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Thomas Mailaender & Erik Kessels

Nous vivons dans une société qui est presque la Renaissance de l’image. Nous sommes bombardés d’images et cela a un effet sur nous : l’espèce humaine se compose désormais d’éditorialistes.

Thomas Mailaender est un artiste multimédia français et Erik Kessels est un artiste néerlandais, designer et partenaire créatif de l’agence de communication KesselsKramer. Tous deux sont de fervents collectionneurs de photographies et des observateurs avertis des modèles sociologiques, y compris ceux jugés absurdes. Ils ont créé le projet « Play Public » pour le Scotiabank CONTACT Photography Festival 2021, à Toronto.

Mis à jour le 24/06/2021

2 min

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Thomas Maïlaender & Erik Kessels
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Thomas Maïlaender & Erik Kessels © DR

Vous êtes tous les deux connus pour vous réapproprier et recontextualiser les photographies. Connaissiez-vous le travail de l’autre avant ce projet ?

Erik : Au départ, notre rencontre a été surtout professionnelle. Caroline Nimon, rédactrice en chef d’un magazine, nous a présentés il y a environ 10 ans.

Thomas : Cela fait 5 ans maintenant que nous travaillons ensemble sur des projets commerciaux. Erik réalisait des projets pour des marques et je collaborais avec lui. Nous avons travaillé pour la chaîne hôtelière américaine Standard Hotels, et ce fut une belle aventure de travailler sur un projet commercial un peu artistique comme celui-là. Petit à petit, nous avons commencé à collaborer, et je crois qu’aujourd’hui, nous partageons vraiment les mêmes centres d’intérêt et la volonté de mener des projets communs. Quand j’ai rencontré Erik, il était un plus grand collectionneur que moi. Il créait des livres excellents, mais il n’avait pas encore développé une pratique lui permettant de montrer sa collection d’une manière différente. Plus tard, il a développé cette activité, et aujourd’hui, il est exposé partout dans le monde.

 

Où trouvez-vous l’inspiration pour votre travail ?

Erik : Nous vivons dans une société qui est presque la Renaissance de l’image. Nous sommes bombardés d’images et cela a un effet sur nous : l’espèce humaine se compose désormais d’éditorialistes. Nous devons vraiment décider ce qu’il faut garder et ce qu’il faut jeter. D’une certaine façon, nous cherchons aussi aux marges de cette grande autoroute des images. Il y a bien sûr des clichés, mais nous allons toujours chercher dans les ruelles sales, dans le caniveau, car il s’y passe toujours quelque chose. En outre, Internet est devenu une énorme source de personnes qui se copient entre elles. Pour nous, c’est intéressant, parce que nous en examinons parfois le côté ridicule.

Thomas : D’un autre côté, je pense que nous sommes très nostalgiques. Nous allons parfois farfouiller ensemble dans les marchés aux puces en quête de trouvailles. Erik possède une importante collection d’environ 60 000 albums photo. Je recherche aussi ce type d’artefact, le genre de chose qui disparaîtra totalement à l’avenir, comme les négatifs. Je pense qu’il est important de souligner que nous ne sommes pas nostalgiques dans la façon dont nous les exposons. Lorsque nous créons une exposition de ces photographies, c’est un acte de réappropriation. Nous les retirons de leur contexte d’origine et les replaçons dans un nouveau contexte, en les agrandissant ou en les situant dans un environnement étrange, ou encore en les retravaillant.

Nous préparions une exposition qui se voulait interactive – les gens sont censés interagir avec les photographies – et nous le faisions par le biais de Zoom sans pouvoir faire nous-même l’expérience de l’exposition.

Votre projet pour le CONTACT Photography Festival porte sur les normes sociétales et culturelles et sur la manière dont elles peuvent être subverties par le jeu. Vous avez utilisé comme source d’inspiration les archives photographiques de l’Exposition nationale canadienne de Toronto. Pouvez-vous expliquer le sens de l’exposition et comment elle a influencé le design de l’installation ?

