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Alice Lefilleul

Le point de départ du podcast "Autrement dit", la santé, permet en fait d’ouvrir sur plein de facettes différentes de la société, mais aussi de passer de la science dure aux sciences humaines.

Chercheuse universitaire et journaliste radio, Alice Lefilleul présente la première saison du podcast Autrement dit, une coproduction entre l’Institut français et l’association MakingWaves. 

Mis à jour le 02/09/2021

5 min

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Alice Lefilleul
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Revenons rapidement sur votre profil : vous êtes à la fois chercheuse en littérature et journaliste. Comment articulez-vous ces deux aspects ?

J’ai obtenu un doctorat en Littérature comparée en 2018, à l’issue d’une cotutelle entre l’université de Montréal et la Sorbonne-Nouvelle. En même temps, j’ai commencé la radio dans un cadre associatif au Québec, pour une station qui s’appelait CIBL, tout en contribuant au média Africultures. Pour moi, il s’agit en réalité d’une seule et même démarche : dans le champ de la littérature comparée, j’ai une approche d’anthropologue, ce qui peut s’apparenter par certains aspects au journalisme. Le monde de la radio associative est très libre, et m’a permis de faire des allers-retours avec ma pratique intellectuelle et mon champ de recherche. Mon travail de thèse portait par exemple en partie sur la littérature autochtone contemporaine, il était donc important pour moi d’effectuer un travail de terrain. Dans ce cadre, j’utilisais ce que l’on appelle le « travail collaboratif », qui consiste à associer les populations autochtones afin de leur laisser une part de co-création et un regard sur mon travail. Or c’est par le biais de la radio associative que j’ai d’abord rencontré ces communautés : c’était un bon moyen d’entrer en contact, moins formel et moins chargé que si je m’étais simplement présentée comme une chercheuse. Le passage entre les deux s’est donc toujours fait très naturellement pour moi. 

 

Pouvez-vous nous parler du podcast Autrement dit, dont vous venez de lancer la première saison ?

Autrement dit est un podcast de médiation et de pédagogie autour des enjeux de la santé publique. L’idée était d’aborder le sujet en faisant un pas de côté par rapport à la question brûlante du Covid 19, en prenant des angles différents pour traiter de ces grands problèmes sociétaux et mondiaux. Nous avons donc réfléchi à une saison en cinq épisodes, qui partirait du plus petit (qu’est-ce qu’un virus ? comment ça fonctionne ?), pour ensuite élargir la focale et s’intéresser à la santé publique plus globalement, à comment elle est organisée au niveau local par des praticiens, et au niveau plus global par l’Organisation Mondiale de la Santé. L’idée étant de « dézoomer » petit-à-petit afin d’arriver à des questionnements plus philosophiques, sur la question de l’accès aux soins et du care. Le point de départ, la santé, permet en fait d’ouvrir sur plein de facettes différentes de la société, mais aussi de passer de la science dure aux sciences humaines.  

La forme sonore permet d’aborder beaucoup plus facilement certains sujets complexes. Le fait d’osciller entre narration et entretiens a une vraie vertu pédagogique.

Quels sont les grands principes de ce nouveau format coproduit par l’Institut français et par Making Waves ?

Nous avons mené notre enquête tout autour du monde, parfois en visioconférence étant donné la situation sanitaire. J’ai travaillé d’abord comme chercheuse, en m’appropriant cette problématique avant de dérouler cette bobine et les différents fils qui y sont reliés. Nous avons aussi beaucoup travaillé en coordination avec le pôle Idées et savoirs de l’Institut français, pour faire résonner la dimension internationale de l’institution, en mobilisant les Instituts français à l’étranger. Chaque épisode dure 30 minutes, avec une voix off que je prends en charge, qui soulève plusieurs questions, et entre trois et quatre intervenants et intervenantes. A cet égard, nous avons veillé à toujours respecter la parité. Le podcast contient de l’interview de fond, mais aussi de la prise de son en situation, pour que le résultat soit vivant et pour faire entendre les lieux et les actions des intervenants et intervenantes. Même si certains enregistrements ont été réalisés à distance, il était très important pour nous que le format soit soigné du point de vue de la réalisation radiophonique, dans le but de prendre l’auditeur et les auditrices par la main et de les emmener avec nous partout où cette enquête nous avait menés. 

 

Quel est selon-vous le statut du podcast par rapport à d’autres formats journalistiques, en ce qui concerne la diffusion des idées?

La forme sonore permet d’aborder beaucoup plus facilement certains sujets complexes. Le fait d’osciller entre narration et entretiens a une vraie vertu pédagogique, ce que ne va pas permettre, par exemple, un article papier. Notre but est vraiment d’accrocher les auditeurs et les auditrices pour leur apporter des outils de compréhension. C’est donc une vraie problématique de médiation scientifique. Nous avons aussi traduit toute la série, qui est sous-titrée en anglais et donc automatiquement accessible à une plus grande audience. 

 

Making Waves est une association qui se donne pour objectif de faire de la radio un médium d’inclusion des communautés sous-représentées dans l’espace public, grâce à l’installation de studios mobiles et simplifiés. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce qui vous a amené à rejoindre Making Waves et votre rôle au sein de l’association ?

Making Waves est à la fois une association et une entreprise solidaire d’utilité sociale (ESUS). Elle s’est structurée en 2018 autour d’un outil : la radio box. L’idée était de construire un studio radio mobile qui soit facile d’utilisation et accessible à toutes et à tous, sans compétences techniques particulières. Et qui permette très facilement de streamer en direct une émission, quel que soit le lieu. Making Waves se divise en trois pôles. Un pôle production, qui s’est chargé du podcast Autrement dit, qui produit aussi bien de la fiction que des documentaires, ou des entretiens avec des artistes. Le pôle ONG, qui a pour but de réfléchir à comment l’outil radiophonique peut être un levier d’inclusion : nous venons par exemple de boucler une série d’ateliers qui a débouché sur une création sonore avec les élèves de l’école Maryam Madjidi du CHUM (Centre d’Hébergement d’Urgence de Migrants) d’Ivry-sur-Seine. Et le pôle dédié à l’insertion, en partenariat avec la DIRECCTE (Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’Emploi) et Pôle Emploi, où nous formons des personnes éloignées de l’emploi aux métiers de la radio. Avec la conviction que ce sont des métiers dont les enjeux - prise de parole, travail en équipe, rôles tournants - permettent de redonner confiance à certains publics.

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L'Institut français et le podcast "Autrement dit"

Le podcast Autrement dit est une une coproduction entre l’Institut français et l’association MakingWaves. 

En savoir + sur le podcast Autrement dit 

L'institut français, LAB