Emmanuel Lebrun-Damiens, Directeur de l’Institut français d’Inde, présente la Villa Swagatam
Directeur de l’Institut français en Inde et Conseiller de Coopération et d’Action Culturelle au sein de l’Ambassade de France en Inde, Emmanuel Lebrun-Damiens présente un nouveau réseau de résidences en Inde : la Villa Swagatam. Il évoque la particularité de ce projet, mais aussi les premières résidences qui viennent de débuter.
Mis à jour le 14/09/2023
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En avril dernier, la Villa Swagatam a été inaugurée par la Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Catherine Colonna. Pouvez-vous revenir sur la genèse de ce projet ?
En premier lieu, la Villa Swagatam vise à créer une communauté d’artistes et d’écrivains français et indiens intéressés à renforcer le dialogue culturel entre nos deux pays, en dignes héritiers de personnalités remarquables telles que le peintre S.H. Raza, le Prix Nobel de littérature Rabindranath Tagore, le scénariste et écrivain Jean-Claude Carrière ou la metteuse en scène de théâtre Ariane Mnouchkine. Ensuite, nous sommes engagés dans un objectif de durabilité culturelle et environnementale, d’où une inscription de notre action sur le temps long, avec des lauréats qui restent plusieurs mois en Inde. Notre dernier objectif est celui de la coopération institutionnelle avec un réseau de résidences indiennes et françaises parmi les plus innovantes, réunies autour d’un cahier des charges unique et d’un appel à candidatures groupé.
La Villa Swagatam s’appuie sur 16 structures indiennes partenaires réparties dans l’ensemble du pays. Comment ont-elles été choisies et que disent-elles de l’Inde aujourd’hui ?
Nous avions plusieurs critères, mais notre boussole principale était l’ancrage local. Il s’agissait de saisir la capacité de ces organisations à présenter aux résidents le visage de l’Inde contemporaine dans ce qu’elle a de plus innovant. L’Inde d’aujourd’hui possède un formidable écosystème de création, qui se fonde sur des organisations de natures diverses réparties dans tout le sous-continent, et nous voulions travailler avec celles qui reflètent le mieux ce dynamisme et ce particularisme indien dans les thématiques choisies. C’est en celaque nous sommes extrêmement fiers du réseau constitué avec ces 16 résidences, qui témoignent de l’énorme potentiel que l’Inde peut offrir à des artistes, des écrivains et des intellectuels. L’Inde est un pays où se joue la construction du monde de demain et où il existe des personnalités, tout comme des organisations, qui ont un message très fort.

La Villa Swagatam rejoint ainsi d’autres résidences françaises à l’étranger comme la Villa Albertine aux États-Unis, la Villa Kujoyama au Japon, la Villa Saigon au Vietnam, ou encore la Villa Médicis et le Nouveau Grand Tour en Italie. Quelle est la particularité de la Villa Swagatam ?
Il y a deux spécificités, que l’on retrouve peut-être dans certaines autres résidences du réseau, mais qui sont très fortes dans la Villa Swagatam. D’une part, nous nous plaçons dans une logique de réciprocité. Maintenant qu’un réseau de 16 résidences partenaires a été constitué côté indien, nous travaillons à identifier des résidences en France qui seraient prêtes à accueillir des lauréats indiens sur la base du même cahier des charges. D’autre part, le dispositif repose essentiellement sur les résidences elles-mêmes, avec qui nous sélectionnons les résidents, et qui s’occupent ensuite de les accueillir et de les accompagner pendant leur séjour. Notre valeur ajoutée en tant qu’Institut français réside dans la capacité, grâce à notre réseau, d’assurer une grande visibilité à l’appel à candidatures groupé, et ainsi, d’attirer le meilleur de la création contemporaine française en Inde, et inversement. Par ailleurs, nous nous chargerons de garder un lien sur le long terme avec l’ensemble des lauréats pour animer cette communauté qui deviendra à terme, un vivier pour l’action de coopération culturelle de l’IFI.
Le premier appel à candidatures s’est terminé à la fin du mois de mai. Il concernait les métiers d’art, le spectacle vivant et la création littéraire. Pouvez-vous nous expliquer ce choix ?
Nous avons cherché les thématiques sur lesquelles les deux pays ont une longue tradition d’excellence. L’Inde est un pays d’extraordinaires talents dans les domaines du textile et de l’artisanat et cela résonne avec l’excellence française dans le domaine de la mode et du design. Les arts vivants sont également un secteur qui joue un rôle très important dans nos deux sociétés, via le théâtre, la danse ou la musique. Encore aujourd’hui, ces pratiques parfois spontanées, et qui dialoguent avec l’espace public, sont le reflet d’une grande diversité régionale. Sans compter que l’Inde et la France sont deux terres de tradition de festivals. Enfin, les éditeurs français s’intéressent de plus en plus à la littérature indienne et cette tendance s’observe également en Inde où nous avons beaucoup travaillé à la traduction et à la publication de la littérature française dans les langues indiennes. Les invitations croisées de la France et de l’Inde à l’honneur des salons du livre de Paris et de Delhi en 2022 et 2023 ont témoigné de la vitalité de ce secteur. On se situe donc à un moment très intéressant, où la curiosité mutuelle de nos deux pays grandit dans ces 3 secteurs.

Les premiers résidents sont arrivés en Inde cet été. Comment s’organisent les premières résidences ?
Nous avons reçu plus de 200 candidatures, bien réparties entre les trois thématiques, ce qui était une bonne nouvelle. La sélection a été effectuée en concertation avec chacune des résidences partenaires. Le résultat est équilibré, tant sur le plan de la parité que de la moyenne d’âge. La première résidente, Massandje Sanogo, est arrivée à la Serendipity Arts Foundation début juillet, où elle a rejoint un groupe de jeunes résidents indiens sélectionnés pour un programme de trois mois. Serendipity leur ouvre les portes de la scène culturelle à Delhi, leur offre un cadre de travail, et peut-être une présentation de leurs œuvres au festival que la fondation organise à Goa en décembre. A l’exemple de cette résidence, nous restons dans une logique de passeur avec la mise en place d’une période d’introduction et une restitution en fin de résidence Nous construisons notre programmation culturelle de demain en offrant la possibilité aux résidents d’être force de propositions.
La Villa Swagatam vise bien sûr à nourrir les liens entre la France et l’Inde, à faire dialoguer ces deux cultures. En plus des structures partenaires en Inde, vous avez également développé un réseau de partenaires français sur le territoire hexagonal.
Nous avons dès le début associé des acteurs culturels français, spécialisés dans la diffusion, qu’il s’agisse de fondations ou d’associations, capables de relayer l’appel à candidatures groupé pour les résidences indiennes. C’est vraiment grâce à leur aide que nous avons réussi à rassembler 200 excellentes candidatures. À partir de cet automne, nous allons également identifier des résidences prêtes à accueillir régulièrement en France des lauréats indiens. Nous aimerions organiser à terme des rencontres entre les résidences indiennes, les résidences françaises et les partenaires indiens et français dans le cadre d’une coopération institutionnelle, et pourquoi pas des ateliers dans un format plus large associant d’autres Villas du réseau culturel français.
Les lauréats 2023 - 2024
