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Laurent Moreau

C’est dans la nature que je puise mon vocabulaire

Les couleurs vives, la nature luxuriante et les animaux sauvages habitent les grands panoramas de Laurent Moreau, passionné de gouache et de déambulations enfantines, auteur et illustrateur de Jouer dehors (2018), album remarqué au Salon du livre et de la presse jeunesse 2018 à Montreuil. Il partage, fin octobre, son travail avec des collégiens marocains et chypriotes.

Mis à jour le 19/11/2019

10 min

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Laurent Moreau
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Laurent Moreau
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© Anton Photographies

Quelle est l’histoire de Jouer dehors ?

Jouer dehors raconte l’histoire de deux enfants qui jouent dans une maison. Ils courent l’un après l’autre et chahutent, quand leur mère leur donne l’ordre d’aller jouer dehors. Ils sortent et découvrent les alentours de leur maison située en bord de mer. On découvre la faune et la flore. L’un des garçons lance son cerf-volant et celui-ci nous conduit, petit à petit, à traverser des paysages. La jungle, la banquise… On plonge alors dans de grands panoramas avec, toujours, au premier plan, les fonds sous-marins ; puis, un peu plus loin, le bord de l’eau ; puis on s’éloigne jusqu’à l’horizon lointain. Et sur ces différents paliers, je me suis amusé à placer des plantes, des animaux et deux enfants, aussi, que le lecteur est amené à retrouver.

 

Pouvez-vous nous raconter les différentes étapes qui ont jalonné la vie de cet album, depuis vos premiers croquis jusqu’à la visioconférence que vous donnerez fin octobre pour des élèves marocains et chypriotes ?

Ce livre est le résultat d’une longue collaboration avec les éditions Hélium, une maison indépendante fondée par Sophie Giraud. Depuis Les Beaux Instants (2010), mon premier livre publié chez eux, nous travaillons main dans la main : je parle à mon éditrice de mes idées et je lui montre mes premières esquisses, quand il y a encore tout à construire.

Jouer dehors est sorti en 2018 : l’album a été sélectionné peu de temps après par un comité de lecture lors du Salon du livre et de la presse jeunesse à Montreuil la même année, et mis en avant parmi une dizaine d’ouvrages. Repéré à cette occasion, l’Institut français m’a proposé d’échanger avec des enfants à travers une série de vidéoconférence : une occasion de discuter avec eux, de percevoir et de comprendre leur ressenti, mais aussi de leur expliquer mon travail. J’apprécie ces moments d’échanges avec mon jeune public, qui s’apparentent d’ailleurs à mes interventions dans les classes d’écoles. Mon seul regret à chaque fois : ne pas pouvoir dessiner directement à côté d’eux !

 

D’où viennent tous ces animaux que vous dessinez ?

Ces animaux arrivent tout droit de mon enfance, c’est certain. J’ai grandi à la campagne, en Bretagne, à côté de Vitré, dans une maison à deux pas de la ferme de mes grands-parents — je viens d’une famille d’agriculteurs. La maison de mes parents était entourée de vaches, de chevaux, de moutons, etc. Pour autant, j’ai plus d’aisance et de facilité avec la végétation. J’ai passé mon enfance à jouer dehors : dans les arbres, dans les champs... Tous ces moments se retrouvent de manière récurrente et spontanée ! Même si j’habite en ville aujourd’hui, c’est dans la nature que je continue de puiser mon vocabulaire.

Pour Jouer dehors, j’ai dessiné presque 250 animaux. J’ai dû apprendre à en connaître certains, comprendre comment et avec qui ils vivaient etc. J’ai passé autant temps à me documenter qu’à réaliser l’ouvrage.

Image
Jouer dehors, de Laurent Moreau
© Laurent Moreau & Éditions Helium
Jouer dehors, de Laurent Moreau

Dans un contexte de réchauffement climatique et de disparition des espèces, dessiner un animal est-il également un geste politique ?

Mon dessin ne dépend pas forcément d’un engagement politique : je voulais seulement dessiner une nature riche et luxuriante. Toutefois, sans y être forcément préparé, je sentais que le sujet du climat pourrait arriver sur la table. Sur une idée de mon éditrice, nous avons décidé d’établir un index à la fin de l’ouvrage qui reprend tous les animaux présents dans l’album, accompagnés d’un code graphique pour définir s’ils sont en danger, ou non, d'extinction, du moins vulnérable au plus vulnérable, voire en danger critique.

 

Parlez-nous de votre technique : plutôt crayon, pinceau, numérique ?

