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Pierre Morel

Notre objectif est de fédérer de nouveaux publics, de nouvelles générations, de dépasser les réseaux classiques pour faire émerger l’inattendu.

Lancé en 2017 par Emmanuel Macron et Vladimir Poutine, le Dialogue de Trianon a pour but de renforcer les liens entre les sociétés civiles russe et française en développant de nouvelles opportunités d’échanges. Si la programmation a bien évidemment été contrariée ces derniers mois par les conséquences de la crise sanitaire, des projets continuent néanmoins d’émerger, notamment en lien avec la thématique environnementale – axe central du dispositif en 2020 et 2021. Rencontre avec le président français et ancien ambassadeur de France, Pierre Morel.

Mis à jour le 09/05/2022

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Pierre Morel
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Pierre Morel ©Igor Lileev

Quelle est l’ambition du Dialogue de Trianon ? Alors que la France et la Russie entretiennent de longue date une forte relation, en particulier dans le domaine culturel, à quels enjeux correspond la mise en place d’un tel dispositif ?

Fin mai 2017, le Château de Versailles accueillait au sein du Grand Trianon une exposition consacrée à Pierre le Grand – le tsar Pierre Ier – et au tricentenaire de sa venue à Versailles. A cette occasion, Emmanuel Macron, tout juste élu Président, recevait Vladimir Poutine : les deux hommes inauguraient ensemble l’évènement, en marge de leurs entretiens politiques. C’était un acte symbolique dans la mesure où, malgré les dissensions entre les deux pays — nombreuses et sensibles à ce jour — les deux Présidents démontraient qu’il était possible d’instaurer un dialogue et d’échanger en profondeur. C’est en ce sens, et plutôt à cette occasion, qu’a été créé le Dialogue de Trianon : une plateforme d’échange pour les sociétés civiles russe et française qui vise à favoriser le développement de coopérations dans des domaines aussi variés que la culture, les sciences, l’éducation, l’entrepreneuriat, les arts, la recherche, etc. Il ne s’agit pas de remplacer les institutions qui œuvrent dans ces domaines, mais d’intervenir et d’agir en complément. Notre objectif est de fédérer de nouveaux publics, de nouvelles générations, de dépasser les réseaux classiques pour faire émerger l’inattendu. Cet élargissement des approches est nécessaire pour parvenir à toucher et rapprocher de nouveaux publics dans les deux pays.

Comment est assuré le portage du Dialogue de Trianon ?

Le Conseil de coordination du Dialogue de Trianon est composé de personnalités représentatives des sociétés civiles des deux pays : la France peut compter notamment sur des personnalités telles que Claudie Haigneré, ancienne spationaute et ministre de la Recherche, Catherine Brechigniac, physicienne et ancienne présidente du CNRS et secrétaire perpétuelle de l'Académie des Sciences, Laurent Hilaire, danseur étoile et directeur artistique du Théâtre Stanislavski à Moscou, mais aussi Patrick Pouyanné, président de Total et Frédéric Mazella, fondateur de Blablacar, entre autres noms. Du côté russe, c’est Anatoly Torkounov, Recteur de l’Institut d’Etat des relations internationales de Moscou – le MGIMO - qui assure la co-présidence du Dialogue de Trianon. L’ensemble des membres représente une grande variété de publics et autant de sensibilités différentes. Nous nous réunissons chaque année, en France ou en Russie, autour de thèmes choisis au préalable et nous mettons en place des espaces d’échanges, de partage d’expériences, de construction de projets, de débats et autres événements susceptibles de faire interagir les acteurs des deux pays. Le premier thème identifié, en 2018, s’articulait autour de la ville du futur. En 2019, nous nous sommes intéressés à l’éducation du futur. Le climat et l’environnement ont été retenus comme thèmes conducteurs du Dialogue de Trianon pour l’année 2020 et au-delà.

