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Vestiges, de Benjamin Karim Bertrand
S’inspirant des arts ancestraux japonais, Benjamin Karim Bertrand crée le solo Vestiges (2020) autour de la mémoire et de l’empreinte que laissent les corps et les esprits. Une pièce née de nombreuses séquences filmées et portée par l’intériorité du geste.
De la diversité des danses
Après une formation au Conservatoire à rayonnement régional de Paris (CRR de Paris) en danse contemporaine, Benjamin Karim Bertrand commence sa carrière en 2011, d’abord en tant que danseur — dans des pièces comme Princesse de Milan de Karine Saporta (reprise en 2011) ou Tragédie d’Olivier Dubois (2012) — puis en 2015 en qualité de chorégraphe avec son solo Orages, au sein de sa compagnie Radar, et en 2017 avec le duo Rafales.
Parallèlement à sa carrière d’interprète et de créateur, Benjamin Karim Bertrand se forme à la philosophie et à la littérature en Khâgnes et à La Sorbonne. Collaborant aussi bien avec le plasticien Jean-Luc Verna, le collectif de danse contemporaine (La) Horde ou l'artiste pop Christine & the Queens, Benjamin Karim Bertrand aime ancrer sa pratique chorégraphique dans différents champs artistiques. Pour sa nouvelle pièce Vestiges, il se plonge ainsi dans les formes théâtrales japonaises.
Travail de mémoire
Dans un décor à nu, sur une scène brute, Benjamin Karim Bertrand est seul en scène pour danser Vestiges, solo autour de la mémoire et de l’oubli des gestes dont nous sommes les héritiers. Sa danse est volontairement dans l'abondance, dans la pluralité du mouvement, laissant l’émotion naître de l’intériorité et du geste précis. Le danseur s’interroge sur les vestiges que laisse un corps ou un esprit, comme une trace de pas sur le sable. Serait-ce une disparition ou plutôt une présence restée dans les mémoires ? En utilisant le procédé de la répétition, Benjamin Karim Bertrand veut “apprendre à faire mémoire et à vibrer avec les fantômes”, au même titre que les mots de la philosophe Donna Haraway, et s'inspire du mythe du Léthé, l’un des cinq fleuves des Enfers, qui permettent aux âmes des défunts de renaître après l'avoir traversé.
196 vidéos dansées
Créée en 2020, la pièce Vestiges est née un an plus tôt, suite à la résidence de recherche de Benjamin Karim Bertrand à la Villa Kujoyama à Kyoto. Benjamin Karim Bertrand y crée 196 courtes séquences chorégraphiques filmées, des séances d’improvisations qui ont lieu dans une salle, mais aussi dans la nature, au bord de la mer ou au cœur de la forêt, entre Kyoto, Alger, Paris et Marseille. Ces 196 séquences créent petit à petit la phrase chorégraphique qui sert de base à Vestiges. Ce solo s’inscrit pleinement dans un diptyque avec la prochaine pièce de Benjamin Karim Bertrand, La fin des forêts, une œuvre avec cette fois-ci plusieurs interprètes de la compagnie du chorégraphe, qui sera créée en 2021.
Arts traditionnels japonais
Benjamin Karim Bertrand a débuté la pièce Vestiges à Kyoto, et le choix de l’archipel nippon pour cette création n’est pas un hasard. Le chorégraphe souhaitait en effet travailler pour cette pièce au côté de Tatsushige Udaka, l'acteur du théâtre Nô, une forme d'art scénique traditionnelle japonaise apparue au XIVe siècle et éloge du geste lent. Il découvre aussi le bunraku, (marionnettes de grande taille apparues au XVIIe siècle), ainsi que le butô, une forme théâtrale bien plus récente apparue dans la seconde motiié du XXe siècle. C’est dans la pratique de ces différentes gestuelles, et dans l'étude de leurs fondements philosophiques et intimes où les mondes des vivants et des morts sont en constante relation, que Benjamin Karim Bertrand a mis en scène son solo Vestiges.
En 2018, Benjamin Karim Bertrand a été lauréat de la Villa Kujoyama, résidence d’artistes au Japon soutenue par l’Institut français. C'est à l’issue de sa résidence qu'il a réalisé Vestiges.