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Création numérique

Marie-G. Losseau & Yann Deval

Nous n’utilisons pas la Réalité Virtuelle pour imposer un univers au spectateur, mais au contraire pour stimuler son imaginaire.

Depuis 2016, Marie-G. Losseau & Yann Deval développent ensemble le projet Atlas, qui réunit maquettes de villes imaginaires et mondes virtuels interactifs.

Mis à jour le 30/08/2021

5 min

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Marie-G. Losseau & Yann Deval
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Atlas © DR

Quel est votre parcours et comment vous êtes-vous intéressés à la VR (réalité virtuelle) et à l’AR (réalité augmentée) ?

Marie : J’ai une formation de scénographe, et je suis avant tout plasticienne. J’ai aussi beaucoup travaillé sur des projets de médiation culturelle et sur la création participative. 

Yann : Pour ma part, je travaille dans l’audiovisuel, en particulier dans le domaine de l’animation et des effets spéciaux. Je fais aussi de la composition musicale. J’ai découvert la VR aux environ de 2012, avec l’Oculus DK1, le premier modèle de casque véritablement accessible. C’est à cette époque que j’ai commencé à explorer ce nouveau médium, qui m’a permis de faire le lien entre mes différents intérêts, principalement autour des notions d’interactivité et d’immersion.   

 

Vous avez coréalisé Atlas, une œuvre hybride mêlant arts numériques et arts plastiques. Comment l’idée d’Atlas a-t-elle germé ?

Yann : Quand nous nous sommes rencontrés, Marie travaillait avec des marionnettes, et j’avais participé à la création musicale de l’un de ses spectacles.

Marie : Pendant des années, j’ai mené des ateliers à la Maison des Cultures de Molenbeek, notamment une série de workshops artistiques pour des enfants autour de la création de maquettes de villes imaginaires, « Les classes urbaines ». Yann a découvert ce travail, et c’est de là qu’est né notre rêve de plonger les spectateurs dans des univers de maquettes en réalité virtuelle.

Nous avons voulu faire quelque chose qui évoque métaphoriquement les questions écologiques et climatiques. Mais nous restons sur un terrain poétique et nous ne portons pas un discours scientifique ou politique.

Pouvez-vous nous parler plus en détail du monde d’Atlas, et des différentes villes qui composent cet univers toujours en mouvement ?

Yann : Atlas est un espace constitué de plusieurs maquettes en bois, qui forment des villes et des quartiers imaginaires. En s’y baladant, le spectateur va avoir la possibilité d’interagir avec ces villes, qui ont des propriétés organiques : certaines villes volent, d’autres ont des racines. Elles sont vivantes et peuvent ainsi pousser ou se reproduire.

Atlas est une expérience qui se décline en trois formats, dans lesquels les spectateurs peuvent interagir.  Dans le 1er, avec un casque de VR, le spectateur est projeté dans un monde virtuel, où il peut lancer des graines afin de faire pousser des bâtiments. Le second donne accès à un autre version de ce monde, grâce à l’Hololens, une lunette de réalité mixte. Le troisième permet, à l’aide de tablettes, de révéler et de donner vie à certaines des maisons.

L’idée de travailler avec l’imaginaire du spectateur nous intéresse beaucoup, tout en prenant en compte le fait que la VR est un médium très intrusif. On ne voulait pas l’utiliser pour imposer un univers au spectateur, mais au contraire pour stimuler son imaginaire. C’est pourquoi notre dramaturgie ne précise pas trop les choses. S’agit-il d’un univers de science-fiction ou des restes d’une civilisation oubliée ? Nous laissons toutes les portes ouvertes pour que le spectateur puisse s’approprier l’œuvre et y trouver ses propres réponses.   

 

Comment finance-t-on un projet aussi ambitieux, qui réclame des moyens technologiques très conséquents ?

Marie : En rêvant grand dès le départ !

