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Victoria K, Delphine Seyrig et moi ou la petite chaise jaune, de Valérie Cachard
En fouillant les décombres d’une ville meurtrie, Valérie Cachard fait naître un texte fort, inspirant, qui nous offre une plongée vertigineuse dans l’histoire de Beyrouth et du Liban tout entier. Prix RFI-Théâtre 2019, le texte a été lu dans le cadre du cycle de lectures « Ça va, ça va le monde ! » de RFI, organisé en 2020 au Théâtre de la Tempête en raison du contexte sanitaire et de l’annulation du Festival d’Avignon.
Une Libanaise qui aimait le français
Le destin de Valérie Cachard, née au Liban il y a 40 ans, est intimement lié à la langue française. Elle l’enseigne d’abord, pendant dix ans, au Grand Lycée franco-libanais de Beyrouth. Puis, elle se l’approprie. En 2010, elle publie sa première pièce de théâtre Matriochka ou l’art de s’évider, puis s’en va vivre six ans, loin de son pays, alors qu’elle n’avait pas quitté le Liban lorsqu’il était en guerre.
Cet exil sera déterminant artistiquement. En 2015, elle publie un recueil de sept nouvelles, Déviations et autres détours, qui est salué en France. Quand elle revient au Liban, elle persévère, avec l’artiste-chercheur Gregory Buchakjian, dans l’exploration des immeubles abandonnés de la capitale libanaise. Leur collaboration de sept ans aboutit en 2018 avec une performance : La Table des confidences.
Sa dernière pièce, Victoria K, Delphine Seyrig et moi ou la petite chaise jaune (2019), est à la croisée de ses différentes recherches sur la langue française, l’habitat, l’histoire de son pays et le féminisme.
Archéologie littéraire indisciplinée
Dans les ruines d’une maison abandonnée de Beyrouth, une femme en rencontre une autre à travers ses carnets, ses lettres et ses objets. Elle se lance alors dans une enquête sur la vie de cette femme, Victoria K, tout en interrogeant sa propre vie et l’histoire de la ville où elles résident toutes les deux.
Cette fouille archéologique littéraire, qui nous plonge dans les blessures des habitants d’une ville brisée par la guerre, prend la forme d’un monologue fragmenté, entrecoupé de pièces d’archives. Une forme que l’on retrouve dans le titre même de l’œuvre en forme de cadavre exquis – mêlant fiction, histoire, introspection et élément inanimé – et qui fait écho à des histoires elles-mêmes morcelées, finissant malgré tout par en faire plus qu’une seule.
L’art de décanter
Valérie Cachard a écrit Victoria K, Delphine Seyrig et moi ou la petite chaise jaune en deux ans, après une longue maturation de sept ans et un exil (à Paris et Antalya), qui lui ont permis de répondre à cette ambition folle de ressusciter un paradis perdu.
Lorsqu’elle écrit, Valérie Cachard est aussi comédienne : le texte comprend déjà les respirations, les hésitations et la fluidité des mouvements.
Exploration à la fois intime et sociologique du Liban, le texte est nourri des collaborations engagées avec des artistes visuels comme Saïd Baalbaki pour lequel elle a signé Nos âmes en chantier (2015).
De Beyrouth aux États-Unis et à la Belgique
Les années 2018-2019 sont, pour Valérie Cachard, des années de révélation.
La Table des confidences, sa performance interactive co-créée avec Gregory Buchakjian, et ayant la particularité d’être expérimentée à chaque fois par un unique spectateur, est proposée au Liban au Musée d’art moderne Nicolas Ibrahim Sursock de Beyrouth à partir de 2018. Ses Habitats abandonnés, archives (2010-2018) se produisent dans le même temps également aux États-Unis, à l’Université de Californie et en Belgique, à la Villa Empain à Bruxelles. Fin septembre 2019, Valérie Cachard reçoit le 6e prix RFI théâtre pour sa pièce Victoria K, Delphine Seyrig et moi ou la petite chaise jaune.
Entre temps, Valérie Cachard est devenue, en mai 2019, co-présidente de la Commission internationale du théâtre francophone.
L'Institut français est partenaire du Prix RFI-Théâtre, remporté en 2019 par Valérie Cachard avec Victoria K, Delphine Seyrig et moi ou la petite chaise jaune.