de rencontres
Rencontre
Arts visuels

Jérôme Cotinet-Alphaize

Selon moi, une exposition doit être une sorte de paradoxe en soi.

Président du CEA (Association Française des Commissaires d’Exposition) et membre du conseil d’administration du CIPAC (Fédération des professionnels de l’art contemporain) Jérôme Cotinet-Alphaize est le commissaire général, associé avec Marianne Derrien ( lauréate de la bourse « jeunes commissaires » de l’Institut Français / Bureau des plastiques à Berlin) de l’exposition « SOME OF US / An overview of the French art scene » pour le Pavillon Français de l’édition 2019 de NORDART au Kunstwerk Carlshütte de Büdelsdorf en Allemagne, où sont exposées 171 artistes femmes de la scène françaises nées entre 1968 et 1993.

Mis à jour le 19/06/2019

5 min

Image
NordArt 2019
Légende
NordArt 2019
Crédits
© DR

L’exposition SOME OF US / An overview of the French art scene rassemble 171 artistes femmes françaises émergentes de ces 20 dernières années. Pourquoi ce choix ?

« Some of Us » est, avant tout, un véritable focus sur la scène artistique française des 20 dernières années. En explorant des expositions depuis le début des années 90 à aujourd’hui, j’ai pu m’apercevoir de deux tendances distinctes. D’une part, pour la première fois dans l’histoire de l’art, on retrouve un nombre important d’artistes femmes, si bien qu’on peut considérer que leurs créations sont représentatives de l’esthétique de cette époque. D’autre part, on remarque un important éclectisme des pratiques, une affirmation et une assumation des singularités, à la différence des générations d’artistes précédentes, plus ancrées et associées à des courants ou des tendances ; l’ exposition s’articule autour de ces deux axes majeurs.

On remarque un important éclectisme des pratiques, une affirmation et une assumation des singularités

Pourriez-vous nous éclairer sur le titre ambigu, « Some of Us » ?

Je dirais paradoxal, plutôt qu’ambigu. Selon moi une exposition doit être une sorte de paradoxe en soi. Son rôle est de mettre en jeu une situation, la rendre visible dans sa complexité, de permettre d'obtenir un horizon d'attente afin de pouvoir se poser des questions — sans chercher à les résoudre — mais en aucun cas d’imposer un point de vue. « Some of us » concerne et s’adresse à tous en proposant une approche très libre et globale sur la question de l’artiste en général. C’est pour cela que j’ai choisi un titre intransitif en anglais. Cette exposition traite non pas des questions de genre, mais d’une évolution sociologique. Le sous-titre « an overview of the french art scene » montre également qu’il ne s’agit pas d’exclure les hommes, mais au contraire, d’offrir une vision globale à travers son principal changement.

D’après vous, à quel moment les femmes ont-elles gagné leur place sur la scène artistique française ?

Mon souhait de débuter la sélection à partir des artistes nées en 1968 n’est pas un hasard. À partir de cette génération, les femmes ont conquis une nouvelle place dans la société, point de départ d’une véritable avancée culturelle, et sociale. Ce mouvement  n’a cessé de progresser par la suite. Réunir 171 artistes femmes, il y a 20 ans, aurait été compliqué. Aujourd’hui, on atteint presque la parité dans les quelques années après à la sortie des Beaux-Arts. Cela  présage des grandes possibilités et perspectives pour les artistes femmes afin d’être repérées, et exposées ; la partie a été gagnée sur ce plan-là ! Même s'il reste encore beaucoup à faire...

Réunir 171 artistes femmes, il y a 20 ans, aurait été compliqué.
Image
"Rêve géométrique " de Virginie Barré
© DR
"Rêve géométrique " de Virginie Barré

L’histoire du groupe industriel ACO, créateur de NORDART et premier groupe international  allemand à avoir été dirigé par une femme, Kate Ahlmann entre 1931 et 1946, semble faire écho à votre exposition. Doit-on y voir votre point de départ ?

En réalité cette information nous est arrivée pendant notre travail préparatoire et n’a fait que confirmer notre position initiale.  Elle a été décisive pour le choix final. Kate Ahlmann fut la première femme dirigeante d’entreprise en Occident et l’initiatrice des clubs de femmes entrepreneuses en Allemagne, puis dans le monde ; l’exposition annuelle Nordart prolonge son action socio-culturelle. Elle ne procède pas d’une approche curatoriale, mais s’adresse à travers un appel d’offres mondial à tous les artistes issus de scènes encore méconnues.

Comment vous êtes-vous approprié cet incroyable espace offert par NORDART ? Quelle scénographie avez-vous retenue ?

Nordart est une exposition internationale de plus de 1000 œuvres  sur les 22 000 mètres carrés des anciennes fonderies de l’usine. Un tel espace est tout à fait exceptionnel. Nous avons retenu pour le pavillon Français 270 œuvres de 171 artistes différents, qui seront réparties dans un espace de 3000m2, en 3 grandes salles. Ces différents volumes nous ont permis d’expérimenter différentes sortes accrochage et de monstrations, en jouant sur les supports, les socles, les hauteurs, les alternances de formats et d’écrans ou encore sur les jeux sonores. L’éclectisme a été le mot d’ordre, et toute approche thématique a été évitée. La sélection a ainsi pris la forme d’un jeu d’association et d’opposition, peignant un paysage aux variations inattendues de la scène artistique française des 20 dernières années, dans lequel le spectateur peut déambuler. Ces juxtapositions révèlent la singularité de chaque oeuvre et tant à valoriser les plus jeunes artistes.

Comment résumeriez-vous cette exposition ?

« Some of Us » est conçue comme un « statement ». Ni prospective, ni déclarative, l’exposition se veut pragmatique comme un état des lieux, d’où l’importance de cet éventail d’œuvres très diverses et variées, volontairement sans thématiques. « Some of us » montre les changements et les évolutions dans une culture globale ; elle pose les premiers jalons de l’histoire de cette génération d’artistes. Il s’agit là d’un premier constat, d’une première observation de ces générations X et Y d’artistes, révélateurs d’un véritable changement culturel, dans toutes ses dimensions.

« Some of Us » est conçue comme un « statement ».
Image
"La grande Safae" de Randa Maroufi
© Randa Maroufi - Le Fresnoy
"La grande Safae" de Randa Maroufi
L'Institut français et le projet

Jérôme Cotinet Alphaise est commissaire de l’exposition « Some of Us » qui se tiendra du 1er juin au 13 octobre 2019 à la Kunstwerk Carlshutte à Büdelsdorf dans le cadre de « NordArt ». Cette année, la France est le pays invité à cette manifestation d’art contemporain. L’exposition « Some of us » bénéficie du soutien de l’Institut français en partenariat  avec la région Centre-Val de Loire.

 

 L’Institut français s’associe aux collectivités territoriales pour le développement des échanges artistiques internationaux.

 

En savoir + sur les programmes d'aide à projet en partenariat avec les collectivitiés territoriales. 

L'institut français, LAB