Le climat et l’environnement ont été retenus comme thèmes conducteurs du Dialogue de Trianon pour l’année 2020 et au-delà.

Dans un contexte diplomatique délicat, auquel s’ajoutent maintenant les incertitudes liées à la crise du Covid-19, est-il facile de convaincre des acteurs de terrain et des opérateurs de plus grande envergure de prendre part à de nouveaux projets entre les deux pays ? 

La pandémie a ralenti le processus d’échange. Pour autant, notamment du côté français, nous nous efforçons de maintenir les discussions sur de futures actions, de valider des projets et de les relayer sur les réseaux. En mars dernier, juste avant le confinement, nous avons pu organiser une première rencontre entre experts franco-russes de l’environnement et de la biodiversité. En raison de la situation, elle s’est tenue en ligne et je dois dire que les échanges ont été très engageants. Cela s’est poursuivi, d’une certaine manière, avec le lancement d’un appel à projets ouvert aux acteurs de terrain des deux pays engagés sur les questions environnementales. En dépit du contexte sanitaire et des incertitudes sur le redémarrage de l’activité, nous avons reçu plus de vingt dossiers de représentants de la société civile. Dix ont été retenus et vont faire l’objet dans les semaines et les mois à venir d’un accompagnement, en lien avec l’ambassade de France à Moscou. Nous aurons l’occasion de communiquer sur certains projets. Et j’espère aussi que nous pourrons lancer un deuxième appel à projets dans les temps à venir.

Vous évoquez le défi climatique et environnemental. Y a-t-il d’autres projets et d’autres réalisations à mentionner ? 

Il a été convenu avec la partie russe que la thématique « climat et environnement » serait étendue à 2021 et ferait une large place aux problématiques connexes de santé. Le Congrès mondial de la nature de l'UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) devait se tenir en juin dernier à Marseille. C’est un rendez-vous majeur pour la sauvegarde de la biodiversité qui rassemble à chaque édition – suivant le principe de villes d’accueil tournantes – plusieurs dizaines de milliers de personnes. Décalé une première fois au début d’année prochaine, le Congrès a finalement été repoussé à une date ultérieure. Nous suivons cela attentivement car il est prévu que le Dialogue de Trianon y soit présent par le biais de diverses rencontres franco-russes. Voilà une manière captivante d’insérer la coopération franco-russe dans un cadre prescripteur.

Autre événement, la troisième édition de Trianon Startups programmée à Versailles au printemps 2021. Ce rendez-vous a pour objectif de favoriser les collaborations entre « jeunes pousses » et grands groupes des deux pays. La première édition s’est tenue en 2019 au Château de Versailles : 15 grands groupes français y avaient rencontré une trentaine de startups russes. La seconde édition s’est tenue en début d'année au Musée Pouchkine de Moscou avec la participation de 25 grands groupes russes et de plus de 30 jeunes pousses françaises.

Nous soutenons, dans un autre registre, le festival « La clé des portes », mis en place par le duo de pianistes franco-russe Arthur Ancelle et Ludmila Berlinskaïa. Nous allons également soutenir la mise en scène à Massy de l’opéra « Le Premier Cercle » composé par Gilbert Ami et inspiré du livre homonyme de Soljenitsyne. Les représentations devraient avoir lieu les 22 et 23 novembre prochains. Enfin, en 2021, entre autres actions à l’étude, les Musicales franco-russes de Toulouse seront de retour, je l’espère, après l’annulation de la programmation 2020, avec la participation de la troupe du Bolchoï. 

L'Institut français et le Dialogue de Trianon

Souhaité par les présidents Macron et Poutine, le Dialogue de Trianon soutient depuis deux ans des initiatives permettant de rapprocher les sociétés civiles russe et française. Dans ce cadre, l’Institut français met plus spécifiquement l’accent en 2020 et 2021 sur des échanges d’expertise et des rencontres publiques en lien avec la thématique retenue pour cette année : « climat et environnement ».

L'institut français, LAB