Thomas : C’est un endroit immense en plein centre de Toronto et je pense que chaque touriste ou habitant de la ville apprécie d’y aller avec sa famille et d’y passer du temps. Pour eux, c’est comme une madeleine de Proust, ça convoque des sentiments nostalgiques. L’idée est venue de Bonnie Rubenstein, directrice artistique du Scotiabank CONTACT Photography Festival. Elle connaît notre travail et l’intérêt que nous avons pour les archives. Elle est donc venue nous voir pour nous soumettre cette belle commande, et nous a dit : « Alors les gars, nous avons accès à des archives fantastiques. Est-ce que vous seriez intéressés de venir fouiller dedans et trouver une idée d’exposition ? »

Erik : Cela a commencé avec le fait que nous avions accès à ces archives. C’est une ancienne archive de 1876 ou dans les environs. Nous avons tous les deux examiné les archives et extrait ce que nous trouvions intéressant. C’était également l’occasion de faire quelque chose à l’extérieur, dans la même zone où ce salon avait lieu auparavant. Les images incluent des photographies de personnes sur des montagnes russes, de concours du meilleur chat, d’étranges exercices de moto – il y a une femme figée dans la glace, c’est un peu comme un freak show. Pour sortir cela à l’extérieur, l’idée était de faire un parcours avec des obstacles et des barres auxquelles s’accrocher, se balancer et sauter par-dessus. Cela nous a servi de base pour montrer les images ; et parfois celles-ci interagissent un peu : la femme figée dans la glace est allongée sur le sol et les images des montagnes russes sont placées très haut dans les airs. Nous avons joué un peu avec ces éléments. L’idée est que l’exposition puisse être un exercice pour le corps et pour les yeux.

 

La pandémie vous a empêché de vous rendre à Toronto, vous avez donc dû créer le projet ensemble à distance. Comment y êtes-vous parvenu ?

Erik : Lorsque l’on travaille à distance, il faut tout construire. Tout doit être préfabriqué et mesuré.

Thomas : Avec Zoom, la chose la plus ennuyeuse qui ait été inventée pendant la crise du COVID. Nous préparions une exposition qui se voulait interactive – les gens sont censés interagir avec les photographies – et nous le faisions par le biais de Zoom sans pouvoir faire nous-même l’expérience de l’exposition. Pour nous, c’était horrible. Ce n’est vraiment pas une bonne méthode de travail, mais nous n’avions pas le choix.

Les gens vont sauter sur les choses, faire de l’exercice, faire du skate. L’exposition invite le public à jouer avec.

Votre conscience de l’impact de la pandémie sur le comportement et les attitudes du public a-t-elle influencé la conception de l’installation ?

Thomas : À un moment donné, ils voulaient que nous évitions d’installer des barres parce que les gens peuvent les toucher et propager le virus, mais nous avons dit : « OK, dites simplement aux gens de ne pas toucher les barres si vous le souhaitez. » Cela n’a pas vraiment changé le design.

 

Quelle réaction espérez-vous de la part du public ?

Erik : Les gens vont sauter sur les choses, faire de l’exercice, ils y feront du skate. L’exposition invite le public à jouer avec. En la tenant à cet endroit, c’était presque comme s’il y avait des restes ou des ruines de la foire qui s’y déroulait autrefois. C’est une autre strate de cette exposition.

Thomas : L’endroit est situé juste à côté d’une école maternelle, et les enfants y viennent souvent. Nous espérons que les gens utiliseront l’exposition pour se reposer ou se rassembler pour y déjeuner. Ce devrait être un lieu où les gens interagissent et utilisent l’espace – car généralement, dans une exposition, toutes ces choses sont interdites : vous ne pouvez ni manger ni jouer. Tandis que dans cette exposition, nous espérons qu’elle accueillera davantage ce genre de choses.

 

Avez-vous trouvé des avantages à travailler de cette manière ou préférez-vous toujours collaborer en personne et sur place à l’avenir ?

Erik : On a l’habitude de travailler à distance parfois, car Thomas est à Marseille et moi à Amsterdam, mais c’est pour les choses plus fonctionnelles. Il n’est pas possible de travailler sur les éléments tactiles à distance ; dans ce cas, il s’agissait de voir les archives et de se faire une idée de l’endroit. Peut-être que nous aurions aimé inclure du son dans cette installation, ou quelque chose du genre. De loin, tout cela est très difficile à organiser.

Thomas : L’exposition aurait été plus réussie sans le COVID, c’est certain. Ce sera une belle exposition, mais si nous avions pu aller physiquement voir les archives, cela aurait été une exposition fantastique.

 

L'Institut français et le projet

Thomas Mailaender & Erik Kessels présentent "Play Pubic" au Scotiabank CONTACT Photography Festival à Toronto du 17 juin au 26 septembre 2021.

Le projet est soutenu par l’Institut français dans le cadre du programme Relance Export 2021. Relance Export accompagne à l’international les acteurs français des secteurs créatifs et culturels, dont les projets ont été impactés par la crise sanitaire et qui projettent ou ont l’opportunité, de poursuivre ou développer ce volet d’activités soit à l’identique, soit de manière nouvelle ou transformée.

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L'institut français, LAB