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L'Odeur de chlore, d’Irma Pelatan
Dans L'Odeur de chlore (2019), Irma Pelatan revient sur une enfance et une adolescence bercées par le bruit de l'eau et les contours d'une piscine conçue par Le Corbusier. De ces souvenirs, elle extrait un texte intime, voguant au plus près des sensations de sa narratrice.
Des bassins à l'écriture
Auteure et traductrice, Irma Pelatan cultive le mystère sur ses origines et son parcours en situant, dans sa propre biographie, sa naissance vers 1875 et son décès sous le soleil de Tunisie en 1957. Fille de pied-noir, l'écrivaine raconte seulement « avoir pris corps » dans un hôpital de Vienne en mars 2017. Depuis, elle poursuit la poétique de l'eau dans son travail en y réinjectant son expérience personnelle de nageuse.
De 4 à 18 ans, elle a passé l'essentiel de son temps libre dans la piscine de Firminy-Vert conçue par Le Corbusier. L'enchaînement des longueurs s'y est entremêlé à l'évolution de son corps, celui d'une enfant devenant peu à peu une femme.
En 2019, elle publie son premier texte, L'Odeur de chlore au sein d’une maison d'édition lilloise indépendante qui met en avant des textes singuliers et poétiques, La Contre-Allée.
Une plongée introspective
L'Odeur de chlore raconte, dans une écriture chaloupée, les quatorze années de natation vécues par la narratrice dans cette piscine modélisée selon la norme architecturale du Modulor, à Firminy-Vert, près de Saint-Étienne.
D'une petite centaine de pages, le récit, constitué de courts chapitres, établit un dialogue introspectif où ce « je » féminin se heurte à la standardisation du corps. Dans cet espace où les formes se concentrent autour d'un idéal de perfection masculine, Irma Pelatan analyse les sentiments contradictoires d'une sportive confrontée à la puberté et aux premiers signes de sa féminité.
Suivre le fil de l'eau
Pour son premier ouvrage très largement autobiographique, Irma Pelatan manie l'art d'un style épuré et gracieux qui vient épouser le questionnement intime de ses souvenirs. En remontant le fil du temps et de ses heures d'entraînement, elle narre les sensations et les réminiscences d'un corps en pleine mutation. Avec une gestion soutenue du rythme, l'évocation de la performance physique fait ressurgir les blessures béantes de l'âme et le sentiment persistant de voir sa propre enveloppe lui échapper.
L'auteure y trouve pudiquement le moyen de retranscrire l'agression dont elle a été victime, qui l’a plongée dans la dépression et l'obésité jusqu'à sa renaissance dans l'écriture.
La révélation d'un univers surréaliste
L'Odeur de chlore a été très largement salué dès sa publication. Cité dans de nombreuses sélections (Prix Grains de sel, Prix [du métro] Goncourt, Prix Emmanuel-Roblès), il a notamment obtenu le Prix Hors Concours 2019. Désigné par un panel de 400 lecteurs et professionnels du livre, ce prix met en lumière, chaque année, un texte francophone publié par un auteur et une maison d'édition indépendants.
Continuant sa quête d'expérimentation, Irma Pelatan s'est lancée, en septembre 2019, dans une performance artistique inédite lors du festival des Correspondances de Manosque. Flirtant avec la littérature surréaliste, elle a présenté une performance « multisensorielle », fondée sur la lecture de lettres envoyées à Clipperton, île déserte étrangement pourvue d'un code postal.
En 2019, Irma Pelatan a reçu le Prix Hors Concours pour son œuvre L’Odeur de chlore.
L'Institut français est partenaire de l'Académie Hors Concours. Les ouvrages primés sont diffusés sur Culturethèque. Les utilisateurs de Culturethèque sont invités à lire les extraits proposés et voter en ligne pour le lauréat.