Fernando Ladeiro-Marquès
Marché des Musiques Actuelles, le MaMA propose depuis une dizaine d’années un événement construit autour d’une double identité, à la fois convention sur l'industrie musicale et programmation de concerts. À Pigalle où le festival a lieu, débats, ateliers et musique live se succèdent pendant trois jours. Retour avec Fernando Ladeiro-Marquès, l’instigateur de ce rendez-vous défricheur, sur l’édition 2021 du MaMA.
Publié le 16/12/2021
5 min
Le MaMA est né en 2010, comment s'est créé le festival et dans quel objectif ?
Au Printemps de Bourges, où je travaillais à l’époque, nous avons remarqué que le festival - qui est un événement grand public - attirait de plus en plus de professionnels. Pendant les festivités, nous avons donc commencé à organiser des débats, des tables rondes et des cocktails, mais en faisant cela, on créait de la concurrence à nos propres spectacles. L’idée d’un moment dans l’année où l’on réunirait toute la filière musique est née de cette réflexion. D’autant que des événements de ce type existaient ailleurs en Europe, mais pas encore en France. 48 heures avant le festival du Printemps de Bourges 2009, nous avons lancé, avec Daniel Colling, directeur du Printemps de Bourges, une édition 0 et c’est en remarquant l’intérêt de la profession que nous avons décidé de nous installer à Paris l’année suivante pour la première édition.
Pourquoi avoir imaginé le rendez-vous dans plusieurs lieux (onze en 2021), mais dans un même quartier, celui de Pigalle ?
Dès le départ, nous avons imaginé le festival dans plusieurs salles, la journée étant exclusivement dédiée à la convention et aux professionnels français et internationaux, et le soir, aux concerts, ouverts également au grand public. Ce qui fait entre autres le succès du MaMA, c’est que tout a lieu dans un périmètre géographique très réduit. Cela permet de se déplacer très facilement, de voir de nombreux d’artistes dans la même soirée. Le spectateur n’achète pas une place de concert, mais un pass pour l’événement et peut aller de salle en salle, comme bon lui semble. Je suis convaincu que le même événement éclaté dans Paris n’aurait pas fonctionné. Là, toute la soirée les gens se croisent sur le boulevard, se présentent les uns aux autres. Pigalle est aussi le quartier de la musique, on y trouve des cabarets, des théâtres, des boutiques d’instruments de musique… C’était symbolique !
Le MaMA est à la fois un festival avec une programmation de concerts et une convention avec des conférences, des ateliers… Pourquoi avoir choisi cette double identité ?
C’était important pour nous que les artistes jouent devant un public qui s’intéresse à eux autrement que de façon professionnelle. Et c’est toujours mieux pour un professionnel de découvrir un artiste pendant un concert, de voir l’émotion qu’il ou elle peut créer en live.
Pour l’édition 2021, vous avez programmé Crystal Murray, Babysolo33 ou encore Sopico, des artistes encore peu connus du grand public. Le côté avant-gardiste fait partie de votre ADN ?
Au MaMA, à part quelques exceptions (Christophe, Archive, Caravan Palace, Eagle-Eye Cherry, Moriarty, Youssoupha…), nous programmons majoritairement des artistes en développement qui bénéficient de l’impact du MaMA pour accélérer leur carrière. A titre d’exemple, des artistes tels que Lilly Wood & the Prick (2011), Christine and the Queens (2012), Jeanne Added (2013), Jain (2015), Angèle (2017), Clara Luciani ou Eddy de Pretto (2018) se sont produit au MaMA avant d’acquérir la notoriété qu’ils ont aujourd’hui. Le festival leur permet de faire remarquer par les professionnels et de signer pour des festivals ou des maisons de disques, français ou étrangers. C’est un accélérateur de carrière. Cette année, lors du MaMA, des artistes comme Crystal Murray. DeLaurentis, Franky Gogo ou encore le duo électro Gargäntua ont signé une nouvelle étape de leur carrière. Quant à Lucie Antunes, elle est venue présenter un spectacle très pointu, mélangeant musique et innovations technologiques. Nous avons également reçu cette année November Ultra ou Thérèse qui sont deux musiciennes dont on parle beaucoup en ce moment… Au total, ce sont près de 150 artistes qui se sont produits lors du MaMA 2021. Les artistes qui passent au MaMA ont tous déjà un tourneur, un label et un agent, ils viennent pour l’étape suivante, pour s’exporter, par exemple. Nous sommes un outil ! Nous avons d’ailleurs mis en place une opération qui s’appelle “Avant-Garde”, en collaboration avec l’Institut français. 12 artistes de la programmation française font un mini concert sur la scène des Trois Baudets devant des professionnels internationaux représentant des labels, des agences, des festivals... C’est l’occasion pour ces professionnels de rencontrer l’entourage des artistes et, s’ils le souhaitent, de les retrouver le soir dans leur “vrai concert”.
