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Rencontre
Débat d'idées

Vincent Edin, Élodie Vialle et Louise Tourret

L’urgence d’une éducation publique, accessible et de qualité

Depuis 2013, le programme LabCitoyen invite chaque année en France une soixantaine de jeunes citoyens venus des cinq continents, engagés dans des projets liés aux droits de l’Homme. Rencontre avec les trois « mentors » de LabCitoyen 2018, sur le thème « Éducation et droits de l’homme ».

Mis à jour le 20/02/2019

5 min

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Élodie Viale, Vincent Edin et Louise Tourret, mentors de Labcitoyen 2018
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Élodie Viale, Vincent Edin et Louise Tourret, mentors de Labcitoyen 2018
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© Vinciane Lebrun

Quelles actions mener pour une éducation inclusive, équitable et de qualité pour tous ? 60 jeunes, venus de 45 pays, sont invités en France dans le cadre du programme LabCitoyen, pour réfléchir à cette question du droit à l’éducation, proclamé par la Déclaration universelle des droits de l’Homme, il y a 70 ans, en 1948.

Les jeunes porteurs de projets participent, du 1er au 9 juillet, à un programme riche de débats, conférences et rencontres et sont accompagnés de trois mentors : Louise Tourret, productrice et animatrice de l'émission « « Rue des écoles » (France Culture) et journaliste pour Slate.fr ; Élodie Vialle, responsable du Bureau Journalisme & Technologie de Reporters sans frontières ; Vincent Edin, professeur de rhétorique politique à l'European Communication School et journaliste notamment pour Usbek & Rica.

Ces trois mentors nous font part de leurs préoccupations concernant l’éducation et les droits de l’Homme, et des chantiers éducatifs qui leur semblent les plus urgents.

Comment envisagez-vous votre rôle de mentors pour cette 6e édition de LabCitoyen ? Quelle forme prend votre accompagnement auprès des jeunes intervenants et de leurs projets ?

Vincent Edin : Le LabCitoyen alterne des réunions plénières avec l’ensemble des participants et des ateliers où les jeunes sont répartis en trois groupes : nous en accompagnons chacun un. Notre rôle consiste à animer les débats de manière classique, et aussi à échanger de manière plus informelle avec les jeunes, qui se posent, pour certains, beaucoup de questions, sur la vie en général et sur leur engagement dans les années à venir – car ils sont tous à l’orée de leur vie professionnelle. Ces personnalités très engagées donnent foi en l’humanité. Un peu plus en tout cas que la lecture des journaux !

Élodie Vialle : L’intérêt des ateliers du LabCitoyen, c’est qu’ils sont « collaboratifs ». Il s’agit surtout pour nous, mentors, d’effectuer un travail de maïeutique, de faire en sorte que ces jeunes puissent parler entre eux et de faire émerger des solutions en rapport avec les problématiques soulevées.

Le système éducatif doit s’appuyer sur des valeurs d’égalité et d’émancipation.

Cette édition porte sur le thème « Éducation et droits de l’Homme » : quels sont selon vous les grands chantiers éducatifs qui permettront un plus grand respect des droits de l’Homme à l’avenir ?

Louise Tourret : Parmi les priorités, on peut évoquer l’accès des filles à l’éducation, aujourd’hui très inégal à travers le monde, et le besoin d’infrastructures scolaires : compte tenu de la croissance démographique, notamment en Afrique de l’Ouest, ce sont des millions d’enfants qu’il va s’agir de scolariser dans les années à venir. La question de l’accès des réfugiés à l’éducation est aussi cruciale : on voit que de plus en plus d’individus sont amenés à devenir des réfugiés et à vivre dans des camps, et cette situation peut se pérenniser. Comment leur donner accès à l’éducation ? Et comment leur offrir une continuité éducative tout au long de leur parcours migratoire ? Les enfants de réfugiés ou de Roms n’ont pas toujours accès à l’éducation, même en France, où l’école est publique, gratuite et obligatoire. Ailleurs, comme en Afrique, l’éducation fait parfois l’objet d’un véritable commerce : beaucoup d’écoles font payer très cher une éducation de très mauvaise qualité. Il y a urgence à avoir une éducation publique, accessible et de qualité.

Élodie Vialle : J’ajouterais les défis éducatifs liés à la désinformation. La manipulation de l'information, amplifiée sur internet, constitue aujourd'hui une menace pour les processus démocratiques. L’information et sa manipulation sont devenues un outil politique. C’est un défi d’apprendre à chacun à lire entre les lignes dans nos sociétés numériques, où les réseaux sociaux sont devenus une nouvelle caisse de résonance de l’information. Il est essentiel de réfléchir de manière concertée à la mise en œuvre de différentes solutions.

C’est un défi d’apprendre à chacun à lire entre les lignes dans nos sociétés numériques, où les réseaux sociaux sont devenus une nouvelle caisse de résonance de l’information.

Il y a donc des actions à mener autant en termes d’infrastructures que de programmes. Que disent ces nouveaux besoins éducatifs de notre société ?

Vincent Edin : Si nous avons un temps cru que la diffusion de l’information et des connaissances suffirait à rendre l’humanité plus intelligente, nous nous apercevons aujourd’hui que ce n’est pas le cas. Il importe donc de s’interroger sur l’esprit critique et la manière dont on l’apprend aux enfants. Nous mesurons l’envergure du problème quand nous voyons que les théories de Darwin sur l’évolution sont de plus en plus remises en cause aux États-Unis…

Louise Tourret : Le système éducatif doit aussi s’appuyer sur des valeurs d’égalité et d’émancipation. Ce qui fait défaut par exemple dans les écoles religieuses. L’éducation doit s’accompagner d’un projet démocratique.

 

Quelle est l’importance de la francophonie, en termes de débats et d’actions, dans le cadre de ce programme ?

Élodie Vialle : L’excellent niveau de français des jeunes invités du LabCitoyen est un premier indice de la puissance du réseau francophone. C’est assez impressionnant !

Louise Tourret : Je suis convaincue que la francophonie, le français, la culture peuvent contribuer à diffuser et servir des idées, notamment autour de l’éducation et des droits de l’Homme.

Que peut apporter LabCitoyen à ces jeunes et à leurs projets ?

Vincent Edin : La grande force du programme LabCitoyen est de pouvoir aborder des problématiques que nous avons l’habitude de traiter au quotidien avec des Français, mais ici avec des jeunes venus de 45 pays et donc de contextes extrêmement différents. On trouve que les progrès en matière d’égalité entre filles et garçons au sein de l’école française sont trop lents ? Au sein du programme, certaines jeunes filles venues du monde arabe ont dû se battre ne serait-ce que pour avoir le droit d’aller à l’école ! Je trouve par ailleurs que le programme propose un bon équilibre entre les interlocuteurs institutionnels – comme l’Unesco ou l’OCDE –, et les acteurs de terrain, les ONG comme Article 1, qui s’engage en faveur de l’égalité des chances. Je dirais enfin que Labcitoyen est intéressant pour sa pérennité. Chaque année après ces rencontres, on constate que les participants nous suivent et se suivent sur les réseaux sociaux. Ils sont tous appelés à devenir des leaders dans leurs domaines, et c’est encourageant de voir qu’ils ont pris le réflexe de communiquer entre eux, d’échanger des bonnes pratiques, des conseils, des contacts, qui les aideront à faire aboutir leurs projets.

L'Institut français et le projet

Programme d’attractivité de l’Institut français, LabCitoyen accompagne de jeunes citoyens engagés du monde entier. Il s’attache à promouvoir la langue française comme outil de débat et d’action.

L'institut français, LAB