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Rencontre

Victorine Grataloup, co-commisaire du festival ¡Viva Villa!

La résidence est une forme d’accompagnement qui soulève des questions très particulières, puisque l’on est au contact avec des projets, mais aussi avec des problèmes très concrets, liés à la vie quotidienne.

Récemment nommée à la direction du centre d’art Triangle-Astérides, au sein de la Friche de la Belle de Mai à Marseille, Victorine Grataloup est également co-commissaire du festival ¡Viva Villa! (12 novembre 2022 – 12 février 2023), qui rassemble les lauréats de plusieurs lieux de résidences emblématiques à l’étranger :  l'Académie de France à Madrid - Casa de Velázquez, l'Académie de France à Rome - Villa Médicis et la Villa Kujoyama qui célébrait ses 30 ans en novembre dernier. 

Mis à jour le 08/02/2023

5 min

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Victorine Grataloup
Crédits
© Simone Thiébaut

Pourriez-vous revenir rapidement avec nous sur votre parcours ?

Après avoir étudié les sciences sociales à l’EHESS puis en master curatorial à Paris I Panthéon-Sorbonne, j’ai travaillé dans un certain nombre de centres d’art. Notamment au Palais de Tokyo, à KADIST, à Bétonsalon – centre d’art et de recherche et au CNEAI. Ce parcours m'a amenée aujourd’hui à Triangle-Astéride, après deux ans de travail curatorial en indépendante ce qui m’a donné l’occasion de collaborer avec les Villas Médicis et Kujoyama et la Casa de Velázquez ; en parallèle de quoi je travaillais dans le champ social, ce qui a nourri ma réflexion sur la responsabilité sociale des centres d’art. 

 

Dans une interview récente, vous expliquez que la notion « d’hospitalité » est pour vous centrale dans le travail que les institutions artistiques doivent réaliser en direction des artistes et du public. Pourriez-vous nous en parler ?

Je me méfie beaucoup des grandes déclarations de principe. Bien sûr, j’aime beaucoup l’origine du mot « curateur », avec ce qu’elle convoque en termes d’idée de « care », de soin. Mais je trouve compliqué de l’appliquer dans une institution, qui est un lieu où se déploient des relations de pouvoir dans le travail. La notion d’hospitalité ne va pas de soi, bien que ce soit un vrai enjeu pour les missions des centres d’art : ces derniers doivent être des lieux où l’on se sent invité·e à ouvrir la porte. C’est un véritable chantier, car nous ne sommes pas aujourd’hui à la hauteur de l’hospitalité qui devrait être la nôtre. Nous inspirer de structures en dehors du champ de l’art, qui sont beaucoup moins intimidantes, nous permettra d’explorer de nouvelles pistes. 

 

Vous venez d’être nommée à la direction de Triangle-Astérides, au sein de la Friche de la Belle de Mai à Marseille. Qu’est-ce que cela représente pour vous ? Quels seront les grands axes de votre travail à la tête de ce centre d’art ?  

La Friche est une coopérative qui rassemble soixante-dix structures. L’équipe de Triangle-Astérides, qui compte quatre personnes, travaille au sein de cet ensemble complexe. Nous allons mettre en place un programme expérimental de résidences à destination de personnes issues de la société civile, hors du champ de l’art. Nous avons identifié un certain nombre de questions qui nous importent, autour de la santé et de l’alimentation notamment, afin de mettre en place un programme d’actions avec ces résident·es de la société civile, basé sur la réciprocité. Ces personnes interviendront régulièrement à Triangle-Astérides, et de la même manière notre équipe et les artistes en résidence se rendront au sein de leurs lieux, pour apprendre de leur fonctionnement, leurs méthodes. Si l’on veut réfléchir ensemble aux contours de la production artistique et culturelle, il faut impérativement déplacer un certain nombre de frontières, notamment sociales.

Il est important pour nous que Triangle-Astérides soit un lieu ouvert au corps social dans son ensemble. Avec comme perspective de créer des relations interpersonnelles, au-delà des programmes d’éducation artistique et culturelle.

Vous êtes cette année co-commissaire du festival ¡Viva Villa!, biennale des résidences d’artistes. Pourriez-vous nous expliciter les spécificités de cet événement ? 

Ce festival est organisé par la Villa Médicis à Rome, la Casa Velazquez à Madrid et la Villa Kujoyama à Kyoto pour rendre compte de ce qu’il se passe dans ces lieux de résidence. J’y collabore pour cette édition en tant que curatrice résidente. Il s’agit d’un projet assez particulier, avec près de soixante-dix personnes qui vont montrer leur travail, des plasticien·nes mais aussi des chercheur·euses, des artisan·es d’art, des écrivain·es. Il m’appartenait de trouver un mode d’exposition qui permette de rendre compte de tous ces modes de création très différents. Ma proposition s’est articulée autour d’un ouvrage de la philosophe écoféministe Emilie Hache, Ce à quoi nous tenons. Ce titre est intéressant parce qu’il permet de donner une idée de la multiplicité des propositions qui se déploient autour de ¡Viva Villa!. Est-ce que ces résident·es forment un « nous » ? C’est une question qui est au cœur de ces programmes de résidence. La question de l’écologie politique est par ailleurs une trame très présente au sein des pratiques de ces artistes, artisan·es et chercheur·euses. 

 

Avez-vous d’autres actualités ou d’autres projets dont vous souhaiteriez nous faire part ? 

Le 10 février 2023 s’ouvrira à Triangle Astéride une exposition monographique de l’artiste Bassem Saad, dont on présentera les films et un ensemble de sculptures. Son travail interroge la question de la place des corps en lutte dans l’espace public, son point de départ étant le soulèvement de 2019 au Liban, qu’il interroge en termes d’affects militants. 

L'Institut français

Le festival ¡ Viva Villa ! a été créé en 2016 à l’initiative de l’Académie de France à Madrid – Casa de Velázquez à Madrid, la Villa Kujoyama à Kyoto et l’Académie de France à Rome – Villa Médicis. 

La Villa Kujoyama est un établissement artistique du réseau de coopération culturelle du Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères. Relevant de l’Institut français du Japon, elle agit en coordination avec l’Institut français et bénéficie du soutien de la Fondation Bettencourt Schueller, qui en est le mécène principal. 

En savoir + sur les résidences à la Villa Kujoyama 

L'institut français, LAB