de rencontres
Rencontre
Création numérique

Anna Alix Koffi, commissaire de l’exposition NFT Afrique à Dak’Art

J’ambitionne de porter la voix, la conversation que l’on va ouvrir à Dakar au sujet de la technologie NFT pour les artistes afin de la propager sur le continent et au-delà.

Éditrice indépendante, directrice de création, mais aussi rédactrice en cheffe, Anna Alix Koffi est aujourdhui commissaire de lexposition itinérante NFT, inaugurée dans le cadre des projets spéciaux de la Biennale de Dakar le 11 novembre 2024. Elle revient sur la richesse de son parcours, le dynamisme artistique du continent africain, ainsi que les enjeux du programme Création Africa. 

Publié le 31/10/2024

5 min

Image
Anna Alix Koffi
Crédits
Anna Alix Koffi © Aurélie-Jocelyne Tiffy

Lorsque vous viviez à Paris, vous avez créé la revue « OFF the wall», puis « SOMETHING WE AFRICANS GOT », dédiée à la création africaine du continent. Vous êtes aujourdhui installée à Abidjan, où vous avez ouvert lespace dart contemporain SOMETHING, entièrement dédié aux installations numériques et vidéos. Comment sest faite cette transition ? Quelle est votre vision pour ce lieu ? 

Après une vie passée en France, il nest pas réellement possible de couper les ponts, donc je me partage entre Paris et Abidjan. Cest également lié au marché de lart contemporain car il sagit dun secteur où il faut être en mouvement constant et Paris reste lun de ses centres les plus importants. Quand jai commencé la revue « OFF the wall » en 2012, c’était un projet en dix volumes qui montrait à la fois de la photographie émergente et des images plus anciennes. De cette façon, je créais un dialogue très important en donnant de la visibilté à des personnes qui navaient jamais été publiées. Pour la revue « SOMETHING WE AFRICANS GOT » et « PROFILES », sa version magazine, lidée était de donner la parole à ceux qui savent, mais aussi de donner voix aux auteurs africains et de parler au monde. Dans le prolongement de ces projets, cest finalement en 2020, lors du confinement où je suis restée à Abidjan, que jai eu lidée de prendre un bureau pour mes activités. Ce quon ma proposé sest prêté à la création dun espace et, petit à petit, les choses se sont dessinées dans ma tête. Jai alors pensé que c’était très bien davoir misé au départ sur du papier avec la revue, soit du concret, du tangible, pour finalement partir sur de limmatériel comme les formats dart vidéo et d'art digital. En ouvrant cette plateforme, je voulais compléter tout ce que javais fait sans faire une redite, ni mettre en place quelque chose de complètement différent. 

 

Vous êtes commissaire de lexposition itinérante NFT, où dix artistes dAfrique et de la diaspora sont réunis, inaugurée le 11 novembre prochain durant la Biennale de Dakar. Pouvez-vous nous expliquer comment ce projet a été conçu et quelles en sont les grandes lignes ? 

À lorigine du projet, jai rencontré le directeur délégué de lInstitut français de Côte dIvoire, Jean Mathiot, qui ma parlé de lintérêt des NFT pour lInstitut français. Jai ensuite échangé avec Valérie Lesbros, responsable du pôle Culture et Partenariats Solidaires à lInstitut français, qui ma présentée à NFT Factory et nous avons décidé de commencer un projet de formation et dexposition ensemble à Abidjan. Ils avaient déjà mis en place une exposition qui avait tourné en Afrique et nous avons choisi de la reprendre. À lautomne 2023, jai pu lamener à SOMETHING pour ma première expérience digitale dans les lieux. 

En parallèle de cela, nous avons eu lidée de proposer une nouvelle exposition collective à la Biennale de Dakar, un projet qui a été soutenu par lInstitut français et lIFCI. 

Il faut savoir que les NFT navaient jamais été montrés dans une exposition denvergure et que ce projet leur a permis d’être remis à leur juste place dans le système des artistes. Cest un outil qui permet lautonomie, l’émancipation, et surtout la capacité de maîtriser son droit de suite et la propriété intellectuelle, qui est fondamentale. 

Image
Exposition NFT Afrique à Dak’Art
©️ SOMETHING 2024
Exposition NFT Afrique à Dak’Art

Cette exposition collective et itinérante est soutenue par le programme Création Africa, mis en œuvre par lInstitut français. Comment s'est déroulé ce partenariat et quelles ont été les étapes clés de sa mise en place ? 

Cela sest fait de manière très organique puisque je connaissais un peu tout le monde après une douzaine dannées dexpérience sur le terrain. Cest réellement un projet où l’équipe était très enthousiaste, que ce soit du côté des équipes de lInstitut français, avec Valérie Lesbros et Manon Barbe, à Paris, ou de Jean Mathiot à lInstitut français dAbidjan, mais également des Instituts français ou Ambassades des pays dont sont originaires les artistes et qui sont aussi partenaires de cette exposition collective : par exemple le Sénégal, le Maroc, le Ghana, le Nigeria, le Cameroun, etc. 

