Igal Kohen, fondateur du studio IKO
Igal Kohen est à la tête de IKO, un studio de création qui explore les nouveaux modes de narration à travers les technologies immersives et interactives . IKO a produit plusieurs œuvres - telles que Biolum, INUA – A Story in Ice and Time ou encore Le Mystère Satoshi, aux origines du Bitcoin – disponibles pour être présentées dans les établissements du réseau culturel français à l’étranger via la Sélection VR et la nouvelle offre de programmation Unlock de l’Institut français.
Mis à jour le 21/03/2023
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Pourriez-vous nous présenter votre parcours et votre travail au sein du studio de production IKO ? Quelle est la philosophie d’IKO, et quel type de projets développez-vous ?
À titre personnel, j’ai commencé par le montage de documentaire, avant de passer par le journalisme et la réalisation. J’ai ensuite eu l’opportunité en 2008 de monter IKO, une société avec une équipe dédiée à la réalisation et à la production de documentaires. Notre approche est de ne pas se limiter à des formats prédéfinis, mais de trouver pour chaque projet une formule qui corresponde aux supports (web, télévision, jeu vidéo) et aux histoires que nous voulons raconter. C’est notamment le cas quand nous optons pour des technologies immersives ou interactives. Nous essayons ainsi différentes façons, y compris plus expérimentales, de raconter des histoires. Le studio travaille principalement avec Arte.
C’est un métier que nous avons appris petit-à-petit. J’ai notamment fait une formation en 2014 à l’Atelier Ludwigsburg - Paris, un programme de formation consacré à la production et à la distribution européennes porté par la Fémis et la Filmakademie de Baden-Württemberg en Allemagne, qui m’a beaucoup apporté pour me perfectionner en tant que producteur de cinéma.
Vous êtes à l'initiative de l’émission Jour de Play sur le jeu vidéo, coproduite par Arte. Quelles en sont les particularités ? Comment vous est venue l’idée de proposer ce type d’émission ?
A l’origine, ce projet est né de discussions entre Arte et un auteur et designer qui s’appelle Cosmografik. Ensemble, nous avons imaginé un format d’émission qui prend la forme de conversations autour du game design diffusées sur la plateforme de streaming Twitch, dédiée aux jeux vidéo. A mi-chemin entre le podcast et le magazine culturel, l’idée était de faire se rencontrer les codes propres au monde du streaming avec l’identité d’Arte. Nous avons sélectionné plusieurs profils de streameuses et de streameurs pour animer l’émission. La formule a évolué, et a été revue à chaque saison. La troisième saison s’achève désormais, et nous espérons signer la suivante. C’est une expérience extraordinaire, drôle et passionnante, que nous avons construite autour d’une équipe qui s’est constituée petit-à-petit.
Récemment, IKO a mené à bien la création de plusieurs jeux vidéo, à l’image d’Inua, a story in ice and time, en collaboration avec The Pixel Hunt. Ce jeu vient de recevoir le prix de l’Impact Culturel aux App Store Awards 2022. Pouvez-vous nous présenter ce projet ?
Il s’agit d’un jeu d’aventure narratif, avec des éléments de puzzle game (c’est-à-dire de jeu vidéo de réflexion) se déroulant à travers plusieurs époques dans le Grand Nord Canadien et inspiré d’une légende Inuite. C’est une expérience assez accessible, qui dure environ trois heures. Ce projet m’a d’abord été soumis sous la forme d’un scénario très dense : deux auteurs, Natalie Frassoni et Frédéric Bouvier, nous ont d’abord proposé une histoire très forte, à mi-chemin entre le conte initiatique et l’enquête journalistique. En revanche, nous avons tout de suite compris qu’il serait très difficile de la faire exister sous la forme d’un film. J’ai donc contacté Florent Maurin, du studio The Pixel Hunt, pour réfléchir ensemble à la manière d’en faire un jeu, car cela nous semblait compatible avec cet imaginaire si particulier. Il nous a donc fallu réduire cette histoire très dense afin de laisser de la place au joueur. Pour cela, nous avons collaboré avec le concepteur de jeu vidéo Armel Gibson et la directrice artistique Delphine Fourneau, mais aussi avec de nombreux conseillers Inuits pour apporter une part de vérité à ce conte. Nous avons également fait appel à un chasseur-sculpteur, qui a travaillé avec les auteurs. Nous voulions nous documenter de façon fidèle sur la culture Inuit.
