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Aurore Petit revient sur sa participation au festival « Picture Me » en Nouvelle-Zélande

Parler de son travail dans une autre langue, c’est le penser différemment : il y a un travail de simplification, un effort pour aller droit à l’essentiel.

Illustratrice et autrice, Aurore Petit a participé au Festival d’illustration jeunesse Picture Me, qui s’est déroulé en septembre 2024 à Wellington, en Nouvelle-Zélande, avec l’appui du Fonds culturel franco-allemand. Alors que son dernier ouvrage, Grande !, est paru aux éditions Les Fourmis rouges, Aurore Petit revient sur sa participation au festival Picture Me, nous partage les moments forts de son déplacement et évoque la réception de ses ouvrages à l’étranger. 

Mis à jour le 26/02/2025

5 min

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Aurore Petit
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Pouvez-vous revenir sur votre parcours et nous expliquer comment vous êtes devenue autrice et illustratrice ?

Dans un premier temps, j’ai obtenu un baccalauréat littéraire avant d’entrer dans des écoles d’arts appliqués, puis d’intégrer les Arts décoratifs de Strasbourg dont je suis sortie en 2006. J’ai été formée dans la section “illustration narrative”, mais j’étais également intéressée par le graphisme et la scénographie. Depuis 2008, j’exerce le métier d’autrice et d’illustratrice : j’ai été réellement séduite par le fait de pouvoir être indépendante et d’initier moi-même mes projets, sans dépendre d’un commanditaire ou d’un client. Si le cœur de mon métier reste le travail de dessin et d’écriture, au fil des années, je me suis rendu compte qu’il y avait d’autres vies autour des livres. Ce sont celles des expositions, des adaptations sur scène, des spectacles, des concerts dessinés et des workshops avec le public. En tant que touche-à-tout, mon métier est finalement très varié, de l’illustration à la médiation, ce qui est réellement satisfaisant pour moi. 

 

Le Festival européen d’illustration jeunesse « Picture Me » s’est déroulé du 10 au 28 septembre à Wellington, en Nouvelle-Zélande. Vous avez été invitée à y participer et à présenter votre travail. Comment est né ce projet ? 

C’est un projet initié par Gecko Press, l’éditeur qui traduit mes livres en anglais, publiés aux Fourmis rouges en France. Il a choisi d’organiser ce festival en invitant des auteurs et autrices de son catalogue européen, mais c’est également un projet qui a été porté par le Goethe-Institut, l’ambassade de France en Nouvelle Zélande , l’Alliance française de Wellington, l’ambassade de Pologne et l’Institut français de Paris. Il a fallu presque un an de préparation avant que nous puissions nous rendre sur place. L’idée était de rencontrer le public sous différentes formes, avec des classes, des étudiants en arts plastiques, aux Beaux-Arts, mais aussi le grand public dans des librairies, afin d’échanger sur nos pratiques. 

A propos du festival "Picture Me"

Organisé sous l’impulsion de Gecko Press, principal distributeur de livres jeunesses européens en Nouvelle-Zélande, le Festival Picture Me est soutenu par le Goethe-Institut, l’ambassade de Pologne, l’Alliance française de Wellington, l’ambassade de France en Nouvelle-Zélande  et l’Institut français de Paris. Ce projet bénéficie également de l’appui du Fonds culturel franco-allemand, qui soutient des initiatives de coopération culturelle conduites dans des pays tiers par les réseaux diplomatiques et culturels français et allemands. 

En savoir plus sur le Fonds culturel franco-allemand 

Sur place, vous étiez notamment accompagnée de l’illustratrice Antje Damm (Allemagne) et de l'illustrateur Piotr Socha (Pologne). Quels ont été les moments marquants du festival et de votre expérience en Nouvelle-Zélande ? Avez-vous des anecdotes à partager ?

Nous avons vécu ensemble à Wellington avec Antje et Piotr et nous avions des échanges collectifs, mais aussi individuels avec le public. Les interventions où nous étions ensemble sont celles qui m’ont le plus marquée car c’était très intéressant de comparer nos pratiques et cela rendait la discussion plus vivante. C’était également très singulier de vivre avec d’autres personnes en colocation et de partager l’excitation d’être au bout du monde tous ensemble. Par rapport aux échanges avec le public, j’ai trouvé cela très troublant d’être aussi proche de gens qui vivent aussi loin. J’avais vraiment l’impression d’aller au bout du monde, mais finalement, les retours que j’avais sur mes livres étaient assez similaires à ceux que je peux avoir en France. Par exemple, pour mes livres Une maman, c’est comme une maison et La petite sœur est un diplodocus, des récits assez personnels, je me suis retrouvée à avoir des discussions intimes avec des personnes qui évoquaient leur vie parentale, familiale et les relations qu’ils ont avec leur enfant. C’était touchant alors que l’on ne se connaissait que depuis dix minutes. J’avais l’impression de faire quelque chose d’intime et je me suis aperçue que ces propos étaient, au fond, universels.