Je ne travaille que de manière traditionnelle, sans rejeter totalement la modernité : le numérique peut faire partie d’une étape mais ce n’est pas une finalité. Dans mes carnets, je dessine au crayon ou au feutre, je passe également parfois par le collage. Plus récemment, je me suis concentré sur la peinture. J’utilise surtout la gouache, que j'aime pour sa malléabilité. Elle me permet de prolonger le geste du dessin, sans lever le crayon... Quel que soit mon outil de travail, je fais toujours la part belle aux couleurs, en prenant soin de mettre en avant l’intensité dont elles sont composées.

Couche après couche, comme le ferait un photographe, j’aime voir l’image se développer, jusqu'à ce moment où je ressens quelque chose de très physique qui me dit, comme un frisson : « On s’arrête là, c’est fini. »

 

Le dessin a-t-il toujours été présent dans votre vie ?

Je dessine depuis que je suis enfant. Comme tous les enfants, en fait ! Et puis, il y a un moment où les enfants commencent à se sentir frustrés, ou à se comparer les uns aux autres. Il y a alors les enfants qui décident qu’ils ne sont pas faits pour ça et qui arrêtent de dessiner –  ils restent à leur niveau de dessin de leurs 6 ou 7 ans –, et de l’autre, ceux qui continuent parce qu’on les y a encouragés. Chaque fois que je vais dans une classe, il y a toujours l’instituteur qui désigne « l’artiste de la classe ». J’étais cet enfant. On m’a toujours dit que je dessinais bien : cela a certainement aidé ! C’est toutefois bien plus tard que j’ai appris que le dessin pouvait devenir un métier. La bande dessinée était un univers qui ne me convenait pas complètement, alors je me suis évadé dans les rayons des livres jeunesse, avec l’intime impression que les dessins que j’y découvrais m’étaient familiers. Je dessine depuis que je suis enfant. Comme tous les enfants, en fait ! Et puis, il y a un moment où les enfants commencent à se sentir frustrés, ou à se comparer les uns aux autres. Il y a alors les enfants qui décident qu’ils ne sont pas faits pour ça et qui arrêtent de dessiner –  ils restent à leur niveau de dessin de leurs 6 ou 7 ans –, et de l’autre, ceux qui continuent parce qu’on les y a encouragés. Chaque fois que je vais dans une classe, il y a toujours l’instituteur qui désigne « l’artiste de la classe ». J’étais cet enfant. On m’a toujours dit que je dessinais bien : cela a certainement aidé ! C’est toutefois bien plus tard que j’ai appris que le dessin pouvait devenir un métier. La bande dessinée était un univers qui ne me convenait pas complètement, alors je me suis évadé dans les rayons des livres jeunesse, avec l’intime impression que les dessins que j’y découvrais m’étaient familiers.

Couche après couche, comme le ferait un photographe, j’aime voir l’image se dévelop-per, jusqu'à ce moment où je ressens quelque chose de très physique qui me dit, comme un frisson : « On s’arrête là, c’est fini. »

Aussi, dans un registre plus littéraire mais qui n’est pas sans lien avec l’enfance, vous avez été amené à illustrer Jacques Prévert. A-t-il toujours été pour vous une référence ?

Comme tout le monde, j’avais récité du Jacques Prévert à l’école, mais j’ai surtout redécouvert ses poèmes quand les éditions Gallimard m’ont proposé d'en illustrer certains en noir et blanc. Ce premier projet a ouvert la porte à d’autres : on m’a régulièrement demandé d’illustrer du Prévert, notamment la presse. Le dernier en date est la mise en album, toujours aux éditions Gallimard, de ses Contes pour enfants pas sages (2016). J’aime l’écriture surréaliste de Jacques Prévert, je suis surpris à chaque fois : on y trouve des choses très tendres, très douces, avec des touches de bizarrerie.

 

Lire aussi l'œuvre Jouer dehors

Interview with Laurent Moreau, author and illustrator of Jouer dehors
Rencontre avec Laurent Moreau, auteur et illustrateur
L'Institut français et le projet

Jouer dehors de Laurent Moreau fait partie de la sélection des Pépites internationales 2019 de l'Institut français et du Salon du Livre et de la Presse Jeunesse de Montreuil. Ce programme valorise la littérature de jeunesse francophone auprès des apprenants de français dans le monde. En savoir + sur le programme Pépites internationales 2019

 

Laurent Moreau échangera le 23 octobre 2019 sur son travail avec des élèves marocains et chypriotes lors d’une visioconférence consacrée à son album. Il dessinera également en direct.

L'institut français, LAB