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Colombine Depaire

Les auteurs de bande dessinée numérique renouvellent les codes du 9e art

Immersive, tactile, sonore, augmentée, la bande dessinée numérique est un nouvel espace d’expérimentation, tant pour les créateurs que pour les lecteurs. Ce sont ces œuvres innovantes qui sont mises à l’honneur à compter de février par l’exposition « Machines à bulles », proposée dans le cadre de l’année « BD 2020 : la France aime le 9e art ». Rencontre avec Colombine Depaire, commissaire de l’exposition.

Publié le 21/02/2020

2 min

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Colombine Depaire
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Colombine Depaire, commissaire de l'exposition « Machines à bulles »
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© World Citizen Pix

Pouvez-vous nous raconter votre rencontre avec la bande dessinée ?

Petite, j’étais toujours plongée dans les BD de mon père et la presse jeunesse. Je lisais Tintin, Astérix, Adèle Blanc-Sec, Tom-Tom et Nana... Mes études d’édition m’ont fait découvrir le secteur sous un angle professionnel. Et c’est en travaillant au Bureau du livre français à New York et en assurant la promotion de la bande dessinée que j’ai découvert une fourmilière d’auteurs émergents et, également, ma vocation pour la promotion culturelle. J’ai organisé le festival French Comics Framed en 2016. C’est à partir de là que j’ai lancé mon agence Picture This! spécialisée dans l’événementiel pour les littératures graphiques.

 

Comment la France se situe-t-elle dans le champ de la bande dessinée numérique et innovante ?

La France a toujours été un pays précurseur en matière de bande dessinée. Ses auteurs se sont notamment emparés depuis longtemps des blogs BD qui fonctionnent beaucoup via les réseaux sociaux. Mais ce qu’on appelle bande dessinée numérique désigne plus largement une bande dessinée qui utilise le multimédia pour expérimenter de nouvelles formes. On y ajoute du son, de l’animation, les auteurs proposent de nouveaux dispositifs de lecture, laissant notamment aux lecteurs la possibilité de choisir leur rythme. La France n’est bien sûr pas le seul pays : aux États-Unis, les web comics existent depuis longtemps et en Asie, les webtoons utilisent le défilement vertical – un format très populaire en Corée et au Japon.

 

La création sur support numérique change-t-elle le dessin ?

Je ne suis pas sûre que le numérique change le dessin lui-même. Il influence essentiellement les rapports entre créateurs et lecteurs, qui sont désormais très directs. Les écrans sont un tremplin pour des dessinateurs qui explorent le multimédia en renouvelant les codes du 9e art. Aujourd’hui, la nouvelle génération d’auteurs a été formée à la fois aux outils traditionnels et aux outils numériques, si bien que la bande dessinée contemporaine se nourrit de formats hybrides.

 

L’idée de l'exposition est de proposer un panorama assez large de la création française en matière de bande dessinée numérique : des œuvres qui innovent dans la forme, présentent un défilement particulier, interagissent avec le lecteur...

L’exposition « Machines à Bulles » présente 24 de ces œuvres de bande dessinée numérique. Comment s’est faite la sélection ?

L’idée est de proposer un panorama assez large de la création française en la matière, en réunissant des œuvres destinées prioritairement aux adolescents ou aux jeunes adultes, et qui innovent dans la forme, présentent un défilement particulier, interagissent avec le lecteur...

L’exposition est conçue en deux parties : la première rassemble des œuvres qui dialoguent avec d’autres disciplines artistiques, à l’image d’Instatraviata qui croise Instagram et l’opéra ou de Blacksad qui est une adaptation en jeu vidéo d’une série de bande dessinée policière et animalière ; la seconde partie s’intéresse aux récits historiques, des Gaulois jusqu’aux œuvres d’anticipation dont You, robot qui met en scène la cohabitation des hommes et des robots.

 

Des coups de cœur particuliers ?

Je citerais volontiers Un pas fragile, historiette interactive d’une grenouille qui voudrait devenir ballerine ; Walled in Berlin, docufiction sur les 30 ans de la chute du Mur de Berlin diffusé sur Instagram ; Le Grand Méchant Renard, une appli dont vous êtes le héros ; ou encore Le Secret des cailloux qui brillent, qui suit la quête d’une héroïne munie d’une pierre magique.

 

La bande dessinée numérique vous paraît-elle promise à un bel avenir ?

L’absence de modèle économique est un problème, et la bande dessinée numérique risque de rester marginale si elle n’est pas plus soutenue. Mais en même temps, on assiste à la multiplication des croisements entre la bande dessinée et l’image animée (jeu video, cinéma, webséries, etc.) ou encore à l’essor de la diffusion, sur les réseaux sociaux, de narrations qui sont conçues spécifiquement pour ce média. Cette question de la diffusion est un gros enjeu, qui fait l’objet de nombreuses recherches : des équipes travaillent à l’heure actuelle à un format numérique libre et ouvert, Divina – l’équivalent de l’epub pour le livre. La première création à ce format, Bravery, a d’ailleurs été lancée à Angoulême en janvier.

Si l’on regarde du côté de la création, elle sera certainement aidée par des outils numériques de plus en plus simples et souples qui permettront d’agir, par exemple, sur l’animation ou les effets de transition. Les auteurs n’auront plus à se soucier des problématiques techniques du développement et pourront se concentrer davantage sur la narration.

 

L'Institut français et le projet

L’exposition « Machines à bulles », dont Colombine Depaire a assuré le commissariat, est proposée au réseau culturel français à l'étranger dans le cadre de l’année « BD 2020 : la France aime le 9e art ». En savoir + sur les modalités de diffusion de l'exposition 

L'institut français, LAB