J’avais vraiment l’impression d’aller au bout du monde, mais finalement, les retours que j’avais sur mes livres étaient assez similaires à ceux que je peux avoir en France.

Avez-vous ressenti la dimension européenne de ce projet même en Nouvelle-Zélande ? 

Avec Piotr et Antje, nous avions le sentiment de venir de la même partie du monde, d’autant qu’en littérature jeunesse, on participe aux mêmes événements en Europe, notamment dans des salons comme Montreuil, Bologne ou Stuttgart. Là-bas, c’était autant une aventure artistique que linguistique. C’est la première fois que je travaillais à l’étranger dans une langue qui n’était pas la mienne et c’est tout de même très différent : parler de son travail dans une autre langue, c’est le penser différemment, donc il y a un travail de simplification, un effort pour aller droit à l’essentiel. C’était aussi très intéressant d’être avec d’autres européens et de découvrir un nouveau pays à travers nos livres, notre métier.

Nous avions des points communs par rapport à la manière dont la vie éditoriale se déroule et nous avons constaté qu’en Europe beaucoup de livres viennent de nos propres pays alors qu’en Nouvelle-Zélande, même s’il existe des livres créés et publiés sur le territoire, la production éditoriale est très internationale, anglophone, en lien avec les Etats-Unis par exemple.

Le moment fort que nous avons vécu a été la réalisation d’une fresque à 6 mains sur la grande vitrine de la galerie Te Whare Toi, à Wellington. Il nous a fallu nous mettre d’accord pour réaliser une grande image à trois, faire des compromis, des concessions, nous mettre chacun en retrait au profit d’une production collective. Pour nous, artistes le plus souvent solitaires, cette expérience collective n’est pas si courante. C’est important pour moi de pouvoir, de temps en temps, sortir de ma zone de confort. 

 

Le festival était organisé en partenariat avec Gecko Press, principal distributeur de livres jeunesse européens en Nouvelle-Zélande. Comment sont reçus vos ouvrages publiés chez Gecko Press, A Mother Is a House et My Baby Sister Is a Diplodocus, à l’autre bout du monde ? 

D’habitude, en France, je lis mes livres au public et, là, j’ai trouvé qu’en anglais, les enfants lisaient mieux que moi. Au début, j’ai commencé à les lire en anglais, mais je leur ai rapidement confié mes livres pour qu’ils fassent la lecture à la classe ou au public. Ça m'a permis d’avoir plus de distance, de regarder comment le livre était perçu d’un peu plus loin et de voir comment le lecteur, enfant ou adulte, pouvait interpréter la lecture. J’ai pu voir que le public ne riait pas forcément au même moment, que le rythme de la lecture n’était pas le même. C’est intéressant de voir qu’il peut y avoir plusieurs niveaux de lectures sur un même livre en fonction de qui le lit. 

D’habitude, en France, je lis mes livres au public et, là, j’ai trouvé qu’en anglais, les enfants lisaient mieux que moi.

Avez-vous pu développer de nouveaux contacts et créer de nouvelles opportunités ? Peut-on s’attendre à d’autres traductions de vos ouvrages dans les mois à venir ? 

J’ai pu rencontrer mes éditrices néo-zélandaises avec qui j’avais pu un peu échanger auparavant, mais je ne les connaissais pas. C’est important, humainement, de pouvoir se rapprocher dans la vraie vie. Grande ! vient de sortir en France et il va être traduit en italien, mais, pour l’instant, il n’y a rien d’officiel pour d’autres traductions. Par contre, les petits pop-ups aux éditions La Martinière continuent leur vie à l’international avec Combel Editorial pour l’Espagne et tous les pays hispanophones, Abrams Books pour les Etats-Unis et tous les pays anglophones, ainsi que Franco Cosimo Panini en Italie. Il y a de nouvelles traductions de la collection et de nouveaux titres qui vont paraître. En parallèle, la collection des pop-ups s’élargit avec de nouveaux titres autour des saisons : le premier tome Été pop va sortir à l’été 2025 avant Automne pop, Hiver pop et Printemps pop

 

Pour le marché francophone, vous avez poursuivi votre série d’imagiers en pop-up aux éditions La Martinière et publié Grande !, un nouvel album autobiographique chez Les Fourmis rouges. Travaillez-vous déjà sur d’autres projets ?

Je continue mon travail d’autrice et d’illustratrice de livres pour la jeunesse : c’est le cœur de mon travail. Mes livres sont le point de départ de mon travail. Mais j’aspire à élargir ma pratique, avec des projets collectifs comme la fresque que nous avons faite à Wellington, des projets de spectacles avec des danseurs ou des comédiens, des musiciens…

Travailler à l’étranger a changé ma manière de penser mon travail. J’ai trouvé ça très riche de travailler dans une autre langue. Ce nouvel éclairage m’a donné envie de retourner travailler dans les pays anglophones, de refaire des résidences à l’étranger, pourquoi pas des imagiers en différentes langues. Je travaille aussi sur un nouveau livre, qui va paraître aux Fourmis rouges. Il s’appelle Pavel et Mousse, c’est une fiction. 

L'institut français, LAB