Leïla Slimani
Lauréate du prix Goncourt 2016 pour son roman Chanson douce, Leïla Slimani a été nommée représentante personnelle du chef de l’État pour la francophonie en novembre 2017. L’écrivain franco-marocaine multiplie depuis les déplacements à l’international pour promouvoir la richesse de la langue française. Entretien avec la jeune ambassadrice de la francophonie.
Mis à jour le 16/03/2021
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Qu’est-ce qui vous a convaincue d’endosser bénévolement le rôle d’ambassadrice de la langue française et de devenir la représentante personnelle du chef de l’État pour la francophonie ?
Je trouve important de lutter aujourd’hui contre une tendance qu’ont certains à idéologiser les langues : l’arabe serait la langue des islamistes, le français la langue des colons. Ces discours sont dangereux, dévastateurs et ils risquent de priver la jeunesse d’une richesse extraordinaire, qui est le plurilinguisme. C’est pour défendre cela que j’ai accepté ce poste.
Je représente ainsi la France au sein de l’Organisation internationale de la francophonie qui vit aujourd’hui un moment crucial, avec une nouvelle Secrétaire générale à sa tête en la personne de Louise Mushikiwabo et une grande volonté de changement.
Comment vivez-vous cette expérience d’ambassadrice de la francophonie ? Quels enseignements tirez-vous de vos rencontres, de vos voyages ?
C’est un travail passionnant et très enrichissant sur le plan humain. Le français est une langue monde, qui vit et s’épanouit sur tous les continents, avec ses accents, ses tournures, ses métaphores propres à chaque paysage. Il est assez extraordinaire de constater la plasticité de cette langue et d’en appréhender la créolisation, la transformation constante.
Vous dites que le français est une « langue du désir » et qu’il faut « déringardiser la francophonie ». Comment la langue française peut-elle toucher et séduire de nouveaux publics, les jeunes par exemple ?
À l’étranger, le français a souvent l’image d’une langue difficile, très littéraire. Une langue de salon qui serait l’apanage des intellectuels. Or il est important de montrer aux jeunes que c’est aussi une langue de la modernité, une langue dans laquelle on peut slamer, rapper, penser le monde de demain, inventer. Et que le français est aussi une langue utile grâce à laquelle on peut trouver du travail.
En tant qu’écrivaine franco-marocaine, quel est votre rapport à la langue française ?
Le français est mon outil de travail et donc une espèce d’obsession pour moi.
Et au plurilinguisme ?
Je parle le français, l’anglais et l’arabe dialectal. C’est quelque chose qui m’est très naturel et que je n’intellectualise pas.
Dans son discours du 20 mars 2018 à l’Académie française, le Président de la République a mis l’accent sur le plurilinguisme. Pour quelles raisons le plurilinguisme fait-il partie des grands enjeux de la langue française à l’international ?
Parce que c’est l’avenir de toute l’humanité ! Plus on parle de langues et plus on gagne en humanité. Dans le monde ouvert qui est le nôtre, il n’est plus acceptable qu’une langue domine les autres ou que l’on proclame certaines langues supérieures aux autres sur le plan des valeurs par exemple. La jeunesse africaine par exemple grandit pour beaucoup dans ce plurilinguisme. Il faut le préserver et le renforcer car il représente une véritable chance.
Chanson Douce, de Leïla Slimani
Leïla Slimani a accompagné l’Institut français en 2018 pour la mise en place de la consultation « Mon idée pour le français », qui a conduit au Plan présidentiel pour la langue française et le plurilinguisme de mars 2018.
En 2018 Chanson douce a été traduit en bengali (Inde) avec le soutien de l'Institut français. Par ses programmes d'appui à la traduction, l'Institut français participe à la diffusion de la littérature de langue française dans le monde entier. En savoir + sur les programmes d'appui à la traduction
Leïla Slimani est régulièrement invitée à prendre part à des manifestations du réseau culturel français à l’étranger. En 2019, elle a été associée à l’édition de LabCitoyen organisée par l’Institut français sur le droit des femmes. En savoir + sur le programme Labcitoyen