de rencontres
Rencontre
Théâtre

Caroline Guiela Nguyen & Nanii

L’ADN de notre compagnie, c’est de représenter des gens que l’on voit peu ou pas sur nos plateaux de théâtre.

Fraternité, conte fantastique, une création de Caroline Guiela Nguyen et de la compagnie Les Hommes Approximatifs, entame une tournée nationale et internationale. Dans cette pièce on retrouve aussi la rappeuse Nanii, dont c’est la première expérience en tant que comédienne. 

Mis à jour le 02/12/2021

5 min

Image
Fraternité © Jean-Louis Fernandez
Crédits
Fraternité © Jean-Louis Fernandez

Pourrions-nous revenir rapidement sur vos parcours respectifs ?

Caroline : Je suis metteure en scène et auteure. Après des études de sociologie, j’ai intégré l’école du Théâtre National de Strasbourg. Avec un groupe de collaborateurs réguliers, nous avons monté la compagnie Les Hommes Approximatifs, avec l’idée de créer des œuvres qui posent la question de savoir qui est représenté, comment, et quelles sont les histoires que l’on raconte au théâtre. L’ADN de notre compagnie, c’est de représenter des gens que l’on voit peu ou pas sur nos plateaux. Quand nous avons monté SAIGON par exemple, il n’y avait quasiment jamais eu de vietnamiens sur des plateaux en France. Dans FRATERNITÉ, Conte fantastique, on a sur scène des visages que l’on voit peu d’habitude au théâtre. Nous travaillons avec ces gens, et nous inventons ensemble nos histoires. En même temps, Les Hommes Approximatifs, c’est aussi une scénographe, un créateur sonore, un créateur lumière, un créateur vidéo et un costumier qui participent avec moi à la création d’un univers esthétique très exigeant. C’est pourquoi on parle souvent de notre travail comme de quelque chose qui se construit à la frontière entre la fiction et le réel.  

Nanii : J’ai vingt-quatre ans et je suis rappeuse. Je n’ai, au départ, rien à voir avec le monde du théâtre. Je n’avais jamais joué avant de rencontrer Caroline et d’accepter un rôle dans FRATERNITÉ, Conte fantastique. C’est donc un univers que je découvre ! 

 

Comment vous êtes-vous rencontrées ?

Caroline : J’ai découvert Nanii sur Instagram, parce que j’avais très envie de travailler avec une rappeuse sur ce projet. La question de l’écriture est quelque chose de très important dans la vie de Nanii : c’est la personne que j’ai rencontrée qui écrit le plus. Elle écrit tout le temps. Le fait de raconter des histoires et de transmettre des émotions, de la pensée à travers un texte, c’est comme si on faisait un peu le même métier. Nous avons donc mis à profit nos savoir-faire pour faire grandir le projet grâce à sa plume, en écrivant certaines parties ensemble. 

 

FRATERNITÉ, Conte fantastique est à l’affiche du Théâtre de l’Odéon jusqu’au 17 octobre, et entame une tournée nationale et internationale. Quelle a été la genèse de ce projet, qui est né d’une écriture de plateau ?

Caroline : Après SAIGON, j’ai passé beaucoup de temps en prison avec des détenus. Avec eux, nous avons beaucoup parlé de la difficulté de réintégrer la vie quand on a disparu pendant un certain nombre d’années. Nous avons fait un film qui s’appelle Les Engloutis, la première partie du cycle Fraternité, qui raconte le retour d’hommes qui ont disparu pendant cinquante ans. Ils reviennent sans avoir changé de visage, et accèdent aux archives de leurs vies qui sont passées sans eux. La question étant de savoir comment on retourne dans une vie qui a avancé sans nous. Pendant la création de ce premier volet du cycle de Fraternité, j’ai beaucoup parlé avec les femmes de l’extérieur, qui rendaient visite à leurs maris. Je me suis demandé ce qui se passait dans la vie de ceux qui attendent, et qui mettent le couvert chaque soir en expliquant à leurs enfants que papa n’est pas là, mais qu’il est quand même quelque part. FRATERNITÉ, Conte fantastique est devenu l’autre face de la pièce, dans laquelle on raconte l’histoire de celles et ceux qui ont attendu qu’un être aimé revienne. Pendant mes recherches, j’ai aussi rencontré le bureau du Rétablissement des liens familiaux, un organisme de la Croix Rouge qui travaille à retrouver les personnes qui ont disparu, principalement sur la route de l’exil. C’est en observant ces femmes travailler que m’est venue cette idée de créer dans FRATERNITÉ, Conte fantastique un Centre de soins et de consolations qui tente de réparer ces disparitions.

