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Annabelle Playe présente « inLAND » à l’international

inLAND est une performance audiovisuelle, avec une composante de jeu vidéo et une mise en scène des musiciens, qui masquent le genre « audiovisuel », dans l’idée d’être avant tout les passeurs du monde que nous donnons à voir et à entendre.

L’artiste Annabelle Playe signe avec Marc Siffert et Hugo Arcier inLAND, une performance musicale qui mêle jeu vidéo et thématique du passage entre les mondes. Fin 2023, ils se sont produits à MUTEK, au Mexique, avec le soutien de l’Institut français d’Amérique Latine, et à l’Institut français de Casablanca, dans le cadre du Festival International des Arts Vidéos, avec l'appui du programme IF Export

Mis à jour le 24/01/2024

5 min

Image
Annabelle Playe
Crédits
© Quentin Chevrier

Pourriez-vous nous parler de votre parcours et de votre structure, AnA Compagnie ?  

Je suis musicienne, j’ai d’abord commencé par la chant lyrique et l’électro-acoustique, en me produisant beaucoup autour du répertoire vocal contemporain. J’ai ensuite découvert les synthétiseurs et je me suis remise à la création musicale expérimentale aux alentours de 2008. En 2010, j’ai créé la compagnie AnA, basée en Lozère où je vis, qui est consacrée aux musiques exploratoires et formes immersives. Son axe principal est la composition à base de lutherie électronique et de nouvelles technologies. Plusieurs projets ont vu le jour, et en 2021 j’ai invité la musicienne Nadia Ratsimandresy à codiriger la compagnie avec moi. Au fil des années nous avons tissé des relations fortes avec des artistes comme Marc Siffert, Sandrine Cnudde, Alexandra Radulescu, Alexis Forestier ou Michel Simonot. J’ai ensuite commencé à faire des performances avec de la vidéo, comme Matrice, puis Vaisseaux, avant de rencontrer Hugo Arcier. Après une première création, Overview, qui tourne encore, nous nous sommes attelés ensemble au spectacle inLAND

 

Pourriez-vous nous parler de votre spectacle inLAND ? Comment s’est déroulée la création ? A quoi faut-il s’attendre sur scène ?

C’est une performance audiovisuelle, avec une composante de jeu vidéo et une mise en scène des musiciens, qui masquent le genre « audiovisuel », dans l’idée d’être avant tout les passeurs du monde que nous donnons à voir et à entendre. Avec Marc Siffert, nous jouons avec une lutherie électronique, dans le but d’ouvrir les portes d’un méta-univers. C’est une pièce immersive, assez intranquille et âpre, avec une forte physicalité du son. Hugo Arcier, présent sur scène, joue en direct le jeu vidéo audioréactif qu’il a créé pour inLAND et dont il est le seuk à connaître les passages. C’est une expérience dont on ne sort pas indemne, mais que nous prenons beaucoup de plaisir à jouer.     

Je suis tombée très malade au moment de la genèse du projet, et je voulais travailler sur les notions de passage : entre la vie et la mort, le sommeil et l’éveil, le réel et le virtuel, le figuratif et l’abstrait.

inLAND nous invite ainsi à une errance à travers différents décors, parfois humains ou architecturaux. Quelles thématiques souhaitiez-vous aborder à travers cette œuvre ? 

Au départ, le projet s’appelait Styx, en référence au fleuve des enfers. Je suis tombée très malade au moment de la genèse du projet, et je voulais travailler sur les notions de passage : entre la vie et la mort, le sommeil et l’éveil, le réel et le virtuel, le figuratif et l’abstrait. A mes yeux, l'idée de mort est quelque chose de très métaphysique, philosophique, qui vient éclairer l’idée de vie et lui donne sens. Le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui est très morbide, mais paradoxalement il évacue les notions de vieillesse, de mort, d’impermanence, comme si c’était des tabous. Pendant cette maladie, j’ai presque expérimenté ce passage, assez effroyable, qui est presque indicible, mais que l’on peut exprimer avec des images et de la musique. Ce qui s’y passe est à la limite de l’effroi et de l’éblouissement, d’une forme de connaissance qui n’a rien à voir avec l’intellect et la raison. Styx est finalement devenu inLAND, et est axé autour de cette idée de passage entre des mondes. Sur scène, nous faisons donc office de passeurs, de Charon. 

