
La Nuit des idées 2019, ancrée dans le présent
Le 31 janvier se tient la quatrième édition de la Nuit des Idées. Des centaines d’experts se rencontrent, dans le monde entier, pour échanger sur le thème « Face au présent ».
Mis à jour le 04/03/2019
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Un moment de réflexion collective qui rassemble
En quatre éditions, l’événement s’est considérablement développé. D’une première expérience réunissant 4 000 personnes dans les salons du quai d’Orsay, en 2016, aux 200 000 participants recensés dans le monde en 2018, auxquelles s’ajoutaient les 41 millions de personnes qui ont alimenté le hashtag #lanuitdesidees, ces rencontres sont désormais bien ancrées dans le paysage culturel international.
Après s’être confrontée à « Un monde commun » en 2017, à travers des problématiques telles que l’avenir des océans, les enjeux du hacking ou de l’Europe, La Nuit des Idées interrogeait l’an dernier « L’imagination au pouvoir », en écho à l’héritage de Mai 68 au moment même où le monde célébrait les 50 ans du mouvement. L’occasion d’évoquer l’émergence de nouvelles formes de lutte portées par les lanceurs d’alerte ou la quête des utopies, avec des invités aussi prestigieux que l’écrivaine nigériane Chimamanda Ngozi Adichie, le mathématicien Cédric Villani ou le cinéaste Robert Guédiguian.
« Face au présent »
Le thème de cette année se veut très ouvert. Pour Sandrine Treiner, directrice de la radio publique France Culture qui couvrira l’événement, la formule « Face au présent » doit d’abord s’entendre comme « une forme d’impératif moral. » Elle y voit aussi, reprenant les mots du philosophe espagnol José Ortega y Gasset, une manière de « penser le présent » afin d’« essayer de comprendre ce qui se passe ». Il s’agit là du premier axe de compréhension du thème : penser l’actualité d’une époque soumise aux bouleversements technologiques, environnementaux, sociaux et géopolitiques.
Les différents acteurs mobilisés pour la Nuit des Idées dans le monde – philosophes, écrivains, chercheurs, intellectuels, étudiants, lanceurs d’alerte, artistes, personnalités politiques et le grand public – sont donc invités à interroger notre perception du temps à l’heure de la dictature de l’instant. Ils s’intéressent également aux différentes formes de l’engagement citoyen, afin de donner des pistes de réponse à une question devenue urgente : comment affronter les défis de notre époque ?
Cette interrogation entre en résonance avec les engagements de la Fondation de France, qui est partenaire de la manifestation. Premier réseau français de philanthropie, la fondation fête cette année un demi-siècle d’existence et, pour sa directrice Axelle Davezac, la philosophie de la Nuit des Idées rejoint leur approche : « miser sur la participation, faire confiance à la société civile pour imaginer et développer les initiatives ».

L’engagement au cœur du dispositif
Le programme de la Nuit des idées 2019 dévoile d’ores et déjà la carte des principaux enjeux contemporains. L’Europe, tout d’abord, avec les élèves de l’École Normale Supérieure (Paris) qui mettent en scène leur propre Parlement européen, tandis que le Ground Control accueille le European Lab Winter Forum, une série de conférences consacrée aux questions culturelles et organisée par le collectif Arty Farty. L’environnement est au cœur de la « Nuit de l’Eau » proposée à la Townhouse Rawabet du Caire, en Égypte. Enfin, la question de l’égalité femmes-hommes demeure une préoccupation majeure avec de nombreuses tables rondes sur ce thème en Côte d’Ivoire (« Femmes de pouvoir face aux préjugés de la société »), ou en République tchèque (« Être ou ne pas être féministe aujourd'hui »).
Les nouvelles formes de partage et de solidarité sont également à l’honneur, par exemple à Poitiers, où la Nuit des idées offre l’occasion de tirer le bilan d’une démarche de co-construction citoyenne engagée en 2018. D’autres villes mettent en pratique la notion d’engagement en impliquant activement le public, que ce soit pour une fabrique de podcasts à La Recyclerie, tiers-lieu d’expérimentation éco-responsable à Paris, ou pour l’enregistrement d’une émission de radio en live avec l’artiste Frank Smith aux Ateliers Médicis, lieu de recherche, de création et de partage culturels situé à Clichy-sous-Bois en Île-de-France.
Les questions de pouvoirs et de territoires font également l’objet de nombreuses conférences, portant sur la ville et son avenir (« Rêver sa ville, rêver sa maison » en Inde, « La ville inclusive » en Suède, « Art et architecture » à Hong-Kong), sur l’espoir d’un maintien des échanges (« Quel avenir pour le multilatéralisme ? » au Japon avec le responsable politique Pascal Lamy), voire sur la tentation des frontières et des murs (« Migrations, exils et populisme » en Turquie avec le sociologue Éric Fassin ou « Migrations et frontières » au Canada).
Conviés à lancer cette nuit de dialogues internationaux, l’anthropologue Philippe Descola et l’artiste américain Theaster Gates sont les invités d’honneur de cette 4e édition, pour une conversation au Quai d’Orsay autour du micro de la journaliste et écrivaine Marie Richeux. L’un, professeur au Collège de France, décrit les partages qui divisent notre compréhension de la nature ; l'autre, plasticien de renommée internationale, sonde les clivages qui traversent notre expérience de la ville. À travers leur rencontre, une question se fait jour : comment prendre appui sur les sciences humaines et les ressources de la création artistique pour faire ensemble face au présent ?

Un événement tout public
Cette année, la Nuit des idées cherche enfin à s’adresser au jeune public avec la Little Night of Ideas de Londres, ensemble d’ateliers et de débats visant à (re)penser le lien entre environnement urbain et rural, animés par l’illustratrice Camille Aubry, et accessibles aux enfants du monde entier via une retransmission vidéo en direct. Un dispositif qui rappelle et résume la vocation de l’événement : faire circuler les idées librement, entre les générations et entre les pays.

Rendez-vous annuel consacré à la libre circulation des idées et des savoirs, la Nuit des Idées est coordonnée par l’Institut français.