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Corinne Poulain et Les Champs Libres accueillent les Dialogues européens à Rennes

L’Europe existe parce que nous nous y reconnaissons, parce que les liens entre les personnes sont vivants et surtout tant que nous en avons envie.

Du 7 novembre au 1er décembre, les Dialogues européens font étape à Rennes, en partenariat avec Les Champs Libres. À cette occasion, la directrice du lieu, Corinne Poulain, évoque la collaboration avec l’Institut français, les principaux enjeux des débats qui se tiendront à Rennes, ainsi que les défis qui traversent l’Europe. 

Retrouvez toute la programmation des Dialogues européens à Rennes sur www.dialogueseuropeens.institutfrancais.com

Mis à jour le 26/11/2024

5 min

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Corinne Poulain
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Corinne Poulain © AAmet

Vous êtes directrice de l’établissement culturel rennais, Les Champs Libres. Pouvez-vous présenter son projet et ses actions ? 

Les Champs Libres sont un établissement culturel situé à Rennes qui réunit une grande bibliothèque, le musée de Bretagne, un espace des sciences, un planétarium, des espaces de rencontres tels un café, un auditorium…. Les Champs Libres accueillent plus d’un million de personnes par an. Ils poursuivent l’ambition d’être une place publique de la culture et des savoirs, au plus près des habitudes des Rennais et des métropolitains. Nous sommes un lieu du quotidien, marqué par des usages multiples. Nous essayons également d'être les plus poreux possible aux initiatives de la société civile. Enfin, nous avons à cœur de donner une place à la jeunesse, à sa parole. À titre d'exemple, l'évènement Nos Futurs, co-porté avec le Journal Le Monde, à l'occasion duquel nous donnons les clés des Champs Libres à la jeunesse, dans sa diversité, pour qu'elle partage avec le grand public les sujets qui lui tienne à cœur. 

 

En tant que principal partenaire de l’étape rennaise des Dialogues européens (7 novembre – 1er décembre), Les Champs Libres accueillent la majorité des séquences du temps fort de l’évènement les 29 et 30 novembre et le 1er décembre. Comment s’est instaurée la collaboration avec l’Institut français et les autres opérateurs rennais ?

L'initiative vient de l’Institut français qui a tissé un partenariat de longue date avec la ville de Rennes. Au lancement de l’initiative, j'ai été sollicitée pour intervenir à Vilnius en fin d’année 2023, lors du premier évènement labellisé Dialogues européens sur le sujet « Que peut la culture face à la guerre ? ». J’ai ensuite répondu positivement à la proposition d’accueillir à Rennes l'étape française de cette première série de Dialogues. L'opportunité de faire entendre les grandes voix de l'Europe constitue une formidable opportunité pour nous. D'abord, parce que dans une période où nous sommes directement bousculés par le contexte géopolitique, il n'est pas possible de se tenir loin d'une connaissance des enjeux et de ne pas écouter celles et ceux qui en ont l'expertise tout comme une expérience plus immédiate. J'ai également compris à Vilnius que nous avions tous et toutes notre rôle à jouer et que nos actions, mises bout à bout, ont du sens, disent quelque chose de ce à quoi nous tenons collectivement. J’ai été aussi bouleversée par l'échange avec des collègues de toute l’Europe, et notamment des pays de l’Est de l’Europe, confrontés directement à l’inquiétude de ce qu'impliquerait une victoire de la Russie. Ce sont des moments qui nous déplacent, déplacent notre façon de regarder le monde et nos centres d'intérêt. À mon retour, j’ai partagé cette expérience avec les acteurs et actrices de la culture et de l’enseignement supérieur à Rennes. Ma surprise a été de découvrir que nombre d'entre eux étaient déjà en lien avec l’Est de l’Europe, à des échelles différentes et toutes très fertiles. La programmation de la séquence rennaise révèle ces liens plus qu'elle ne les a suscités.

Je suis convaincue que l’Europe, comme la démocratie, ne vit, ne survivra que si les gens continuent à y croire.

Les échanges seront consacrés aux défis auxquels les sociétés et les États européens sont confrontés actuellement, notamment sur le plan géopolitique. Quels sont les enjeux des séquences que vous organisez ? 

