend la métaphore du jardinier, nous allons pouvoir faire pousser des choses et cueillir ce qui nous semble mûr à la bonne saison, plutôt que de forcer les choses à pousser.

L'Institut français et les artistes

Adrien M et Claire B participaient le 11 mars aux rencontres professionnelles organisées par l'Institut français dans le cadre du festival Mirages, à Lyon.

 

Leur performance Hakanai a été présentée à l'Institut français de Dakar en 2018, dans le cadre de Novembre Numérique, mois des cultures numériques piloté par l'Institut français. En savoir + sur Novembre numérique 

 

Leur exposition « Mirages & miracles » a également été présentée dans le cadre d'Ars Electronica à Linz, en Autriche de juin 2019 à mars 2020, avec le soutien de l'Institut français dans le cadre de son partenariat avec la Ville de Lyon. En savoir + sur les programmes d'aide à projet en partenariat avec les collectivités territoriales

 

L'institut français, LAB