Philippe Bélaval, président du Centre des monuments nationaux
C’est au Centre des monuments nationaux (CMN) qu’a été confiée la restauration du château de Villers-Cotterêts, qui accueillera dès l’automne prochain la Cité internationale de la langue française. Entretien avec Philippe Bélaval, président du CMN.
Mis à jour le 18/03/2022
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Avant toute chose, pouvez-vous nous dire où en est le projet de réhabilitation du château et d’ouverture de la Cité internationale de la langue française ?
Dès le départ, ce projet comportait plusieurs phases. Restaurer un espace de plus de 20.000 mètres carrés et trouver des solutions pour l’exploiter, cela ne peut se faire que progressivement. Le chantier a cependant connu une accélération très nette grâce aux financements supplémentaires que nous avons obtenus dans le cadre du plan de relance du Gouvernement. Aujourd'hui, la restauration est extrêmement avancée et sera terminée avant la fin de l’année. Le chantier a cependant connu des aléas car le château était très mal entretenu. La crise sanitaire a également ralenti le projet.
Nous proposons un premier événement dès ce mois-ci, du 18 au 20 mars, pendant la Semaine de la langue française et de la Francophonie. Nous allons à cette occasion entrouvrir le château pour permettre au public de découvrir un certain nombre d’espaces patrimoniaux datant de l'époque de François Ier.
L’ouverture proprement dite de l’exposition permanente aura quant à elle lieu à l’automne prochain, et l’ouverture complète au printemps 2023. C’est une opération qui aura été conduite en 5 ans à peine, pour un investissement total de 185 millions d’euros, malgré l’état très délabré du site.
L’écosystème de la langue française et de l’espace francophone est particulièrement vaste. Quelle place la Cité est-elle destinée à occuper dans cet ensemble ?
Un des aspects les plus stimulants de ce projet, c’est qu’il doit être profondément enraciné dans son territoire, et qu’il doit donc contribuer au rayonnement et au développement de sa région, et, qu’en même temps, il a vocation à dialoguer avec le monde entier, puisque l’on trouve aujourd’hui des francophones dans presque tous les pays du monde. Partout autour de la planète, des intellectuels et des artistes s'intéressent à la langue française et à la culture qu’elle véhicule. Ces deux dimensions, nationale et internationale, sont absolument indissociables, et se matérialisent par un réseau très dense de partenariats, pour mobiliser à la fois les acteurs du terrain, et relayer l’action de la Cité dans tous les cercles francophones. Cela se fera grâce à l’Institut français, notamment, aux différents organes de la francophonie comme l'Organisation internationale de la Francophonie, l’Agence internationale de la francophonie ou l’Université Senghor d’Alexandrie. La Cité aura ainsi vocation à inviter des artistes, des intellectuels, des enseignants et des étudiants provenant du monde entier.
Pouvez-vous nous dire quelques mots sur l’exposition permanente ?
La Cité proposera beaucoup d’activités qui ont vocation à être éphémères, comme des résidences, des expositions, des conférences, des concerts, des animations, des spectacles, ou des lectures, auxquelles j’attache beaucoup d’importance.
Il fallait cependant donner une colonne vertébrale à cet ensemble, pour garantir un espace toujours ouvert au public, et une exposition permanente qui joue aussi le rôle d’un manifeste. Le commissaire de ce parcours, Xavier North, parle d’ailleurs de « bande annonce ». Une expression qui montre bien comment cette exposition permettra de mettre en évidence la manière dont la langue française a été l’un des éléments constitutifs les plus déterminants de l’identité culturelle française, mais aussi son rayonnement, qui comporte des aspects très positifs, et d’autres plus problématiques, comme la colonisation. Il s’agira donc de proposer un parcours didactique à travers cette histoire riche et complexe, tout en replaçant la langue française au milieu des autres langues, avec lesquelles elle échange en permanence. L’exposition rendra sensible les mécanismes qui font qu’elle se régénère et s’enrichit, par exemple avec l’apport de la littérature francophone des Caraïbes ou de l’Afrique. Le dynamisme de la langue française dépasse largement l’Hexagone, et le parcours sensibilisera les visiteurs à ces réalités.
La Cité est un projet patrimonial accordant une large place à l’innovation. Comment cela se traduira-t-il dans les propositions faites au public ?
L’exposition permanente sera essentiellement numérique. Il y aura bien sûr des objets et des documents très précieux, significatifs, à voir à la Cité. Mais la langue reste une réalité assez abstraite, qui ne se résume pas à des objets. Le numérique, au moyen de cartes, d’animations, de films, d'infographies et de jeux, va nous permettre de mieux montrer comment une langue évolue, se diffuse, se modifie, etc. Ce parcours numérique sera d’ailleurs présenté en plusieurs langues, pour toucher un public non-francophone. Certains de ces dispositifs sont à la pointe de l’innovation technologique, et auront même recours à l’intelligence artificielle. Ce sera donc quelque chose de très innovant et de très surprenant pour le public. On pourra par exemple entendre comment on a parlé français au cours des siècles, à l’époque de Jeanne d’Arc, de François Ier ou de Louis XIV. Au-delà de l’exposition permanente, le numérique sera présent dans tous les aspects de la Cité : il est par exemple question de mettre en place un Incubateur, qui sera destiné à des projets innovants se consacrant à la francophonie ou aux usages didactiques de la langue.
Voulez-vous nous dire quelques mots plus personnels sur votre rapport à ce projet ?
Ce projet m’est particulièrement cher, car il a été confié tout spécialement au Centre des monuments nationaux, compte tenu de l’expertise que le Président de la République a bien voulu lui reconnaître en matière de conception et de mise en œuvre de projets culturels complexes et ambitieux. Toutes nos équipes travaillent sur le projet. Nous avons toutes et tous le sentiment de faire quelque chose d’utile, à la fois pour un territoire, pour la culture, et pour notre pays. Et nous ressentons la fierté d’avoir pu contribuer à sauver un monument important qui a été très injustement maltraité ces dernières années.
L'Institut français participera à relayer l'action de la Cité internationale de la langue française dans l'espace francophone.