Comment avez-vous imaginé la partie convention ?
Nous proposons des débats en fonction de plusieurs parcours : musique enregistrée, live, innovation ou encore média. Nous sommes un événement d’intérêt général qui mélange des débats très pointus, et d’autres plus sociétaux, où l’on prend un peu de distance pour réfléchir à l’avenir, avec un regard international. Cette année, fatalement, beaucoup de débats dressaient un bilan de la pandémie, mais nous avons aussi abordé, entre autres, la place du streaming, l’avenir des festivals, l’intelligence artificielle ou encore des sujets sociétaux tels que la parité, la santé mentale ou l’écologie. Une partie de la convention est toujours destinée aux nouveaux venus de la profession (artistes et producteurs) avec des ateliers pour développer leur business, chercher des subventions, ou préparer un artiste à l’export. Au total, sur les 140 débats, nous avons accueilli près de 400 intervenants français et internationaux. C’est intéressant de savoir comment les choses se font à l’étranger, si on rencontre les mêmes problèmes et comme on les résout. Ce regard international est essentiel au MaMA.
Le MaMA propose d’ailleurs chaque année un focus sur un pays. Cela fait partie de votre stratégie d’ouverture à l’international ?
On essaye chaque année de faire un focus sur un territoire qui est méconnu, ou en tout cas que l’on connaît moins. Nous avons fait par le passé la Colombie, le Brésil, le Japon ou encore la Chine. Nous invitons une délégation du pays, nous organisons des conférences pour présenter le marché local, et de nombreux artistes sont programmés dans la partie concert. Il nous arrive également de nous calquer sur les saisons culturelles, ce fut le cas en 2017 avec la Colombie qui est un pays très intéressant musicalement parlant, mais que l’on connaît mal en Europe. De s’appuyer sur une saison croisée, nous a permis de proposer un regard sur ce pays en accueillant avec l’Institut français et le ministère colombien de la Culture, des professionnels colombiens.
L’an dernier en pleine pandémie le festival avait été annulé. Cette édition post-Covid-19 avait-elle des ambitions particulières ? Des sujets ou thèmes que vous vouliez particulièrement aborder ?
Nous voulions surtout parler de l’avenir, et pas seulement de cette année et demie pendant laquelle la musique était dans le silence. Ce qui est important pour tout le monde, c’est comment on redémarre, comment on repart ! Des institutions, des spécialistes, des économistes, et même des médecins se sont réunis pendant le festival pour proposer des réponses à ces questions.
Le MaMA est un partenaire régulier de l'Institut français et participera notamment à la Saison France-Portugal.
Décidée en juillet 2018 par le Président de la République française et le Premier ministre portugais, M. António Costa, lors de la visite officielle de M. Emmanuel Macron à Lisbonne, la Saison France-Portugal se tiendra simultanément dans les deux pays entre mi-février et octobre 2022.
La mise en œuvre de la Saison France-Portugal a été confiée, pour la partie française, à l’Institut français, opérateur du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères et du ministère de la Culture pour la politique culturelle extérieure de la France.