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Rencontre

Ugo Arsac, résident 2023 de la Villa Albertine

J’essaye de montrer les choses sans forcément imposer mon point de vue sur un sujet, mais en me plaçant de sorte à ce que le public puisse se forger son propre avis.

À travers son installation interactive Energēia, actuellement exposée à La Biennale des Imaginaires Numériques – Chroniques, lartiste Ugo Arsac nous fait découvrir des centrales de production électrique sous un jour entièrement nouveau.

A partir du mois d’avril, il sera en résidence à la Villa Albertine, à New York, pour développer une nouvelle création.

Mis à jour le 10/03/2023

5 min

Image
Portrait Ugo Arsac
Crédits
©Félix Colardelle

Pourriez-vous nous parler de votre parcours ?

Jai étudié aux Beaux-Arts et aux Art Décoratifs de Paris, puis au Fresnoy. Au début de mon parcours dartiste, jai expérimenté des médiums très différents avant de me spécialiser dans la réalisation de film documentaire. Par la suite, pendant ma deuxième année au Fresnoy, je me suis orienté vers de nouvelles formes, plus numériques, dans lesquelles jai pu transposer ma démarche de documentariste. A travers mes créations, jessaye de montrer les choses sans forcément imposer mon point de vue sur un sujet, mais en me plaçant de sorte à ce que le public puisse se forger son propre avis. Jai récemment eu la chance de travailler avec La Plateforme de production Chroniques Création pour aboutir à la création de Energēia, actuellement présentée à La Biennale des Imaginaires Numériques à Marseille.

 

Votre travail associe urbanisme, mythologie et anthropologie. Vous vous concentrez particulièrement sur le monde souterrain. Comment en êtes-vous venu à travailler sur cette thématique ?

Une partie de mon travail se concentre en effet sur ce thème. Après avoir vécu dix ans à Paris, jai rencontré une personne qui avait comme pratique de descendre à la corde dans toutes sortes de trous ou de cavités. Il mavait expliqué à l’époque avoir besoin de trouver un espace « rien que pour lui ». Ce sujet un peu impalpable, métaphysique, me semblait un bon point de départ pour réaliser un documentaire. Je lai donc suivi pendant un an et demi : il ma initié au monde souterrain. Finalement, cest devenu un film sur notre relation, comme une sorte de « Dante et Virgile ». Ces séjours dans les bas-fonds mont tellement impacté que jai voulu continuer et rencontrer les différentes communautés qui fréquentent ces lieux pour des pratiques très diverses : les teufeurs, les graffeurs, les hackers, les cataphiles (même si cette dernière appellation est un abus de langage puisquil sagit en réalité majoritairement de carrières). Tout en restant extérieur à ces communautés, elles mont progressivement ouvert beaucoup de lieux. Pendant cette période, jai donc pu faire une collecte architecturale de nombreuses cavités souterraines à Paris : hautes tensions électriques, galeries d'aération, de télécommunication, égouts, métro, etc.    

Quand je me lance dans un projet, je ne pense pas qu’au résultat final, j’essaie aussi de me mettre dans des conditions qui ne sont pas celles de la vie quotidienne, de vivre une expérience.

Vous insistez dans votre travail sur le parallèle entre les entrailles de la terre et celles du corps humain. Quest-ce qui vous intéresse dans cette métaphore ?  

Victor Hugo parle des égouts de Paris comme des Intestins du Léviathan. Cest une métaphore que jai développée au cours dateliers pour enfants, dans des dessins ou des sérigraphies où je me plaisais à faire le parallèle entre corps humain et corps urbain. Quand je me lance dans un projet, je ne pense pas quau résultat final, jessaie aussi de me mettre dans des conditions qui ne sont pas celles de la vie quotidienne, de vivre une expérience. Pendant mes longues périodes sous terre, jai eu le sentiment d’être petit à petit digéré par ce milieu. Certains spectateurs de mes œuvres me parlent aussi de voyage utérin. Si on pense par exemple aux égouts, cest là que se trouvent tous les déchets de la ville, en particulier ceux qui sont produits par le corps des habitants eux-mêmes. Jai donc bien sûr rapproché ce réseau de lappareil digestif, alors que les lignes à haute tension sont comme des connexions synaptiques, et que les tunnels RATP, qui produisent des allers retours entre le centre et les périphéries, m’évoquent le système sanguin.

 

Dans quelques mois, vous serez en résidence à New York dans le cadre de la Villa Albertine. Vous espérez pouvoir rencontrer différents arpenteurs des cavités souterraines et infrastructures de la ville. Pouvez-vous nous en dire davantage sur ce projet ?

Le projet est daller à la rencontre des Mole People, « le peuple des taupes » (aussi appelés Tunnel People), qui vivent sous la ville, dans ses souterrains. Ces personnes ont réussi à se construire des petits logements précaires, parfois très profondément sous terre. Pour ce projet, je minspire beaucoup du documentaire Dark Days (2000) de Marc Singer, dans lequel il va à la rencontre dune communauté qui vit dans un tunnel à New York. Ma résidence s’étalera sur deux périodes distinctes, pour pouvoir plus facilement établir le contact avec des personnes sur place.   

 

Comment travaillez-vous dans ce milieu ? Quelles sont les contraintes, en dehors de la prise de vue ?

J’utilise les technologies de scans Lidar, qui permettent de capturer des images en trois dimensions précises et complètes du monde réel. Cette méthode a sa propre temporalité, plus rapide que celle de la photogrammétrie certes, mais il faut néanmoins avoir de la patience.

Il m’a fallu un long temps d’adaptation avant que je me sente à l’aise en souterrains et que je puisse aisément m’orienter. Il y a aussi, effectivement, un certain nombre de risques à fréquenter ces lieux : à chaque descente je suis dans un état de concentration extrême.

 

Récemment, l'interactivité semble tenir une place de plus en plus importante dans votre pratique. Comment abordez-vous cet élément ?

Le montage de mes films a toujours été une tâche difficile pour moi. Dans mes nouvelles créations, il y a quelque chose d’assez libérateur, car l’interactivité me permet de laisser ces choix directement au public et ainsi chaque personne peut vivre une expérience singulière. In Urbe (une de mes créations majeures sur le monde souterrain) et Energēia sont deux installations infinies, sans limitation de temps. L’expérience peut donc durer de 2 à 45 minutes, voire plus. Travailler à la production d’œuvres utilisant des technologies de pointe me permet également de fréquenter beaucoup de corps de métier, ce qui me plaît énormément : au niveau du développement interactif, de la création sonore, du mapping, etc. Au sein de mon équipe, certaines personnes apportent énormément et font partie intégrante de la dimension artistique du projet, comme Antoine Boucherikha pour la composition sonore, par exemple.

ENERGEIA - Ugo Arsac - Biennale des Imaginaires Numériques #3
ENERGEIA - Ugo Arsac - Biennale des Imaginaires Numériques #3
L'Institut français et l'artiste

Ugo Arsac entretient des liens étroits avec lInstitut français. Référencé sur IFdigital, le site de la création numérique française, il a également participé à Novembre Numérique en Ukraine en 2021, au Focus expériences immersives (XR) en juin 2022 et sera bientôt résident de la Villa Albertine.

En savoir + sur Ugo Arsac référencé sur IFdigital

En savoir + sur Novembre Numérique en Ukraine 

En savoir + sur le Focus expériences immersives (XR) en juin 2022

L'institut français, LAB