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Clément Thibault (Le Cube Garges) présente ISEA, le rendez-vous annuel mondial de la création numérique

Avec l’Institut français, nous avons imaginé un programme d’expositions, de performances, de visites d’ateliers qui donne une vision d’ensemble de l’écosystème culturel français, en particulier en ce qui concerne les arts numériques.

Clément Thibault est directeur des arts visuels et numériques au nouveau pôle d’innovation culturelle le Cube Garges. Il nous présente cette structure et nous parle de l’International Symposium on Electronic Arts 2023 (ISEA2023), dont il est également le coordinateur artistique, qui se tiendra au Forum des Images, à Paris, du 16 au 21 mai 2023. Cet événement majeur de la scène artistique numérique mondiale sera l’occasion pour la délégation de professionnels internationaux invités à Paris dans le cadre du Focus Arts numériques organisé par l’Institut français, de découvrir l’écosystème français. 

Mis à jour le 11/05/2023

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Clément Thibault (Le Cube Garges)
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Vous êtes actuellement directeur des arts visuels et numériques du Cube Garges, commissaire d’expositions et écrivain d’art. Pourriez-vous nous parler de votre parcours ?

Clément Thibault : J’ai un double parcours en Histoire de l’Art et en management culturel, et je me suis assez vite recentré sur la critique d’art et la curation. J’ai notamment enseigné, monté une quinzaine d’expositions, et participé à une vingtaine de catalogues ou de monographies d’artistes comme Hervé Di Rosa, Pascal Convert, Albertine Meunier, ou encore Wahib Chehata. Depuis trois ans, je remplis au Cube différentes missions : la gestion des confinements successifs, l’organisation des vingt-ans du pôle, la préfiguration du Cube Garges, et enfin la préparation de l’International Symposium on Electronic Arts 2023 (ISEA2023), que j’accompagne en tant que coordinateur artistique. Récemment, j’ai également été nommé au Comité consultatif des œuvres d’art de l’UNESCO pour accompagner la conservatrice de sa collection sur la rédaction du projet scientifique et culturel sur les enjeux de conservation préventive et sur sa stratégie numérique. Je poursuis également mon activité de curateur indépendant, par exemple avec l’exposition de Kim KototamaLune et de son collectif, qui ouvrira du 12 mai au 3 septembre aux musées de Soissons. 

 

Le Cube Garges est un pôle d’innovation culturelle qui a ouvert ses portes en janvier à Garges-lès-Gonesse. Il prend la suite du Cube, créé en 2001 à Issy-Les-Moulineaux, et entend sensibiliser le public aux cultures numériques. Comment présenteriez-vous ce lieu ? Pouvez-vous nous parler de ses équipements ?  

Clément Thibault : Le projet du Cube naît avec Art 3000, une association créée à la fin des années 1980 qui s’intéressait aux usages du numérique. En 2001, cette association a organisé l’ISEA, avec comme thématique « Révélations ». Ce projet a mené à la création du Cube, qui a poursuivi et institutionnalisé ces activités. Début 2023, le Cube s’est installé à Garges-lès-Gonesse et est devenu le Cube Garges, un pôle d’innovation culturelle qui essaye de penser avec un angle nouveau le rapport entre les œuvres et le public. Garges-lès-Gonesse est une ville très impressionnante, très vivante, avec près de quarante langues parlées, soixante nationalités différentes, et une vie associative très intense. Le positionnement du Cube Garges sera donc d’investir le numérique d’imaginaires alternatifs, en profitant des arts numériques pour changer nos discours et postures sur les futurs. Nous allons investir la notion de « droits culturels », qui s’inscrit dans le cadre juridique des Droits de l’Homme, et qui correspond à l’idée de reconnaître à chaque personne le droit de participer à la vie culturelle, d’exprimer sa propre culture, ses références, ses différences. Cette notion sera au cœur de notre méthode. 

En ce qui concerne les équipements, nous disposons d’un hall d’exposition et de vie, d’une scène d’une capacité de 600 personnes, d’un auditorium de 250 places, d’une salle de cinéma, d’un fablab, de salles d’ateliers, d’un conservatoire, de studios de danse et d’enregistrement, d’une médiathèque, etc. Pour nous, tout l’enjeu sera de faire entrer en écho toutes ces différentes composantes, autour de trois grands piliers : créer des synergies entre les activités, afin que le public puisse expérimenter différentes choses au cœur d’une même visite ; inviter les gargeois à participer à la vie culturelle du lieu, en soutenant au maximum leurs initiatives ; et enfin, devenir un lieu de recherche et de création, en partenariat avec d’autres institutions et dans une optique éco-responsable.             