Avec Biolum, un film de science-fiction en réalité virtuelle, vous vous êtes cette fois-ci aventurés du côté de la VR. Pourquoi avoir choisi ce médium ?
Biolum a été conçu et créé par Abel Kohen, mon frère. C'est une expérience interactive en VR de science-fiction qui dure environ trente minutes. On y incarne une scientifique qui explore des caves sous-marines, à la recherche d’espèces bioluminescentes. La suite est un peu plus fantastique et inquiétante, avec un véritable climax final.
Dans vos réalisations les plus récentes, on trouve également Le Mystère Satoshi, aux origines du Bitcoin, une série documentaire sur le créateur du bitcoin. Comment est né ce projet ?
L'identité d’IKO se définit d’une part par des projets immersifs et interactifs, mais aussi à travers des documentaires linéaires, qui ont leur propre écosystème. Le Mystère de Satoshi, aux origines du Bitcoin est notre dernier documentaire coproduit avec Arte, qui se caractérise par une écriture très originale puisque nous avons essayé de donner une voix au mystérieux créateur du bitcoin, Satoshi Nakamoto, resté anonyme. Ce projet, réalisé par Rémi Forte, raconte les intentions du créateur du bitcoin, telles qu’on les devine à travers sa création et sa présence sur internet. A partir de sa philosophie, nous avons imaginé, par exemple, ce qu’il aurait pensé des autres cryptomonnaies. Le résultat est un film de soixante-dix minutes découpé en épisodes d’une dizaine de minutes.
Vous êtes également co-président de PXN, l’association des producteurs nouveaux médias indépendants qui œuvrent à la mutation numérique des industries culturelles et créatives françaises. Quels sont les grands enjeux de ce secteur de créations protéiformes ?
L’objectif de PXN est d’œuvrer à la structuration du secteur. C’est un domaine qui repose beaucoup sur la recherche (de nouvelles formes de narration, de technologies), et qui est parfois confronté à des difficultés mais qui propose des œuvres diffusées largement et qui raflent des prix dans les festivals les plus prestigieux. Il faut toujours mener un travail de fond pour convaincre nos partenaires potentiels - institutions publiques, diffuseurs, musées etc - de l’intérêt de la création à une époque ou le numérique n’a jamais été aussi ubiquitaire, avec des technologies liées aux IA et au Metaverse qui sont sur le point de changer encore radicalement la société. PXN représente ainsi plus de soixante-dix membres qui ont des activités très variées, mais qui utilisent toujours d’une manière ou d’une autre la technologie au service de la narration.
Souhaitez-vous nous parler de quelques projets en cours ou à venir, aussi bien personnellement qu’avec PXN ?
Au sein de PXN, nous avons sorti un livre blanc fin 2022 qui liste l’intégralité de nos enjeux, de l’écologie au Metaverse, en passant par la formation, la R&D, l’avènement des séries courtes, le financement ou la distribution. C’est un outil formidable pour faire comprendre nos métiers.
Chez IKO, j’ai en cours plusieurs projet en écriture, en développement et en production. La saison 4 de Jour de Play sur la chaîne Twitch d’Arte cette année j’espère, un projet documentaire sur la montée des eaux, un autre qui raconte une histoire de l’Univers de manière très particulière, un dernier sur la société numérique. Et puis un projet de jeu vidéo en VR sur le harcèlement scolaire, en développement, qui avance et entrera cette année en production j’espère aussi. L’année est déjà dense…