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Nina Chalot et Cyril Teste, commissaires français du Pavillon Écoles à la Quadriennale de Prague

Avec ce projet, on passe par la sensation pour arriver à un nouveau type de relation avec la nature et avec l’humain.

Nina Chalot et Cyril Teste sont les co-commissaires du Pavillon Écoles, qui représentera la France lors de la Quadriennale de scénographie et d’espace théâtral de Prague (8 au 18 juin 2023). Au terme d’un parcours de résidence mené avec la complicité de sept étudiants, ils ont conçu un dispositif où l’eau dialogue avec la pierre et le geste. 

La présence de la France à la Quadriennale est coordonnée par ARTCENA, Centre national des arts du cirque, de la rue et du théâtre, avec le soutien du ministère de la Culture, de l'Institut français, de l'Institut français de Prague. 

Mis à jour le 16/06/2023

5 min

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Nina Chalot
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Nina Chalot
© Lovis Dengler Ostenrik

Pourriez-vous nous raconter rapidement vos parcours respectifs ? Comment avez-vous décidé de travailler ensemble ? Comment envisagez-vous la complémentarité entre vos différents savoir-faire ?

Nina Chalot : J’ai une formation qui porte sur le travail de la matière, pendant plus d’une dizaine d’années dans un atelier en céramique, et j’ai également beaucoup travaillé le textile de manière autodidacte. C’est ce qui m’a permis d’entrer à l’ENSCI - Les Ateliers, une école de création industrielle pensée par Patrick Bouchain pour proposer des modalités d’enseignement très originales et transversales, liées à la pédagogie de projet. Dans cette école, j’ai eu un parcours plutôt axé sur les processus de fabrication des objets, et sur l’attention accordée aux écosystèmes auxquels ils sont liés. Après m’être lancée en freelance, j’ai surtout travaillé aux côtés d’équipes d’architecture, avant d’intégrer l’agence de Ramy Fischler, où je me suis spécialisée dans des questions de scénographie et de muséographie. C’est à cette occasion que j’ai rencontré Cyril, sur un projet d’opéra. Il y avait de sa part une envie d’aller vers les arts plastiques, et de la mienne un désir d’aller vers les arts vivants. 

Cyril Teste : Pour ma part, j’ai un parcours assez divers, qui débute avec la peinture. J’ai étudié auprès d’un professeur des Beaux-Arts en prépa pendant quatre ans, et en parallèle je faisais aussi des études de théâtre. Je n’ai ensuite passé qu’une journée aux Beaux-Arts car j’ai été appelé au Conservatoire de Paris, en section Art dramatique. De là, je me suis spécialisé de façon autodidacte dans la mise en scène, avant de travailler aussi dans la vidéo. Mon domaine de prédilection est tout ce qui touche aux technologies actuelles, de la robotique à la réalité virtuelle et à la réalité augmentée. J’ai ensuite créé avec d’autres le collectif MXM, qui rassemble des techniciens et des créateurs, et qui nous a amenés vers le théâtre et l’opéra. En parallèle, nous avons créé un projet d’école, un laboratoire nomade, lié à l’idée d’une transmission transversale, ce qui m’a permis d’enseigner dans des écoles très différentes, du Fresnoy aux Arts Déco. 

 

Vous êtes les commissaires du Pavillon Écoles de la Quadriennale de Prague, dont le thème cette année est « le rare ». Comment avez-vous choisi de l’interpréter ?

Cyril Teste : Au départ, nous avons créé un lexique autour de ce thème, comme un halo autour d’un noyau. A travers cette question de la rareté, de la préciosité, nous nous sommes tournés vers ce qui nous est le plus « naturel », qui est tout simplement la nature. La question de l’eau a donc fait surface, comme un élément certes omniprésent autour de nous, à commencer par notre corps, mais qui a perdu dans la conscience collective toute notion de préciosité et de rareté. Aujourd’hui, on n’appréhende plus l’eau de manière sensible. A titre personnel, il ne s’agit donc pas pour moi d’aborder l’eau du point de vue d’un militantisme écologique, mais plutôt de revenir à une question sensible et naturelle, ce qui est aussi très politique, en fait. Je viens d’un milieu agricole, où l’eau était extrêmement précieuse, un sujet sensible à la fois pour vivre et pour communiquer, puisque les gens se donnaient rendez-vous aux sources.

