Maud Clavier, directrice générale de la société VRrOOm
Maud Clavier est directrice générale de la société VRrOOm, fondée par Louis Cacciuttolo en 2018. Ce studio français est pionnier dans l’organisation d’événements sociaux et de spectacles dans des environnements en réalité virtuelle (VR).
Mis à jour le 31/03/2022
10 min
Pourriez-vous nous raconter votre parcours dans le monde de la VR ?
Mon parcours dans la VR a commencé en 2015, plutôt du côté de la vidéo en 360 degrés, à l’époque avec ma propre entreprise. J’ai notamment créé des documentaires et des expositions. J’ai ensuite rejoint VRrOOm en tant que cheffe de projet, et aujourd’hui je suis sa directrice générale, associée à Louis Cacciuttolo qui en est le fondateur. Nous formons actuellement une équipe composée d’une dizaine de personnes.
Récemment, vous avez notamment travaillé avec de prestigieux festivals internationaux, comme SXSW Interactive (South by Southwest) ou Venise VR Expanded Quelle est l’activité de VRrOOm ? Quelles solutions offrez-vous aux acteurs culturels ?
Nous sommes une société d’événementiel culturel, spécialisée dans le domaine des plateformes de réalité virtuelle sociale. Nous créons en imagerie de synthèse 3D des univers virtuels, dans lesquels il est possible, en incarnant un avatar, de retrouver d’autres personnes pour vivre des moments conviviaux et culturels. Nous couvrons tous les aspects : à la fois la création du lieu virtuel, la curation artistique, et la partie événementielle. Nous avons commencé à vraiment développer cette activité pendant le premier confinement, en 2020, avec des festivals qui souhaitaient proposer des éditions virtuelles, ou dans le cadre de concerts diffusés sur des plateformes digitales. Nous créons aussi des expositions et des musées virtuels.
Pour Venise VR Expanded, nous avons reproduit quelques canaux et de bâtiments historiques. Pour la version online de SXSW, à Austin aux Etats-Unis, nous avons créé quelque chose de très pop, et cette année nous irons encore plus loin, avec un résultat résolument cyberpunk et futuriste. Au sein de ces festivals, nous produisons aussi beaucoup de spectacles : la soirée d’ouverture et de clôture à Venise, et à Austin, une programmation entièrement en ligne. Cette année, dans le monde virtuel de SXSW, nous proposerons également une formule hybride, qui permettra aux deux mondes réels et virtuels d’entrer en contact sans passer par des casques.
Vous avez joué un rôle crucial dans la production de Welcome to the other side, un concert en VR du musicien Jean-Michel Jarre. Pourriez-vous nous raconter les coulisses de ce projet ?
Nous avons collaboré avec Jean-Michel Jarre pour la première fois à l’occasion de la fête de la musique 2020. Ce projet, baptisé Alone together, a été monté en seulement trois semaines, sur le mode du hackathon. Cela a posé des bases qui lui ont permis d’imaginer une expérience beaucoup plus ambitieuse, Welcome to the other side, un concert dans la cathédrale Notre Dame de Paris recréée en images de synthèse. Cet événement, produit par la mairie de Paris à l’occasion du Nouvel An, a été diffusé sur les chaînes de télévision du monde entier, ce qui nous a permis d’atteindre un record d’audience de 75 millions de vues. Suite à cette prouesse, Jean-Michel Jarre a eu envie d’expérimenter une forme moins linéaire, et nous avons récemment produit l’avant-première du concert virtuel Oxymore, du nom de son prochain album qui sortira en septembre. Il s’agit d’un concert avec une jauge de 200 personnes en présentiel, et de 200 personnes en réalité virtuelle. Jean-Michel Jarre a ainsi donné trois représentations dans l’Agora de Radio France. L’expérience proposée en noir et blanc est très graphique et invite à explorer différents quartiers. C’est un concert plus expérimental, à mi-chemin entre le gaming et l’exploration auditive.
Quelles sont les contraintes liées à l’utilisation de la VR dans le cadre du spectacle vivant ?
Il y a des contraintes techniques importantes : en réalité virtuelle sociale, on atteint rapidement des limites graphiques, surtout quand on veut offrir certaines formes d’interactivité. Il faut donc travailler à l’optimisation graphique et toujours garder en tête l’expérience utilisateur finale. Nous sommes aussi dépendants de plateformes préexistantes, comme VR Chat et Roblox, dont il nous fait maîtriser toutes les contraintes. L’aspect scénographique est également très important, il faut donc trouver un équilibre : des jauges raisonnables, un juste milieu entre l’interactivité et la qualité graphique, etc.
Vous collaborez régulièrement avec différentes plateformes de réalité immersive sociale, comme VRChat ou le jeu Roblox. Est-ce qu’on peut les considérer aujourd’hui comme les pionniers du métavers ? Quelle est d’ailleurs votre définition du métavers ?
Aujourd’hui, le métavers n’existe tout simplement pas encore, car je pense qu’il est forcément lié à l’interconnexion entre les différentes plateformes qui existent, un peu à la manière d’internet. Il est également crucial que ces mondes virtuels ne soient pas éphémères, comme c’est le cas aujourd’hui, mais permanents. On va nécessairement devoir en discuter, même si à l’heure actuelle chaque acteur défend sa propre plateforme, tout en se montrant peu enclin à collaborer avec les autres. Pour l’instant, c’est surtout un secteur qui se privatise énormément. Nous aimerions évidemment, à l’avenir, créer aussi notre propre plateforme, avec des outils dédiés qui faciliteront la tâche à n’importe quel artiste souhaitant y développer sa vision. Cette plateforme aurait également sa propre ligne éditoriale, entièrement axée sur l’artistique et l’événementiel.
Quelle est l’actualité de VRrOOm ? Quels sont vos projets à court et à plus long terme ?
En ce moment, nous travaillons avec France TV Lab à la création d’un plateau télé pour l’émission sportive Stade 2 dans un environnement virtuel. Il inclura aussi des mini-jeux. Pour le festival SXSW, nous organisons aussi avec la société VISIV un live techno de huit heures, diffusé pendant le festival.
VRrOOm travaille notamment avec de prestigieux festivals comme NewImages, un partenaire l’Institut français sur des évènements tels que la Saison Africa 2020 ou les Digital Crossroads.