Divino Sospiro est en tournée en France dans le cadre de la Saison France-Portugal 2022 !
Mettre en lumière les richesses cachées de la musique baroque portugaise : telle est la mission de l'ensemble Divino Sospiro, fondé il y a presque 20 ans par le chef d'orchestre Massimo Mazzeo et la violoniste et chercheuse musicale Iskrena Yordanova. Ils nous expliquent comment cette véritable archéologie musicale est réalisée.
Dans le cadre de la Saison France-Portugal 2022, mise en œuvre par l'Institut français pour la partie française, une tournée amène Divino Sospiro à Paris, Lyon, Metz ou encore Tours.
Mis à jour le 07/04/2022
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Iskrena Yordanova et Massimo Mazzeo, vous êtes respectivement d'origine bulgare et italienne. Pouvez-vous nous parler un peu de votre histoire et de votre carrière professionnelle ? Qu'est-ce qui vous a amené à choisir le Portugal pour vivre et travailler ?
Massimo Mazzeo : Je suis arrivé au Portugal dans les années 90, après avoir voyagé et vécu dans plusieurs pays. Au Portugal, j'ai trouvé des raisons de m'installer et j'ai réalisé qu'il y avait une opportunité de créer quelque chose de nouveau.
Iskrena Yordanova : Je vis également au Portugal depuis les années 1990, lorsque j'ai rejoint l'orchestre du théâtre São Carlos de Lisbonne.
Vous êtes tous deux fondateurs de Divino Sospiro. Pouvez-vous nous parler des origines de votre groupe ? Vous vous appelez "divinos" (les divins). Quelle est l'origine du nom Divino Sospiro ?
Iskrena Yordanova : Divino Sospiro a été fondé en 2004 avec l'objectif de créer un ensemble baroque de qualité, qui n'existait pas au Portugal à l'époque.
Massimo Mazzeo : Nous nous appelons Divino Sospiro parce que la musique est l'art divin. Avant le baroque, la musique était considérée comme le lien direct entre le plan terrestre et le plan céleste. À l'époque du baroque, c'est la parole qui joue ce rôle. Même si nous sommes un groupe baroque, nous pensons que c'est la musique et non la parole qui crée la connexion divine. Le public peut ne pas comprendre ce qui est chanté, mais il quitte la salle comme s’il était allé au paradis. Sospiro (soupir) était le nom donné à la figure musicale de la croche, qui a la durée d’un soupir ou d’une réaction d'étonnement.
Le travail de recherche et de récupération du patrimoine musical portugais du XVIIIe siècle est l'une des priorités de Divino Sospiro. Comment se fait ce travail d'archéologie musicale pour mettre en lumière l'œuvre des compositeurs restés inconnus à notre époque ?
Iskrena Yordanova : En 2014, nous avons fondé le Centro de Estudos Musicais Setecentistas de Portugalau Palais de Queluz, près de Lisbonne. Nous avons pour ambition de rejouer des opéras et des sérénades de compositeurs qui ont travaillé sur commande de la famille royale. Chaque année, Divino Sospiro présente au public une de ces œuvres. Il existe de nombreux centres de musicologie dans le monde, mais il faut que le résultat de la recherche soit transformé en spectacle, qu'il soit entendu par le public.
Ce travail implique que le patrimoine a été oublié ou perdu pendant un certain temps : pourquoi cela s'est-il produit ?
Massimo Mazzeo : Il y a des compositeurs portugais qui étaient très célèbres au XVIIIe siècle, mais qui sont aujourd'hui oubliés. Leurs œuvres sont dispersées dans les bibliothèques de toute l'Europe. Ces anciennes partitions manuscrites demandent un gros travail de décodage et d'adaptation. La musique, comme les langues, a subi de nombreuses modifications au cours des siècles. De plus, il s'agissait de compositeurs qui ne pensaient pas à composer pour la postérité, ils le faisaient sur commande de la cour royale pour une seule représentation.

L'une des missions de Divino Sospiro est de faire connaître et apprécier la culture musicale portugaise, ainsi que d'éveiller l'intérêt du grand public. Comment éveiller l'intérêt de personnes d'origines, de classes sociales et d'âges différents ?
Massimo Mazzeo : Nous devons donner à tous la possibilité de se rendre dans les salles de concert et proposer un répertoire varié. Cependant, ceux qui dirigent les salles de concert préfèrent souvent présenter des pièces célèbres, car ils savent que le public les connaît déjà. Nous vivons à l'ère de la culture fast-food, qui ne laisse pas la place à des œuvres moins connues.
L'œuvre de compositeurs tels que Francisco Antonio de Almeida et José António Carlos Seixas est au programme de vos concerts en France, organisés dans le cadre de la Saison France-Portugal 2022. Quelles sont les particularités de la production musicale de ces compositeurs et du baroque portugais par rapport à la production de la même époque en France ou en Italie ?
Iskrena Yordanova : Plutôt que de faire une comparaison, je préfère souligner les liens qui existent entre ces pays à l'époque baroque, et, pour cela, la trajectoire de M. Almeida est très significative. Au début du XVIIIe siècle, il est envoyé par le roi portugais D. João V pour étudier à Rome avec Domenico Scarlatti. M. Seixas a rejoint l'orchestre de Scarlatti à l'âge de 16 ans. Il est mort tôt, à 32 ans, mais c'était un compositeur remarquable.
Massimo Mazzeo : Pour se démarquer, le Portugal a décidé d'importer la culture italienne convoitée de l'époque. Domenico Scarlatti, le plus grand compositeur de l'époque, a été pratiquement volé par D. João V, qui l'a fait venir au Portugal lorsqu'il était maître de chapelle au Vatican. Le Portugal a donc importé des chanteurs, des directeurs de théâtre, des compositeurs, la crème de la crème, mais il n'a pas créé sa propre identité, contrairement à l'Italie, l'Espagne et la France. La France, par exemple, a importé la cantate romaine, mais à partir de cette base, elle a créé la cantate française.
Divino Sospiro a déjà fait des concerts dans plusieurs villes françaises. Comment le public français a-t-il accueilli la musique baroque portugaise ?
Massimo Mazzeo : L'accueil est très positif. Je peux donner comme exemple le concert que nous avons récemment donné à Metz, dans le cadre de la Saison France-Portugal 2022. Nous y avons présenté La Morte d'Abel, un oratorio de Pedro António Avondado, une œuvre peu connue qui a suscité une réaction presque hystérique du public, dans le bon sens du terme. Cela prouve que nous devons parier sur des propositions culturelles plus audacieuses et diversifiées.

Divino Sospiro est en tournée en France dans le cadre de la Saison France-Portugal 2022, qui est mise en œuvre par I'Institut français pour la partie française.