Yann : On a commencé par quelque chose de très simple, c’était au début un projet assez modeste. Grâce à un financement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, nous avons pu créer un premier prototype, avant de bâtir le projet par étapes, au fil des appels à projets. Nous avons aussi obtenu un financement de STARTS (via l’IRCAM), avant de rencontrer Fridolin Wild, de l’Oxford Brookes University, qui nous a aidé à intégrer la réalité mixte. C’est aussi un projet participatif et génératif : le public crée des éléments qui n’étaient pas prévus. Avec le temps, le projet a pris beaucoup d’ampleur. 

 

Les enfants ont joué un rôle important dans la mise au point d’Atlas, notamment à travers des ateliers et des workshops qui ont eu lieu dans des écoles à Molenbeek (Bruxelles). Pourquoi est-ce important pour vous de les impliquer dans votre processus créatif ?

Marie : La ville n’est pas quelque chose qu’on construit seul mais à plusieurs. Atlas continue lui aussi aujourd’hui de se construire par adjonction d’éléments, comme une véritable ville. Nous souhaitions que la rencontre avec l’œuvre ne se passe pas seulement au moment de la monstration, mais aussi pendant sa création. Ayant beaucoup travaillé sur la médiation d’œuvres dont je n’étais pas l’auteure, je voulais cette fois-ci créer un projet qui décloisonne les rôles, à mi-chemin entre l’art présenté dans les musées ou les théâtres, et l’art « amateur » que l’on propose dans les ateliers. Avec Atlas, je suis à la fois plasticienne, scénographe, animatrice et médiatrice.   

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Atlas articule une réflexion sur l’urbanisme avec un discours plus écologique :  c’est à l’aide de graines que l’on fait pousser des bâtiments. Est-ce que cette approche allait de soi ?

Marie : Dès le début du projet, nous avons voulu faire quelque chose qui évoque métaphoriquement les questions écologiques et climatiques. Mais nous restons sur un terrain poétique et nous ne portons pas un discours scientifique ou politique. Le choix de travailler avec des bois et des matériaux fragiles, des objets fabriqués à la main, parfois par des enfants, fait contrepoint avec la dimension très technologique de l’œuvre.

 

Votre travail a été montré dans de nombreux contextes : à la Biennale d’Architecture de Venise, au festival Ars Electronica en Autriche, au sein du MuseumLab du BAM en Belgique. Comment est-ce que sa réception évolue en fonction des publics et des secteurs ?

Yann : Ce qui est très important pour nous, c’est de nous adresser à des publics différents. La VR, ça intéresse spontanément un certain public, assez jeune et féru de technologies. On voulait aussi toucher des personnes qui ne s’y intéressent pas et qui n’ont jamais essayé ces médiums. Nous avons voulu faire quelque chose d’intuitif. Une première expérience en VR, pour quelqu’un qui n’est pas préparé, ça peut être très fort émotionnellement, c’est un petit saut dans le vide.

Marie : Il y a aussi différents niveaux de lecture selon les âges et les centres d’intérêt. Notre approche est technologique, mais l’aspect plus poétique nous permet de toucher un autre type de public. Les gens entrent par une porte, celle qui correspond le mieux à leur goût, et découvrent ensuite les autres aspects du projet.

L'Institut français et les artistes

Le projet Atlas, de Marie-G. Losseau & Yann Deval, est référencé dans le Catalogue VR Immersive Experiences, qui présente une quarantaine d’œuvres originales, au croisement de la réalité virtuelle, du spectacle vivant et des arts visuels. 

Il a pour objectif de faire découvrir aux partenaires du réseau culturel (théâtres, musées, centres culturels, centres d’art, festivals, centres commerciaux etc.) de nouvelles formes de spectacles et d’expositions, souvent collectives et participatives, qui répondent au goût croissant du public pour des formats de divertissement et d’offres culturelles à forte dimension numérique. 

En savoir + sur le Catalogue VR Immersive Experiences

L'institut français, LAB