Trois types de séquences sont proposées. Il y a d’abord la proposition de l’Institut français, constituée essentiellement de tables rondes qui vont nous permettre, ici à Rennes, d’entendre les grandes voix intellectuelles de l’Europe et de nous ouvrir sur le monde. Il y a ensuite la programmation des acteurs culturels et universitaires rennais qui va nous mettre au pouls de la production artistique des créateurs venant de l’Est de l’Europe pendant tout le mois de novembre. Nous commençons le 5 novembre, à l'initiative du festival Travelling, par le film, Se souvenir d’une ville, sur Sarajevo en présence du réalisateur. Nous enchaînerons avec des propositions du TNB, de l'Orchestre National de Bretagne, du Centre de Production de la Parole contemporaine, des bibliothèques…. Enfin, aux Champs Libres, nous proposons depuis octobre toute une série de rendez-vous. Nous avons inauguré l’exposition « Ukraine, vision(s) » qui réunit des photographies du collectif MYOP mises en dialogue avec les textes de jeunes écrivains et écrivaines ukrainiens. Nous aurons entre autres deux conférences-concerts dédiées aux compositeurs et compositrices ukrainiens et des pays baltes, plusieurs rencontres dont la première autour de "la guerre dans les têtes" en présence du scénariste Simon Rochepeau et de l'essayiste Romain Huët. Nous terminerons le 1er décembre avec une séquence dédiée aux Ukrainiens et Ukrainiennes à l'occasion de laquelle nous présenterons par exemple une chorégraphie de la danseuse ukrainienne vivant à Rennes Olga Dukhovna. 

 

La programmation accorde une large place à l’Europe centrale et orientale. Souhaitez-vous participer à mieux faire connaître en France cette partie de l’Europe que l’on méconnaît parfois ? 

La première surprise était finalement l’étendue, la solidité des liens existants entre les sociétés civiles. Ces liens sont peut-être invisibles, mais ils sont solides et c’est pour moi une première grande réassurance et un motif de réjouissance. Nos contextes professionnels, nos projets sont entremêlés, hybridés. C'est un terreau très fertile qui ne pourra pas être détruit facilement. Mais, bien sûr, il s’agit là aussi d’apprendre à mieux nous connaître car l'Europe est multiple, diverse et, comme le rappelait Paul Ricoeur, il est incontournable que "nous échangions nos mémoires".  Je suis convaincue que l’Europe, comme la démocratie, ne vit, ne survivra que si les gens continuent à y croire. La démocratie n’existe pas si les personnes n'y adhèrent plus. C’est la même chose pour l’Europe. L’Europe existe parce que nous nous y reconnaissons, parce que les liens entre les personnes sont vivants et surtout tant que nous en avons envie. À mon sens, nous sommes pleinement dans notre rôle en proposant ces moments de rencontre, d'inter-connaissance, de désirs communs. Nous assumons notre responsabilité, de là où nous sommes, pour préserver, consolider et défendre des héritages aussi forts que sont l’Europe ou la démocratie. 

Aux Champs Libres, notre enjeu, c’est le partage avec le grand public ou, pour le dire autrement, entre nous tous et toutes qui formons la société.

Intitulée A quoi rêvent les Ukrainiennes et les Ukrainiens ? la séquence finale aux Champs Libres donnera la parole, comme vous le disiez, à la société civile ukrainienne. Est-ce important de ne pas limiter les Dialogues européens à des discussions entre experts ? 

C’est très important pour nous aux Champs Libres. Le dialogue entre experts a plein d’autres espaces pour s’organiser. Aux Champs Libres, notre enjeu, c’est le partage avec le grand public ou, pour le dire autrement, entre nous tous et toutes qui formons la société. Dans ce partage, il n’est pas pensable que l’on puisse parler d’Ukraine, parler de la guerre sans donner la parole aux Ukrainiens et Ukrainiennes vivant à Rennes, ceci d’autant plus que nous avons la chance d’avoir une association très dynamique, Solidarité Bretagne-Ukraine qui a été force de propositions passionnantes. L’Institut français utilisait, pour parler des Dialogues, le terme d’enceinte, et, selon moi, l'enceinte représente, par excellence, un endroit où tous et toutes ont une parole à porter. L’enjeu, pour nous, c’est de constituer cette enceinte apaisée sans laquelle on ne peut pas discuter, construire et vivre ensemble. 

L'institut français, LAB