     

Comment avez-vous collaboré avec Marc Siffert et Hugo Arcier ? Comment la musique s’articule ici avec les jeux vidéo ? 

J’ai demandé à Hugo Arcier de travailler sur des passages entre de l’abstraction et du figuratif. Il s’est approprié cette notion à travers le prisme des jeux vidéo. Il a créé un monde où il se déplace et change de niveaux grâce à un cube symbolisant l’endroit de passage, ce qui donne aussi l’architecture de la pièce. Personnellement, j’ai découvert le numérique assez tardivement, et il s’agit d’une esthétique qui me parle beaucoup. Au départ, inLAND devait être basé sur une création visuelle simplement audioréactive, mais finalement Hugo Arcier a souhaité créer un jeu vidéo, et être présent sur scène avec Marc Siffert et moi pour le jouer. C’était le début d’un processus créatif qui passe beaucoup par la parole. Tous les trois, nous avons beaucoup réfléchi à la notion d’espace, d’errance, et à la manière dont cela pouvait s’articuler entre les dimensions sonores et visuelles. Ce qui m’a beaucoup plu dans la proposition d’Hugo, c’est que quand la connexion internet est suffisamment bonne, on joue aussi sur la plateforme de streaming en ligne Twitch, ce qui crée encore plus de porosité entre les mondes artistiques et celui du jeu vidéo. 

Au départ, inLAND devait être basé sur une création visuelle simplement audioréactive, mais finalement Hugo Arcier a souhaité créer un jeu vidéo, et être présent sur scène avec Marc Siffert et moi pour le jouer.

Vous avez présenté cette création le mois dernier à Mexico, dans le cadre du MUTEK et avec le soutien de l’Institut français d’Amérique Latine. Cette invitation fait notamment suite à votre participation au FOCUS Arts numériques organisé par l’Institut français en mai 2023. Pouvez-vous nous en dire plus ? 

C’était très excitant de pouvoir jouer à MUTEK, c’est un grand festival avec beaucoup d’artistes de bon niveau. On a été très bien accueillis. Dans inLAND, il y a une grande physicalité du son et l’image est puissante, c’est donc génial de pouvoir jouer dans des grands espaces. C’était le cas à MUTEK, avec un bel espace et des conditions techniques de grande qualité. Hugo n’a pas pu venir, il a donc joué depuis Paris : une expérience assez excitante puisqu’on a pu jouer à distance, avec une image qui est audio réactive et qui nécessite donc une excellente connexion. Je trouve ça assez incroyable de pouvoir relier ainsi des continents à travers une pièce audiovisuelle, avec un public qui a été très réactif. C’était une soirée avec près de 20 performances et 3500 personnes côté public. Ce dernier a beaucoup réagi pendant la performance, et a démontré beaucoup d'enthousiasme. 

 

Le 8 novembre dernier, vous étiez aussi à l'Institut français de Casablanca dans le cadre du Festival International d'Art Vidéo de Casablanca. 

Ce projet a été rendu possible grâce à un soutien de la part de l’Institut français, à travers le programme IFExport, qui nous a permis de financer le transport et l’accueil sur place. Nous avons ainsi pu nous rendre à l'Institut français de Casablanca, qui est un très beau lieu, très bien équipé. L’équipe technique nous a permis de donner une performance dans de très bonnes conditions. 

 

Souhaitez-vous nous parler d’une autre actualité ? 

inLAND devient un duo musical, Marc Siffert et moi-même, toujours accompagné.es d’Hugo aux images. Nous créerons dans les deux années, une nouvelle pièce qui se nommera Unexpected dans laquelle nous mettrons en scène l’inattendu, soudain et joyeux en réponse à un monde en souffrance. 

D’autres pièces voient le jour en 2024-25, dont Ars Natura, toujours avec Hugo Arcier aux visuels et Rima Ben Brahim aux lumières et moi-même à la musique, ainsi qu’une nouvelle pièce audiovisuelle avec Alexandra Radulescu, Vain, second volet de Krasis. 

L'institut français, LAB