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Jean-Philippe Thiellay, président du Centre national de la musique

Il est nécessaire d'encourager les artistes français à développer leurs créations dans le monde entier, d'autant plus que la francophonie est un formidable outil de rayonnement.

À la tête du Centre national de la musique (CNM), Jean-Philippe Thiellay agit pour le développement des artistes français à l’échelle internationale. Alors que la Cité internationale de la langue française présente l’exposition temporaire « C'est une chanson qui nous ressemble », en partenariat avec le CNM, il revient sur ses quatre années de présidence et détaille les enjeux actuels du secteur musical. 

Mis à jour le 07/08/2024

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JP Thiellay
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Depuis 2020, vous êtes président du Centre national de la musique. Quel regard portez-vous sur son évolution après quatre années passées à sa tête ?

Le Centre national de la musique a été attendu durant presque 40 ans puisque les premiers projets remontent à la fin des années 70 et qu'il a seulement été créé le 1er janvier 2020. Quatre ans et demi après, j'ai la satisfaction de voir cette maison commune de la musique construite, avec des équipes engagées, une gouvernance très particulière, une identité et des outils à disposition de l’Etat et de la filière. Le CNM a aussi joué un rôle majeur dans la crise sanitaire. L’État nous a utilisé comme opérateur pour éviter la catastrophe. L'agilité d'un établissement public est, en effet, extrêmement précieuse lorsqu'il faut aider des entreprises dans l'urgence. Pour situer, environ 500 millions d'euros ont été gérés à effectif constant durant la période, au lieu des 60 par an pour lesquels nous étions calibrés. Sur le fond, j’ai la faiblesse de croire que le CNM répondait à un besoin : celui d'une filière très hétérogène, qui était en attente d’une institution commune où faire vivre une intelligence collective mobilisée face aux défis de l’époque.

 

L’Institut français s’est associé à la plateforme “What the France”, issue du Centre national de la musique, pour créer le programme “Alors on chante”, destiné à renforcer l’attractivité de l’enseignement et de l’apprentissage de la langue française à travers la chanson francophone contemporaine. Pouvez-vous nous parler de ce projet ?

Nous avons signé une convention de partenariat avec l'Institut français car nous avons des missions en commun. Alors que l'Institut français accompagne la valorisation des cultures francophones, en étroite collaboration avec le réseau culturel à l’étranger, nous avons, au CNM, la charge d'appuyer le développement international à caractère économique des entreprises, des ensembles et des artistes. Cela doit marcher en bonne intelligence, et je pense que nous sommes sur la bonne voie. « What the France » est une marque que le Bureau export avait créé avant le Centre national de la musique et qui permet, avec le programme « Alors on chante », de s'adresser aux postes diplomatiques, aux Alliances Françaises et Instituts français, mais aussi aux enseignants de français partout dans le monde. Nous proposons des playlists élaborées par nos équipes, ainsi que des fiches pédagogiques sur les chansons. Il s'agit d'un outil qui évolue en fonction des thèmes et facilite l'apprentissage de notre langue, grâce à la musique. 

J’ai la faiblesse de croire que le CNM répondait à un besoin : celui d'une filière très hétérogène, qui était en attente d’une institution commune où faire vivre une intelligence collective mobilisée face aux défis de l’époque.

Quels sont les principaux outils mis à disposition pour le programme “Alors on chante” ? Sur quelle base ont été sélectionnées les ressources employées pour l’apprentissage ?

Au Centre national de la musique, une équipe constitue des playlists tout au long de l'année avec les nouveautés françaises dont nous pressentons le succès à l'export. Nous sommes en lien avec l'Institut français et le CAVILAM – Alliance Française de Vichy. Le premier assure la diffusion en direction des agents du réseau culturel français à l’étranger, tandis que le second favorise l’apprentissage du Français Langue Étrangère, grâce à la création de dossiers pédagogiques de grande qualité, partagés gratuitement avec les enseignants du monde entier. Pour les chansons sélectionnées, il n’existe pas de réels critères : nous voulons être le plus éclectique possible, sans porter de jugement esthétique. Il y a un mélange de standards, de chansons thématiques, de grands noms, mais aussi des chansons plus contemporaines qui regardent vers le rap ou le hip-hop.

