Hélène Nguyen-Ban, présidente du fonds franco-britannique Fluxus Art Projects
Hélène Nguyen-Ban est la nouvelle présidente du Fluxus Art Projects, un fonds franco-britannique de soutien à la création et à la diffusion de l’art contemporain des deux côtés de la Manche. Créé en 2010 par l’Institut français du Royaume-Uni, Fluxus reçoit le soutien, parmi d’autres partenaires, de l'Institut français, du Ministère de la culture, du Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères et du British Council. Environ six mois après avoir pris sa direction, Hélène Nguyen-Ban nous parle de cette organisation qui soutient les artistes, en particulier émergents, et les commissaires d'exposition dans leur carrière à l'international.
Mis à jour le 03/04/2023
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Pourrions-nous revenir rapidement sur votre profil ? Quel a été votre parcours dans le monde de l'art contemporain ?
J’ai commencé ma carrière dans le luxe, chez LVMH, où j’ai lancé le prêt-à-porter Louis Vuitton par Marc Jacobs. A l’issue de cette aventure, qui a duré près d’une dizaine d’années, je suis retournée à l’Ecole du Louvre pendant trois ans, où j’ai étudié l’histoire de l’art. J’avais alors déjà en tête de lancer un projet, ce que j’ai fait en créant une galerie d’art que j’ai géré pendant quelques années avant de la revendre à une galerie américaine. C’était juste avant le premier confinement, qui a correspondu à une bascule du monde de l’art vers un environnement numérique. Depuis ma période chez LVMH, j’avais toujours eu l’intuition qu’il faudrait mettre au point un outil capable de filtrer le monde de l’art contemporain et de faire découvrir des artistes. La crise du Covid-19 a donc représenté une occasion idéale pour lancer ce projet, qui s'appelle Docent et qui fonctionne comme une sorte de Spotify de l’art contemporain. Je me suis donc associée à un chercheur et professeur de mathématiques à Polytechnique, qui a constitué une équipe de data-scientists et de machine-learning engineers, pendant que je rassemblais de mon côté des historiens de l’art et des spécialistes du marché. Nous avons ainsi pu sculpter un espace en ligne pour découvrir et acheter de l’art contemporain, en partenariat avec les galeries qui donnent aujourd’hui les grandes orientations de ce marché. En parallèle, il est aussi important pour moi de beaucoup m’impliquer dans des missions philanthropiques, toujours en poursuivant le même objectif, qui est d’aider la scène émergente ou moins visible. D’où mon implication dans le cercle international Tate, dans le Cercle International -Asie-Pacifique au Centre Pompidou, au sein du jury du prix AWARE (Archives of Women Artists, Research and Exhibitions) accordé à des artistes femmes, et bien sûr dans Fluxus dont le suis la présidente.
Pourriez-vous nous expliquer le fonctionnement de Fluxus, dont vous avez pris la direction en 2022 ? Quels sont les objectifs de cette organisation ?
Fluxus est une organisation à but non lucratif qui a été créée en 2010 par l’Institut français du Royaume-Uni, dans le but de soutenir l’art contemporain à travers des bourses allouées à des projets curatoriaux des deux côtés de la Manche. Fluxus s’est construit sur un modèle public-privé et bénéficie du soutien de partenaires publics français (l’Institut français, le Ministère de la culture, et le Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères) et britanniques (le British Council et les quatre agences de financement de la culture au Royaume-Uni), ainsi que de plusieurs mécènes privés. Fluxus a ainsi mis en place deux programmes. Le premier, sur la base de deux appels à projets annuels, soutient les expositions et les commissaires d'expositions, pour des sommes allouées entre 2000 et 10.000 euros. Le deuxième programme, Magnetic, accessible via un appel à candidatures ouvert chaque été, est le premier programme franco-britannique de résidences d’artistes.
Est-ce que vous pourriez nous présenter ce nouveau programme de résidences lancé au printemps 2022 ?
Magnetic est un programme de coopération structurant et inscrit sur le long terme. Pour la première édition, huit artistes ont été sélectionnés pour une résidence dans huit institutions décentralisées de premier plan. Les questions sociétales et environnementales sont au cœur de ce programme : chaque artiste travaille en fonction du contexte spécifique de chaque résidence. Les artistes bénéficient d’une allocation de séjour de 2500 euros minimum par mois, d'un atelier, d’un logement, d’un accompagnement curatorial et d’une mise en relation personnalisée avec les réseaux artistiques du pays partenaire.
Quels sont les profils susceptibles de candidater à vos différents programmes ?
Nous soutenons des artistes contemporains des scènes françaises au Royaume-Uni et des scènes britanniques en France. Les projets lauréats doivent refléter les valeurs de Fluxus : haut niveau d’exigence artistique, dimension expérimentale, et sensibilité aux questions sociétales et environnementales. Le comité artistique est attentif à la parité et la diversité, à la variété des échelles d’institutions, et aux différents niveaux d’ancrages territoriaux, dans les capitales aussi bien que dans des contextes décentralisés.
Comment votre travail s’articule-t-il avec les institutions françaises et britanniques du monde de l’art ?
Les projets accompagnés sont portés par des lieux de différentes natures : artist-run spaces, centres d’art, musées, festivals, biennales, etc. En 2022, nous avons par exemple accompagné les Galeries Serpentine pour l’exposition de Barbara Chase-Riboud à Londres, qui est encore en cours, ou des lieux comme Tramway à Glasgow, et Fact à Liverpool - pour l’exposition de Joséfa Ntjam. Récemment en France, nous avons soutenu Goswell Road, un artist-run space à Paris, pour un solo show de David Hoyle, ou la Biennale de Lyon, qui a présenté de nombreuses œuvres d’artistes émergentes. Nous allons également accompagner la première grande exposition en France de Jeremy Deller, au FRAC Bretagne. En un peu plus de dix ans, Fluxus est ainsi devenu un dispositif très reconnu, qui a soutenu deux-cent-cinquante institutions internationales et plus de cinq cents artistes français et britanniques.
Quels liens les scènes anglaises et françaises entretiennent-elles ensemble ?
Fluxus se donne comme mission de construire un pont entre les scènes françaises et britanniques, mais aussi d’offrir aux artistes une visibilité internationale. Un travail d’autant plus important et inspirant alors que le Brexit est encore dans toutes les têtes. Je crois que tout le monde a compris que les artistes et les scènes artistiques sont la meilleure façon de tisser des liens profonds entre les pays. Les scènes françaises et britanniques sont aujourd’hui particulièrement prescriptrices, et c’est pour cela que Fluxus favorise la circulation d’un pays à l’autre. D’autant qu’avec le Brexit, organiser une exposition à l’étranger ou même simplement obtenir un visa peut s’avérer plus compliqué qu’auparavant.