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Eva Vaslamatzi, à propos de sa résidence à la Cité internationale des arts

Ce qui me passionne, c'est de mettre des artistes dans un contexte qu'ils ne retrouvent pas forcément dans une institution artistique.

À la fois commissaire d'exposition, critique d'art et rédactrice en chef à Athènes, Eva Vaslamatzi collabore régulièrement avec des institutions artistiques à travers l'Europe. Lauréate du programme de résidences de l’Institut français à la Cité internationale des arts, elle évoque son projet de résidence, les étapes de son futur travail de recherche, mais aussi les liens étroits entre la France et la Grèce. 

Publié le 11/12/2023

5 min

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Eva Vaslamatzi
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© Alexandra Masmanidi

Vous êtes commissaire d’exposition, critique d’art et rédactrice en chef à Athènes. Quels sont vos sujets et domaines de prédilection ?

Je pense qu'il est, tout d'abord, important de dire que le travail de commissaire est partagé entre la liberté de choisir nos propres sujets de recherche et parfois la nécessité de répondre à certaines invitations. En réfléchissant, je me suis récemment aperçue que beaucoup de sujets sur lesquels j'avais travaillé sont liés à mon mémoire du master en esthétique à Paris-I, qui portaient sur la photographie et l'album de famille. J'avais notamment élaboré une recherche sur la manière dont les artistes utilisent ces photographies, comment cette production populaire fait, au final, partie d'un rituel contemporain, mais aussi de l'évocation de traumatismes collectifs. De manière générale, je m'intéresse beaucoup aux notions d'art et d'esthétique, à la façon dont les artistes travaillent des matériaux, des productions, qui ne sont pas faits dans un contexte artistique, comme dans le cas de l'art populaire et du folklore. 

 

Vous êtes à Paris depuis le 10 octobre, avec le programme de résidences de l’Institut français à la Cité internationale des arts. Vous souhaitez élaborer des recherches sur les pratiques d'art contemporain et notamment le symbolisme qui figure dans l'art populaire. Pouvez-vous nous parler de ce projet de résidence ?

C'est une recherche que j'ai pu démarrer à Athènes, ainsi que dans différentes villes environnantes, avant de réaliser une résidence à Istanbul autour du même sujet. Durant ces deux périodes, j'ai pu collaborer avec des artistes qui ne travaillaient pas en repentant des formes et pratiques qu’on retrouve dans l’art populaire et le folklore, mais plutôt sur les questions d'identité et de tourisme. Nous avions un protocole de travail où nous visitions certains musées pour observer des œuvres d'art et discuter avec des interlocuteurs qui avaient une bonne connaissance des collections. Mes recherches à Paris vont prendre deux directions avec, dans un premier temps, une volonté d'archiver et de faire l'historique des expositions qui parlent de ces conjonctions entre l'art populaire et l'art contemporain. L'idée est, par exemple, de savoir quel était, à chaque fois, l'axe mis en avant. Pour la deuxième partie, je m'intéresse à une collection de Jean-Marie Drot, qui était un collectionneur, un documentariste et un écrivain, logée dans un musée fermé au public, pour l’instant, sur l'île d'Ios aux Cyclades. J'envisage de constituer une programmation à mettre en place l'été prochain pour l'ouvrir au public durant quelques jours avec des artistes contemporains comme invités. 

 

Dans le cadre de cette résidence, quelles sont les étapes de travail envisagées pour mener à bien vos recherches ? 

Même si je suis historienne de l'art, j'aimerais également travailler « avec les vivants », mais aussi avec l'imprévu. Je réalise des recherches en France car toutes les archives se trouvent ici, notamment à l'INA et à l'Institut Mémoires de l'édition contemporaine de Caen. J'espère retrouver dans les correspondances de Jean-Marie Drot, ces notes de travail, plus de matériel pour bien comprendre comment sa collection a été construite et quelles sont les intentions derrière elle. Je souhaiterais, par ailleurs, rencontrer des artistes qui peuvent avoir un lien avec ces sujets, avec lesquels je pourrais travailler en Grèce l'été prochain. 

Il y a toujours ce dialogue qui m'intéresse, cette interdisciplinarité entre un artiste au travail basé sur la recherche et quelqu'un qui n'est pas artiste, mais qui possède un autre type de pratique.

Vous comptez également créer des liens avec des artistes et des organisations culturelles en France. Comment vont s'organiser ces partenariats durant votre résidence ? 

Ayant vécu à Paris durant cinq ans, j'ai déjà un réseau d'artistes et des professionnels que j’ai hâte de retrouver. En ce qui concerne la recherche sur la scène parisienne, il y a, bien sûr, la Cité internationale des arts, où il y a beaucoup d'artistes à découvrir. Je songe également à des organisations culturelles qui peuvent s'intéresser à cette recherche. Cela fait presque deux semaines que je suis là et les choses sont en train de se mettre en place progressivement. Le but est vraiment de créer d'autres liaisons entre la Grèce et la France en se basant sur des liens que Jean-Marie Drot avait faits lui-même. C'est une façon de revivre, de fortifier ces échanges entre les deux pays. 

 

Parallèlement, que représente, pour vous, le projet « Communities Between Islands », que vous co-curatez avec les organisations Archipelago Network (Grèce), Cherimus (Sardaigne) et Providenza (Corse) ? 

Le projet « Communities Between Islands » imagine des résidences et des workshops entre ces trois îles avec une sélection d'artistes qui voyagent, collaborent et s'engagent auprès de communautés locales à chaque endroit. C'est proche de ce dont on vient de parler : il y a des artistes qui travaillent avec le son, la vidéo, des médiums très contemporains, mais qui se mettent en contact avec des locaux qui portent leur propre pratique et connaissance. Il y a toujours ce dialogue qui m'intéresse, cette interdisciplinarité entre un artiste au travail basé sur la recherche et quelqu'un qui n'est pas artiste, mais qui possède un autre type de pratique. Ce qui me passionne, c'est de mettre des artistes dans un contexte qu'ils ne retrouvent pas forcément dans une institution artistique. 

 

Au terme de cette résidence, quels projets espérez-vous mener notamment à votre retour en Grèce ? Attendez-vous des rencontres, des opportunités en France pour la suite de vos recherches ? 

Pour l'instant, je travaille sur le projet de recherche et une proposition curatoriale autour de la collection de Jean-Marie Drot et je songe vraiment à activer cet espace à Ios, à voir comment ce rêve un peu utopique peut revivre et être réinvesti. D'après ma manière de travailler, très souvent, un projet en amène un autre et les discussions, les rencontres ou les retours du public m'apportent d'autres idées. J'espère et j'imagine qu'il y aura une opportunité de montrer la richesse de l'échange entre la France et la Grèce. Pour ce projet, je me sens comme un médium entre ces deux publics : j'aimerais être la médiatrice entre la collection et les nouvelles productions pour faire connaître cet endroit atypique. 

L'institut français, LAB