Nicolas Peduzzi est le réalisateur de "Ghost Song", disponible sur IFcinéma
Ghost Song, le deuxième film du réalisateur Nicolas Peduzzi, fait partie d’une sélection proposée par l’Institut français, sur Ifcinéma, pour les 30 ans de l’ACID (Association du cinéma indépendant pour sa diffusion). À cette occasion, Nicolas Peduzzi nous parle de son parcours, de son documentaire tourné à Houston et du rôle de l’ACID.
Publié le 29/11/2022
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Vous avez eu d’autres vies avant de vous consacrer au cinéma documentaire. Pourriez-vous revenir rapidement sur votre parcours pour nous ?
Je suis né à Paris, et j’ai passé une partie de mon adolescence en Italie avant d’étudier le théâtre aux États-Unis. J’y ai été formé par Geraldine Baron et Susan Batson, qui étaient issues de l’Actors Studio. À l’époque, j’étais déjà intéressé par la réalisation, et je suivais aussi des cours de réalisation à NYU. La transition vers le cinéma s’est faite plus tard, au moment où j’ai trouvé le sujet de mon premier film, Southern Belle. Taylor, le personnage principal du film, était ma petite copine à l’époque. On est ensuite restés amis et j’ai passé beaucoup de temps à Houston, où elle vivait au sein d’une famille très conservatrice. J’ai donc eu envie de faire son portrait. C’est d’ailleurs grâce à elle que j’ai rencontré les personnages de mon deuxième film, Ghost Song.
Southern Belle et Ghost Song se déroulent dans la ville de Houston. Qu’est-ce qui vous a attiré vers ces lieux ?
C’est sûr que ce n’est pas une ville où on va pour des raisons touristiques, ce n’est pas Austin, l’autre ville beaucoup plus « cool » du Texas. Houston est une ville très républicaine, mais où énormément de mouvements artistiques underground sont nés dans les années 90. Comme par exemple dans le quartier de Bloodbath, la protagoniste de Ghost Song, avec le mouvement musical qui a été porté par DJ Screw. Houston est une ville qui engendre des rebelles, des personnes qui restent dans les marges. En rencontrant des gens là-bas, j’ai découvert toute une vie, un peu dissimulée sous la vitrine de cette grande cité du pétrole et des ouragans.
Ghost Song déploie une galerie de personnages charismatiques, à l’image de la rappeuse Bloodbath. Comment les avez-vous rencontrés et qu’est-ce qui vous a donné envie de les filmer ?
Au début, c’est comme un coup de foudre. Ce sont souvent des personnes avec qui j’ai déjà des relations amicales. Je passe du temps avec eux, on échange beaucoup, et le film naît de ce rapport, il y a une forme de co-construction. C’est dans cet espace que s’opère un jeu entre fiction et documentaire. Mes deux premiers films ont été tournés au Texas, avec ces personnages qui sont très théâtraux, qui portent déjà en eux quelque chose de très cinématographique. D’où un contraste intéressant quand j’essaie de les filmer plongés dans leur réalité quotidienne.
Werner Herzog parlait de « vérité extatique » pour définir sa pratique, qui consistait à réaliser ses films documentaires à partir de scènes jouées ou rejouées. C’est une dimension que l’on retrouve aussi dans votre travail. Qu’est-ce qui vous intéresse dans ce procédé ?
Je ne connaissais pas ce terme, mais je le trouve très intéressant. Jean Rouch aussi faisait rejouer les choses, avec l’idée qu’une forme de mise en scène de soi-même peut faire ressortir des choses très profondes. Je pense par exemple à la scène de la confrontation entre Will et son oncle dans Ghost Song. C’était une scène que je n’avais pas pu filmer et que je leur avais demandé de rejouer. Au début ça semblait un peu artificiel, mais finalement les vraies rancœurs sont ressorties, la réalité a pris le dessus et l’oncle a fini par nous chasser de chez lui. Donner la possibilité à certains personnages d’être regardés permet ainsi de revivre quelque chose qui était inscrit profondément en eux.
À l’occasion des 30 ans de l’ACID (Association du cinéma indépendant pour sa diffusion), l’Institut français rend accessible, au réseau culturel français à l’étranger et ses partenaires, Ghost Song et 14 autres films de cinéastes membres de l’association sur sa plateforme Ifcinéma. Pourriez-vous nous parler du rôle de l’ACID et de votre implication dans l’association ?
L’association a été fondée par des cinéastes en 1992, autour de l’idée de promouvoir le cinéma indépendant en salles. Cela a par exemple permis à mon film Ghost Song d’être montré à Cannes, dans une section à part. L’année suivante, on m’a à mon tour demandé de participer à la sélection, ce qui m’a amené à accompagner des films d’autres réalisateurs en province, auprès des exploitants. Nous nous impliquons ainsi dans la diffusion des films, pour offrir un meilleur accès à ce cinéma indépendant.
Comment le cinéma indépendant s’exporte-t-il actuellement à l’étranger ? Est-ce que des dispositifs comme l’ACID permettent de faire la différence ?
Cette période est très compliquée pour le cinéma en salle. A titre individuel, l’ACID a permis à Ghost Song de sortir en salle, et j’ai pu l’accompagner dans beaucoup de cinémas en province. Le fait que le réalisateur soit présent est important pour que le public s’empare d’un film. À l’étranger, le film a été acheté par Vice, dans la shortlist consacrée au documentaire. Après la sortie en France, on a donc eu une sortie à l’international sur les plateformes, avec à peu près un million de spectateurs aux Etats-Unis. Une sortie en salle à l’étranger n’étant de toute façon pas quelque chose d’envisageable aujourd’hui.
Sur quoi travaillez-vous actuellement ? Avez-vous des actualités dont vous souhaiteriez nous faire part ?
En ce moment, je finis le montage d’un film que j’ai tourné dans un hôpital en France. J’ai filmé un jeune psychiatre qui s’appelle Jamal, que j’ai rencontré pendant le premier confinement à l'hôpital Beaujon à Clichy. Jamal était le seul psychiatre de cet hôpital public. Encore une fois, j’ai eu un coup de foudre cinématographique, je l’ai donc suivi pendant deux ans. Un pré-montage a d’ailleurs été montré au Work in Progress à Bordeaux, ce qui va nous permettre de financer la post-production du film avec l’aide de la région Aquitaine.
A l'occasion des 30 ans de l’ACID (Association du cinéma indépendant pour sa diffusion), l'Institut français propose une sélection de 15 films sur IFcinéma.