Peggy Donck dirige le Centre National des Arts du Cirque depuis janvier 2022
Après avoir évolué pendant près de vingt-cinq ans dans le monde du cirque contemporain, Peggy Donck vient de prendre la tête du prestigieux Centre National des Arts du Cirque (CNAC), à Châlons-en-Champagne.
L’Institut français est en dialogue étroit avec le CNAC dans le cadre des projets de formation menés à l’international.
Mis à jour le 21/04/2022
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Comment avez-vous rencontré le monde du cirque ?
J’ai rencontré le cirque contemporain au CNAC. Je n’en avais jamais entendu parler auparavant. Je faisais des études de droit et me destinais à la profession d’avocate quand j’ai changé totalement de voie. Lorsque la 11ème promotion du CNAC a créé le collectif AOC, j’ai décidé de les accompagner. Depuis, cela fait vingt-cinq ans que j’assiste des compagnies et des collectifs de cirque : AOC, Un Loup pour l’homme, Sisters, la compagnie XY…
Qu’est-ce que cette discipline représente pour vous ?
Ce que j’aime dans le cirque, c’est son exigence mais également les imaginaires qu’il convoque et les esthétiques qu’il développe. Il est également au cœur des autres disciplines artistiques.
Et pour ma part, j’ai eu la chance de commencer à travailler dans ce monde en 1999, au moment où le ministère de la Culture décrétait l’année 2000 comme l’année des arts du cirque. C’est absolument génial, car il n’y a pas tant de disciplines artistiques que cela qui voient le jour, et j’ai eu la chance d’être présente. Il y avait une émulation folle, c’était très novateur, et tout était encore à inventer. Nous n'étions pas si nombreux et on se connaissait tous. On construisait ensemble.
C’était aussi une spécificité quasi française, ce qui nous a permis de beaucoup nous exporter. C’est formidable de vivre cette nouvelle vague, de nouvelles esthétiques et de nouvelles disciplines.
Vous venez d’être nommée à la direction du Centre national des Arts du Cirque. Qu’est-ce que cette nomination représente pour vous ?
Je suis ravie. J’ai adoré accompagner toutes les compagnies avec lesquelles j’ai travaillé, c’étaient des aventures humaines extraordinaires, des tranches de vie fantastiques. Mais cela faisait quelques années que j’avais décidé de me présenter à la direction du CNAC, après le départ du précédent directeur, Gérard Fasoli. Sans impatience, mais avec une véritable envie. C’était vraiment cet endroit, lié à l’émergence, qui m’intéressait. J’avais aussi la particularité d’avoir toujours accompagné des sortants d’écoles françaises et européennes. Je connais donc bien leurs grandes qualités mais parfois aussi leurs manques. Et c’est mon expérience, la connaissance du milieu artiste et professionnel et ma connaissance des esthétiques que je souhaite apporter aujourd’hui au CNAC. C’est un endroit unique, qui recoupe l’École Supérieure, un pôle Ressource et Recherche, et des formations tout au long de la vie. Ce triptyque lui donne une force très singulière.
Pourriez-vous nous décrire le rôle particulier de cette institution dans le paysage circassien ?
Le CNAC a été créé en 1985, sous l’impulsion de Jack Lang. Cela part d’une volonté des pouvoirs publics de monter une école nationale de cirque. Quelques années plus tard, Bernard Turin a été nommé à la direction et il fait s’y croiser de nombreuses disciplines, comme le théâtre ou la danse, en sollicitant des chorégraphes et metteurs en scène de renom.
Le nouveau cirque, apparu il y a trente ans avec Archaos ou avec le Cirque Plume, a laissé la place à ce que l'on a appelé le cirque contemporain, dont on situe l'année de naissance en 1995 avec le spectacle Le Cri du caméléon, mis en scène par le chorégraphe Josef Nadj. Et c’est précisément au CNAC que s’est créé ce spectacle avec la 7ème promotion.
Dans le paysage français et international, le CNAC a toujours eu une place singulière de défricheur et de novateur en termes d’esthétique.
Plus de 350 étudiants artistes, représentant 35 nationalités, y ont appris leur métier et sont, aujourd’hui, des acteurs majeurs de la scène internationale.
Quels seront les grands axes de votre mandat à la tête du CNAC ?
Aujourd’hui, beaucoup d’autres écoles en France et à travers le monde sont apparues et nous font une vraie concurrence : nous ne sommes plus en position d’hégémonie et c’est très bien. J’arrive donc à un moment où il est important que chaque école cultive et affirme son identité. Que chaque école ait une couleur et que les étudiants choisissent de venir au CNAC pour leur projet pédagogique et la façon dont on le mène.
Je suis arrivée ici dans un contexte particulier. D’une part, la Covid a contraint à une fermeture de l’école et nous a poussé à recruter les étudiants par visioconférence. Par ailleurs, #balancetoncirque, le #metoo du cirque, est né ici. Ma mission première est donc de retrouver du lien, du dialogue, des synergies, et surtout de remettre les étudiants au centre. De les accueillir et de les accompagner dans leur singularité, et aussi de favoriser le tissage d’une relation avec les artistes et les acteurs du milieu. Je souhaite par ailleurs confronter le plus possible les étudiants au public. Il est important qu’au moment de leur passage à une professionnalisation, ils trouvent déjà des portes ouvertes.
Quelles sont selon vous les grandes évolutions qui attendent le monde du cirque dans les prochaines années ?
Comme tous les arts, il y a le défi de la numérisation, qui va devenir un sujet dans le monde du cirque aussi. Les contextes sociétaux, liés à la crise écologique, vont également devenir centraux. En fait, tout ce qui influence la société influence aussi la création artistique.
Par ailleurs, le cirque contemporain a environ vingt-cinq ans, et beaucoup de nos anciens étudiants circassiens sont passés à la mise en scène. Ils apportent et vont continuer d’apporter un renouveau.