Nature Future, une exposition organisée par les Instituts français de Prague et de Berlin sous le commissariat du Collectif Fetart
Le Collectif Fetart est composé de dix curatrices indépendantes particulièrement engagées pour l’Europe. Interview avec Clara Chalou et Emmanuelle Halkin qui ont organisé, en collaboration avec les Instituts français de Prague et de Berlin, l’exposition Nature Future montrant la manière dont les jeunes photographes européens font face à la crise climatique.
Dans le cadre de la Présidence française du Conseil de l’Union européenne et avec le soutien de l’Institut français, de EUNIC Global et de EUNIC Berlin, l’exposition est présentée jusqu'au 14 juillet à Berlin et jusqu'au 28 août à Prague.
Mis à jour le 06/09/2022
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Quel était le but qui a entraîné la création du collectif Fetart ?
Emmanuelle : L’objectif de Fetart est d’aider les jeunes photographes à évoluer et à exposer. Nous organisons des expositions et des évènements avec de jeunes artistes émergents dans toute l’Europe. Le festival Circulation, qui revient pour une 12e édition, est notre évènement le plus important. Avec plus de 1 000 candidatures chaque année, la compétition est rude pour obtenir son ticket d’entrée. Notre communauté artistique, composée de 30 bénévoles et dix commissaires, s’efforce de choisir les 30 œuvres les plus intéressantes et marquantes.
Clara : Le but est vraiment de travailler avec de jeunes artistes au début de leurs carrières et d’organiser des évènements qui nous permettent de les présenter de manière professionnelle au grand public. De manière générale, nous accordons beaucoup de valeur à la collaboration dans notre travail et, d’ailleurs, c’est la raison pour laquelle nous sommes toujours deux à répondre aux interviews.
L’exposition Nature Future s’intéresse à l’impact de la crise climatique sur la nature. Comment les photographes participant à l’exposition ont-ils décidé d’aborder les nombreuses problématiques soulevées par la crise ?
Clara : L’objectif principal était de trouver des artistes qui montraient les différentes manières d’aborder le sujet. Nous avons des travaux relativement didactiques dans la forme avec toutefois un regard moderne, et nous avons des travaux plus artistiques qui traitent les problématiques de manière plus abstraite. Nous tenions vraiment à proposer un aperçu complet de ces différentes approches.
Emmanuelle : L’exposition traite de la crise écologique, mais nous avons essayé d’aller au-delà. En analysant la relation qu’entretient l’humain avec son pays, la nature, les fleurs, nous ne nous limitons pas seulement à la crise. Si vous prenez le travail réalisé par Jana Hartmann et Vanja Bucan, vous verrez qu’elles s’intéressent aux attitudes de l’humanité envers la nature. Elles montrent qu’il est important d’essayer de changer la manière de penser notre relation avec la nature.

La jeune génération semble particulièrement consciente de l’impact de la crise climatique. Les jeunes photographes se sont-ils davantage emparés de cette problématique par rapport à l’ancienne génération ?
Emmanuelle : En temps de crise, ce sont toujours les artistes qui réagissent en premier. Aujourd’hui, tout le monde se sent concerné par la crise écologique. Il ne s’agit plus d’un jeu. Toutefois, la jeune génération semble plus active que l’ancienne génération.
Clara : La jeune génération avec laquelle nous travaillons est très engagée dans l’actualité. Pour moi, il ne faisait aucun doute que les jeunes s’empareraient de cette problématique.
Quelles images de l’exposition trouvez-vous particulièrement puissantes ?
Clara : Les abeilles mortes au creux d’une main gantée par Margaux Senlis. Il s’agit d’une image incroyablement forte et puissante, montrant ce qui est en train de se produire. Elle nous dit qu’il faut agir maintenant. Il émane une telle force de cette image que nous l’avons sélectionnée pour l’affiche de l’exposition. Le travail d’Ada Zielińska, qui sera uniquement exposé à Prague, est également très éloquent. Elle a utilisé un grand panneau montrant un incendie au milieu du désert. Si vous vous rendez à Prague, vous verrez qu’il est exposé au milieu d’un jardin et vous aurez l’impression qu’un véritable incendie est en train de se propager. L’impact visuel de telles images ne vous laisse pas indifférent.
Emmanuelle : Pour moi, l’une des images les plus puissantes est celle des poulets Novogen de Daniel Szalai. Les poulets Novogen sont une espèce créée uniquement pour la production de produits pharmaceutiques, tels que les vaccins, les médicaments, etc. Il a portraituré les poulets comme il l’aurait fait pour une personne. Il s’agit d’une manière très intéressante de pratiquer la photographie documentaire. Cela nous montre comment l’humanité joue avec la nature. Une autre série très marquante est celle de Ruben Martin de Lucas. Il a photographié une personne tenant un drapeau sur un petit iceberg, tel un roi debout sur son pays. Mais, comme vous le savez, les icebergs rétrécissent au fur et à mesure, et l’Arctique est en passe de disparaître. Il s’agit d’un véritable symbole de ce qui est en train de se produire.
L’exposition fut commandée par les Instituts français de Berlin et de Prague. Comment ont-ils permis au projet d’exister ?
Emmanuelle : Il s’agissait d’une belle opportunité pour Fetart. Aujourd’hui, nous sommes les spécialistes en France de la photographie européenne émergente et c’est la raison pour laquelle ils nous ont demandé de travailler avec eux sur ce projet. Ils nous ont fait pleinement confiance et nous ont laissé la liberté de proposer des artistes et de développer notre propre vision. C’était une très bonne expérience pour nous.
Clara : Pour nous, il s’agissait d’un magnifique exemple de coopération européenne. Cet évènement de taille était une très belle opportunité pour montrer la diversité de l’Europe et de travailler sur le projet avec les deux Instituts de Berlin et de Prague.