L’un des enjeux d’ISEA est d’en faire un lieu de dialogue interdisciplinaire entre art, design et sciences, et de faire entrer en résonance différents acteurs et actrices qui ne se rencontrent pas ailleurs.

Cette année, le Cube Garges co-organise l’ISEA2023, un symposium international dédié aux arts numériques, qui se déroule du 16 au 21 mai 2023 à Paris, au Forum des images et dans des lieux satellites en France. Vous êtes le coordinateur artistique de cet événement, qui se tient en France pour la première fois depuis plus de 20 ans. Quels en sont les enjeux ?  

Clément Thibault : ISEA est un événement majeur de la scène artistique numérique internationale, qui est organisé chaque année dans une ville différente à travers un appel à projet. La programmation comprend à la fois un programme académique, et un programme artistique. Après Montréal et Barcelone, il aura lieu cette année à Paris, et sera co-organisé par le Cube Garges, qui en est le producteur exécutif, l’École des Arts Décoratifs, en tant que responsable académique, et le Forum des images, qui accueillera le symposium. L’un des enjeux d’ISEA est d’en faire un lieu de dialogue interdisciplinaire entre art, design et sciences, et de faire entrer en résonance différents acteurs et actrices qui ne se rencontrent pas ailleurs. Le deuxième enjeu consiste à proposer une programmation selon la méthode de l’appel à projets, notamment pour son versant académique, avec une relecture en double aveugle (l’auteur d’un article est évalué de manière anonyme par un relecteur anonyme), réalisée par un collège de près de 80 jurés internationaux. Nous avons ainsi reçu près de 1400 candidatures, issues de soixante-dix pays, les cinq continents étant représentés. Le troisième point enfin est la recherche d’hybridité, avec une programmation physique, mais aussi un volet en ligne, et beaucoup de captations, de diffusions et de traductions en direct. Nous allons également mettre en place un catalogue augmenté, sous la forme d’un lieu immersif accessible en ligne, qui présentera des projets d’artistes. Le dernier volet concerne enfin la capacité pour un tel événement d’imaginer des nouvelles structures de société, des futurs possibles, et de favoriser sur le long terme l’émergence de dynamiques collectives. 

 

Pour explorer les mutations en cours et imaginer des futurs possibles pour nos sociétés, la thématique de cette année sera la notion de Symbiose. Est-ce que vous pouvez nous en dire plus ?

Clément Thibault : Ce thème est assez polysémique pour servir de bannière à un événement aussi important et éclectique. Elle correspond bien à l’impératif d’adopter une nouvelle approche face au vivant, à l’environnement, et à la résilience sociale. Il s’agit aussi de s’inspirer du vivant pour penser de nouveaux modèles de société, en remettant en cause l’anthropocentrisme. C’est une notion que nous avons aussi adoptée comme une méthodologie, à l’échelle du symposium, dans une logique transdisciplinaire et intersectionnelle. Elle sera abordée à travers une quinzaine de clusters thématiques, consacrés au bio-art, à la communication inter espèces, aux cosmologies alternatives, aux micro-organismes, etc. 

 

Le Cube Garges est le principal partenaire du Focus Arts numériques organisé en mai par l’Institut français. A cette occasion, des professionnels invités par le réseau culturel français à l’étranger se rendront à Paris pour participer à ISEA2023 et découvrir la scène française, dans le but d’encourager la diffusion des créations artistiques françaises et de développer des partenariats internationaux. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce programme ? Quelles sont les perspectives de développement à l’international que vous envisagez pour le Cube Garges ?

Clément Thibault : Ce Focus est une formidable opportunité qui nous permettra d’inviter vingt curateurs et curatrices qui viendront pendant ISEA, pour participer au symposium bien sûr, mais aussi pour découvrir la diversité de la vie culturelle en Île-de-France. Avec l’Institut français, nous avons imaginé un programme d’expositions, de performances, de visites d’ateliers qui donne une vision d’ensemble de l’écosystème culturel français, en particulier en ce qui concerne les arts numériques. 

Au-delà de cela, je considère qu’un pôle culturel comme le Cube Garges mêle par définition les différentes strates géographiques, et nous avons beaucoup de projets dans ce sens, notamment dans l’exploration de l’émergence artistique. Mais il est malheureusement encore un peu tôt pour parler. 

L'institut français, LAB