Création Africa couvre ainsi des actions régionales et innovantes qui sont accompagnées par lInstitut français sur le continent, notamment avec des opérateurs culturels. Il sagit dun outil qui leur permet de faire plus, de mettre des moyens, comme ils lont fait dans cette exposition, afin de soutenir lenvol et lessor possible dartistes, ici avec les NFT. 

 

Le programme Création Africa vise à soutenir les Industries Culturelles et Créatives (ICC) africaines. Au vu de vos différentes fonctions, notamment de rédactrice en cheffe de plusieurs revues, vous connaissez très bien la création artistique du continent africain. Quels sont les secteurs les plus dynamiques actuellement ? 

Selon moi, ils sont tous ultra dynamiques et cest la méconnaissance qui fait croire quun secteur est moins dynamique quun autre. Dans un premier temps, on va, bien entendu, avoir la musique, la mode et le cinéma, car ce sont les premiers qui ont été soutenus par les politiques culturelles locales. Mais je pense que tout est dynamique : cest vraiment enthousiasmant, même si cela peut sembler un peu intimidant, car il y a tant de choses à connaître. Dans ce contexte, il est essentiel que des initiatives comme Création Africa puissent se saisir de ces nouveaux enjeux et dialoguer avec les opérateurs pour co-construire des projets. Même si la culture tient une grande place en Côte dIvoire, les entreprises ne sont pas vraiment soutenues et il nest jamais certain davoir de quoi subvenir à nos besoins en passant par l’État. Par exemple, SOMETHING est autofinancé : pour le moment, mes grands partenaires sont lInstitut français et le Goethe-Institut Abidjan. 

Il est essentiel que des initiatives comme Création Africa puissent se saisir de ces nouveaux enjeux et dialoguer avec les opérateurs pour co-construire des projets.

Avez-vous récemment eu des coups de cœur artistiques ou découvert des artistes à suivre ? De quelle façon observez-vous l’évolution de lart sur le continent africain et la diaspora, en particulier sur la scène numérique ? 

Cest, encore une fois, ultra dynamique et de nouveaux artistes émergent chaque jour. Sur le continent, il peut ainsi y avoir des personnes qui vont éclore en rendant des hommages appuyés à dautres, sans même réaliser quils font un copier-coller. Ils vont suivre une espèce de tendance et, pour les meilleurs, se révéler et faire quelque chose qui leur est vraiment propre. La plupart des artistes apportent une contribution importante et originale dès leurs derniers : je pense au remarquable travail de Zohra Opoku, qui est allemande et ghanéenne, et qui crée autour de la notion darchives, mais aussi de ses ancêtres. Au niveau de mes coups de cœur, jai découvert beaucoup dartistes NFT en effectuant leur sélection sur lidée dAfricana. Je peux citer un artiste brésilien qui sappelle Gystere ( Adrien Peskine ), ou Nana Opoku ( Ghana ) AFROSCOPE pour son nom de scène, et Linda Dounia ( Senegal) . Jai souhaité inviter dans le projet ces artistes, qui avaient une véritable pratique liée à la technologie NFT. Pour que ça parle à tout le monde et traduire mon intention, jai aussi voulu mettre en lumière le travail dun photographe qui nutilise pas les NFT, Adama Sylla, qui a 90 ans cette année !Cela me permet aussi d’évoquer limportance du certificat NFT apposé à chaque photo, qui évite les reproductions falsifiées. 

 

Après Dakar, lexposition NFT va être présentée au SOMETHING Art Space à Abidjan, mais aussi dans dautres villes africaines. Pouvez-vous nous parler de laprès Biennale et de votre ambition pour lexposition ? 

Jambitionne de porter la voix, la conversation que lon va ouvrir à Dakar au sujet de la technologie NFT pour les artistes afin de la propager sur le continent et au-delà. Parmi les étapes que lon sest fixées, après lautomne 2024 à Dakar, il y a le Maroc, où nous allons être projet spécial de la foire 1:54. Cest lInstitut français de Marrakech, qui a réussi à poser ce projet. Ensuite, il y aura Paris avec la semaine NFT en février, puis nous songeons à partir au Cameroun, à Douala ou à Yaoundé. Notre dernière étape serait l’été prochain à Abidjan pour clore cette tournée à SOMETHING. Bien sûr, cest ce qui est établi pour le moment, mais si dautres institutions ou lieux veulent recevoir lexposition, nous pourrons aussi le faire ! 

Création Africa

Grâce à un financement Fonds Équipe France Création (FEF Création) du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, l’Institut français donne forme aux dynamiques de transformation du partenariat avec le continent africain. Il met en œuvre l’ambitieux programme Création Africa, déployé durant toute l’année 2024, pour soutenir les Industries Culturelles et Créatives (ICC) africaines et élargir le champ d’action de la France à de nouveaux partenariats sur le continent. 

En savoir plus 

L'institut français, LAB