Pour la troisième année consécutive, le Collectif Fetart et le réseau EUNIC ont conjugué leurs efforts pour dévoiler l’exposition Visage(s) d’Europe dans l’espace public du Quai des Célestins à Paris. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce projet ?
Clara : L’EUNIC, ayant démarré le projet il y a quatre ans, nous a lancé une invitation. Le but était d’organiser une exposition en extérieur à l’occasion de la Fête de l’Europe. Ils nous ont demandé de les accompagner dans la direction artistique. Nos domaines d’expertise étant justement l’Europe et les expositions en extérieur, cela ne pouvait pas mieux tomber. Sans réelle thématique, le but est de montrer la diversité des travaux réalisés par les artistes européens, autant sur le fond que sur la forme. Nous avons eu cette formidable opportunité de travailler avec l’EUNIC pendant trois ans. Il s’agit d’une chance incroyable pour les artistes qui y participent. Sans oublier la collaboration artistique, qui est fantastique. Nous travaillons avec l’ensemble des Instituts européens.
Emmanuelle : Ce type de projet est en adéquation parfaite avec Fetart. C’est exactement de cette manière que nous souhaitons travailler, c’est-à-dire en collaborant avec différents pays et instituts culturels. Le Festival Circulation porte bien son nom et illustre parfaitement la « circulation » des photographies et des visions.
Cela fait de nombreuses années que vous accompagnez les artistes émergents en Europe, notamment grâce au Festival Circulation. Comment décririez-vous cette nouvelle scène européenne ? Que nous révèlent ces photographies marquantes de notre Europe actuelle ?
Emmanuelle : Un plein d’énergie, je dirais. Tous les ans, nous découvrons mille et une façons de jouer avec la photographie. Il existe tant d’énergie et de diversité. Des thématiques sortent du lot chaque année et, cette fois-ci, les thèmes autour l’identité sont très importants – le genre, les minorités, la migration. Je crois que les jeunes artistes se posent beaucoup de questions sur eux-mêmes et d’où ils viennent.
Clara : Selon moi, une autre chose très intéressante à propos de cette nouvelle génération est le fait qu’elle réfléchisse beaucoup à la matérialité des images. Il ne s’agit pas seulement de créer la photographie, il s’agit également de comment utiliser l’image, comment la montrer, comment être un artiste et un photographe sans jamais prendre une photo – par exemple en puisant dans les archives. Les frontières entre la photographie et l’art contemporain s’effacent progressivement. Bien plus que de simples photographes, ils sont de véritables artistes. Ils utilisent le son et la vidéo, réfléchissent à la nature des images et à la signification de leur création aujourd’hui.

L'exposition Nature Future est présentée à Berlin et Prague avec le soutien de l’appel « Créativité à l’européenne, lancé par l'Institut français dans le cadre de la Présidence française du Conseil de l'Union européenne.
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