Nina Chalot : Avec ce projet, on passe par la sensation pour arriver à un nouveau type de relation avec la nature et avec l’humain. C’est souvent de l’eau que naît la rencontre entre êtres humains.   

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Je suis très en prise avec la question de l’école, qui est au cœur de mon travail depuis le début. Comment retrouver, au sein de l’école, un apprentissage rare ?

Depuis maintenant plusieurs mois, vous coordonnez une équipe baptisée la « Neuvième école », composée d’étudiants issus de sept établissements formant à la scénographie. Comment envisagez-vous cet aspect de votre projet ? Quelle est la place du collectif dans votre démarche ? 

Cyril Teste : Pour en revenir à la question de la rareté, il ne s’agit en effet pas que d’une question d’objet, de forme ou de production, mais aussi de démarche. Le processus fait œuvre, et quand on est co-commissaire d’un pavillon des écoles, la question de l’enseignement devient évidemment centrale, accompagnée d’une réflexion sur la façon dont on peut appréhender l'apprentissage. Pour ma part, je suis très en prise avec la question de l’école, qui est au cœur de mon travail depuis le début. Comment retrouver, au sein de l’école, un apprentissage rare ? 

 

Au cours de l’élaboration de ce projet, les étudiants et vous avez multiplié les résidences à travers la France. Pourquoi avoir choisi un tel protocole de travail et comment s’est-il déroulé ? Quel regard portez-vous à présent sur le chemin parcouru ? 

Nina Chalot : Cet aspect du projet s’est constitué petit à petit, à travers des résidences qui duraient une semaine par mois. Nous avons voulu faire accompagner les étudiants par différentes personnalités et différents savoir-faire sur lesquels ils puissent se reposer, et aller piocher les éléments dont ils auraient besoin. Il n’y avait donc pas de programme préétabli. Parmi ces savoir-faire il y a le travail de la pierre, pour lequel nous avons bénéficié de l’accueil du Fonds de dotation Verrecchia, les valeurs du compagnonnage, et l’apport de Céline Pelcé, qui est designer culinaire, qui leur a apporté une certaine relation au contexte et au vivant. J’ai également organisé des rencontres et des conférences, par exemple avec Sébastien Thiéry, le fondateur du Navire Avenir, un navire de sauvetage en Méditerranée, dans le contexte duquel l'eau soutient une toute autre symbolique. Par cela les étudiants ont été confortés sur la façon dont on peut travailler en équipes pluridisciplinaires et géographiquement éloignées sur des sujets majeurs de société. J’ai également fait intervenir Benoit Brissot, boulanger et artiste sur l'Île de Vassivière : à chaque fois, des savoir-faire extrêmement variés, pour montrer aux étudiants que la scénographie se trouve partout. Nous avons également rencontré à la Maison Jacques Copeau un chercheur qui nous a parlé des sources du village, un jardinier qui nous a fait visiter une rivière pétrifiée par du calcaire. Nous avons aussi été rejoints récemment par l'atelier Blam à Nantes, qui nous apportent leur savoir-faire dans l'ingénierie et le travail des métaux. De façon plus générale, chaque étape du projet constitue la pédagogie : il n’y a pas d’abord la pensée puis la production, tout est imbriqué jusqu’au montage de l’objet. Tout fait projet. 

 

Vous avez choisi de mettre deux éléments au centre de votre pavillon : l’eau et la pierre. Pourriez-vous nous décrire ce dispositif, et la manière dont il s’insère un ensemble de contraintes locales ?

Cyril Teste : Ce sera un pavillon qui associe effectivement l’eau, la pierre et le geste. L’objet que nous allons construire est circonscrit par une structure en métal, un peu comme un échafaudage, au centre duquel se trouvent des vasques en suspension, comme des colliers de perles qui seront remplies d’eau. Cette eau sera activée à partir de la Vltava, la rivière qui passe juste à côté, l’idée étant de la bio-sourcer, c'est-à-dire d’aller la chercher à la main. Les perles vont ensuite être activées comme un sablier d’eau, qui va transpirer et transmettre l’eau par capillarité d’éléments minéraux en éléments minéraux. 

La France est également représentée à la Quadriennale de Prague par le Pavillon Pays et Régions du duo d'artistes Théo Mercier et Céline Peychet. 

En savoir + sur les Pavillons français à la Quadriennale de Prague 

L'institut français, LAB