Image
Image
Caroline Guiela Nguyen
Personne Citée
Caroline Guiela Nguyen
Citation
Je ne m'inscris pas vraiment dans des genres prédéterminés. Ce qui m’intéresse, c’est ce que nous allons inventer de fantastique et injecter dans la fiction.

Nanii, comment avez-vous réagi quand on vous a contactée pour ce projet ? 

Nanii : Au début, je ne comprenais pas son aspect science-fiction. Avec ma plume, je suis tout le temps dans le réel. Ce qui m’a aidée, c’est que Caroline nous a nourris avec des choses qui venaient du réel : des documentaires, des histoires qui se passent dans la vie de tous les jours. Je me suis accrochée à ça et c’est comme ça que j’ai réussi à croire en ce projet, même si au début je n'étais pas à l'aise. En fait, j’avais besoin d’écrire, ce que Caroline a compris. Elle m’a mis dans mes points forts, en me laissant avec ma plume, ce qui m’a permis de trouver ma place. 

 

On retrouve dans la pièce des comédiens et comédiennes professionnels, quand c’est pour d’autres la première expérience sur scène. Est-ce que cela a nécessité des ajustements au niveau de votre méthode de travail ?

Nanii : Jusqu’à aujourd’hui, je ne suis toujours pas entrée dans une salle de théâtre de l’autre côté de la scène. Je ne connaissais donc pas du tout ce monde-là, et je me suis lancée dans cette aventure à l’aveugle. Au début, j’appréhendais, j’avais la crainte d’être vue comme une amatrice. Mais ça ne s’est jamais produit. Les comédiens professionnels se sont mis à notre hauteur, en nous donnant toujours des conseils, sans critiquer et essayant de nous faire aller de l’avant. Je n’ai donc jamais ressenti la différence.  

Caroline : Il n’y a aucun ajustement entre professionnels et amateurs. Ce sont les mêmes horaires et les mêmes temps de travail. Nanii n'avait jamais joué, et pourtant elle a un très grand rôle dans la pièce. 

 

Nanii, si FRATERNITÉ, Conte fantastique est votre première expérience théâtrale, vous venez du monde du rap, qui est aussi un art de la scène. Est-ce que cela vous a servi une fois sur le plateau ?

Nanii : Je suis venue comme je suis. Dans FRATERNITÉ, Conte fantastique, je rappe. Ce moment-là du spectacle, c’est mon moment. J’avais fait deux ou trois scènes en tant que rappeuse avant : la seule différence c’est que quand on rappe, on est placés au-dessus des gens, alors que sur le plateau le public est placé au-dessus de nous. La première fois, ça m’a beaucoup perturbée. 

 

En quoi ce volet de Fraternité est-il un « conte fantastique » ? Est-ce en référence aux éléments surnaturels qui jouent un rôle central dans la pièce (éclipses, étoiles), ou une métaphore morale ?

Caroline : Un peu des deux. En même temps, je ne m'inscris pas vraiment dans des genres prédéterminés : cela ne m’intéresse pas tellement de savoir si c’est du fantastique ou de la science-fiction. Ce qui m’intéresse c’est ce que nous, nous allons inventer de fantastique et injecter dans la fiction. 

Rencontre avec l'équipe de FRATERNITE - conte fantastique
Rencontre avec l'équipe de FRATERNITE - conte fantastique
L'Institut français et la pièce "Fraternité, conte fantastique"

La pièce Fraternité, conte fantastique, mise en scène par Caroline Guiela Nguyen, bénéficie de la participation de l'Institut français. 

L'institut français, LAB