 

À partir du 19 juin 2024, la Cité internationale de la langue française présente sa première exposition temporaire, “C’est une chanson qui nous ressemble”, en partenariat avec le Centre national de la musique. Comment s’est déroulée cette collaboration et quels sont les enjeux de l’exposition ?

L'essentiel des missions du Centre national de la musique se rattache à un mot : la diversité. Nous agissons pour la défense de la diversité, c'est-à-dire de l'exception culturelle et des particularités de la création musicale dans tous les genres en France. Promouvoir cette diversité est également essentielle. Il est nécessaire d'encourager les artistes français à développer leurs créations dans le monde entier, d'autant plus que la francophonie est un formidable outil de rayonnement. Lorsque le Président de la République a initié la création de la Cité internationale de la langue française, inaugurée en 2023, nous nous sommes dit que la culture devait être présente. Nous nous sommes alors rapprochés de la direction de la Cité pour créer une exposition qui permet d'éclairer les succès de nos artistes à l’échelle internationale. J’ai vu l’exposition en juillet, elle est formidable comme du reste la collection permanente de la Cité que j’incite vivement à aller découvrir. Au Centre national de la musique, nous certifions les équivalents écoutes et ventes à l'international comme les disques d'or et de platine : l'inauguration, ainsi que le Sommet de la Francophonie, représentent donc de formidables moments pour remettre en valeur ces actions et ces résultats. 

Nous agissons pour la défense de la diversité, c'est-à-dire de l'exception culturelle et des particularités de la création musicale dans tous les genres en France.

L’année 2024 offre des opportunités pour promouvoir la langue française, notamment avec l’accueil en France du Sommet de la Francophonie et des Jeux Olympiques et Paralympiques. Dans ce cadre, développez-vous des actions pour favoriser le développement international du secteur musical français ?

Le développement international est un axe majeur de notre action. Nous avons, par exemple, multiplié par trois les budgets d'aide au développement international en passant d'1,5 million à plus de 4 millions aujourd'hui. Ce sont des aides à la prospection, aux tournées, aux vidéoclips et à la traduction de matériel de promotion. Nous réalisons également une action de conseil pour accompagner la stratégie, le développement et la promotion des artistes, mais aussi des labels. Cela passe par des analyses de marchés, des organisations de show cases et des résidences pour assurer une promotion transnationale à nos artistes. Avec les JO, nous avons proposé des playlists signées par des sportives de haut niveau.

 

Quels vont être vos prochains projets et défis à la tête du Centre national de la musique ?

Les défis sont infinis car le monde de la musique évolue sans cesse. Notre feuille de route est précise puisque nous avons des orientations stratégiques adoptées en conseil d’administration, ainsi qu’un contrat d'objectifs et de performances de l'établissement avec l’État, que j’ai signé avec la ministre de la Culture, Rachida Dati, le 21 juin dernier. Parmi les défis principaux, je citerais la concurrence internationale qui est très rude. Nos chiffres augmentent, mais pas autant que ceux des pays asiatiques ou anglo-saxons. La transition écologique est également un enjeu majeur, et il est nécessaire que la filière soit encore plus consciente de son impact carbone. Nous sommes aussi là pour stimuler l'innovation, en particulier avec l'Intelligence Artificielle, synonyme d’opportunités, dans le respect des droits d’auteur. Enfin, l'égal accès des femmes aux métiers de la musique, tout comme la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, font partie des priorités, pour lesquels le CNM élabore et adopte des solutions, toujours en concertation étroite avec les pros.

Alors on chante

L’Institut français s’associe avec le site What the France, marque du Centre national de la musique (CNM), pour la mise en œuvre et la promotion du service « Alors on chante » à destination du réseau culturel français à l’étranger pour renforcer l’attractivité de l’enseignement/apprentissage de la langue française à travers la chanson francophone contemporaine. 

Le programme « Alors on chante » propose ainsi de valoriser la richesse musicale francophone contemporaine via des listes de lecture thématiques accessibles à toutes et tous, et de mettre à la disposition des enseignants de et en français du monde entier un ensemble de ressources pédagogiques de qualité produites par le CAVILAM / Alliance française de Vichy. 

En savoir plus 

L'institut français, LAB