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Farm Fatale, de Philippe Quesne
À travers les réflexions de cinq clowns désœuvrés, à la fois épouvantails et philosophes, le dramaturge Philippe Quesne interroge notre rapport à la nature. Sa Farm Fatale (2019) est une fable écologique et lucide sur l'avenir de l'humanité.
La scène au cœur
Après des études d'arts plastiques à l'école Estienne, puis aux Arts décoratifs, Philippe Quesne entame une carrière de scénographe. Lorsqu'il fonde la compagnie Vivarium Studio en 2003, cette composante plastique tient une place centrale dans le projet. Composée d'artistes venant de tous les horizons, la troupe place la question du dispositif scénique au cœur de la dramaturgie de ses pièces. De La Mélancolie des Dragons (2008) à Crash Park (2013), les spectacles de Philippe Quesne constituent autant de lieux d'observation où s'ébattent de petites communautés. Avec des spectacles comme La Nuit des taupes (2016) il montre aussi une affection pour les univers souterrains aux ambiances rock, peuplés d'êtres polymorphes et burlesques. En 2014, il est nommé à la tête du Théâtre des Amandiers, qu'il décide de quitter fin 2020.
Conte de demain
Sur une scène blanche dépouillée qui évoque le lointain souvenir d'une ferme – bottes de foin, fourches, animaux –, cinq clowns enregistrent les derniers sons du monde, jouent de la musique et se livrent à d'étonnantes joutes verbales. Avec leurs masques et la paille qui sort de leurs vêtements, ils ressemblent davantage à des épouvantails qu'à des êtres vivants. Ils sont pourtant les derniers vestiges d'une humanité empoisonnée par l'agriculture intensive et le rythme destructeur du capitalisme. Leur parole poétique et drôle prend alors un tout autre sens. Et si cette nostalgique Farm fatale était, au fond, notre avenir ?
Une affaire de masques
L'origine de Farm Fatale est à chercher dans le précédent spectacle de Philippe Quesne, La Nuit des Taupes. À cette époque, le dramaturge envisage la possibilité de travailler sur le thème de l'agriculture. La ferme, un micro-monde autonome comme il les affectionne, s'impose très vite à lui. L'idée d'un personnage-épouvantail ne naît que plus tard, lors du travail spécifique sur les masques des comédiens entamé au Kammerspiele de Munich. Grimés sous des masses de tissu qui leur donnent des airs de zombie, les fermiers deviennent alors ces corps indécidables et émouvants qui constituent le cœur du spectacle.
De l'Allemagne au Brésil
Créée en 2019 en Allemagne, à l'issue d'une commande du Münchner Kammerspiele, Farm Fatale affiche un casting européen et multiculturel. À côté de deux fidèles du travail de Philippe Quesne – Léo Gobin et Gaëtan Vourc'h –, on retrouve trois comédiens venus du théâtre allemand, Stefan Merki, Damian Rebgetz et Julia Riedler. Joué pour la première fois à Munich, puis au théâtre des Amandiers, le spectacle voyage dès 2020 en Amérique du Sud, notamment au festival de Sao Paulo (Brésil) et au festival Santiago a Mil (Chili).
La Farm Fatale, de Philippe Quesne sera en représentation au Wiener Festwochen (Festival de Vienne) du 30 août au 2 septembre.