Des professionnels étrangers ont pu découvrir l'artiste El Had Dhalani grâce à l'Institut français
A l'occasion des RIDA (Rencontres interrégionales et internationales de diffusion artistique), organisées par l'Office national de diffusion artistique (Onda) à Mayotte du 25 au 31 mai, des professionnels étrangers invités par l'Institut français ont pu découvrir El Had Dhalani. Portrait de cet artiste qui, depuis plus d’une décennie, consacre sa vie à rendre ses lettres de noblesse à l’utende, l’art oratoire ancestral de Mayotte.
Mis à jour le 01/06/2022
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Originaire du village de Mtsangamboua, à Mayotte, El Had Dhalani assiste depuis son enfance à la lente disparition de la culture traditionnelle mahoraise, qui fragilise le tissu social sur l’île. L’utende, un chant profane a capella qui vise à célébrer les individus et leur communion avec l’univers, par exemple à l’occasion d’un mariage, est ainsi la première victime de l’arrivée de la télévision dans les villages. En 1999, El Had Dhalani se rend à Dijon pour ses études, où il assiste à un concert de Ben Harper. Il décide alors d’apprendre à jouer de la guitare, et de remettre l’utende au goût du jour en l’accompagnant de musique. À l’origine exclusivement oral, l’adjonction d’instruments et d’autres langues, comme le français, lui permettent ainsi de se faire connaître et de faire redécouvrir l’utende à un nouveau public.
Art poétique qui se rapproche de la tradition de l’éloge panégyrique, et qui évoque aussi parfois le slam, l’utende est une tradition orale qui rythmait auparavant la vie des villages mahorais. Centrée autour d’une célébration de l’individu, à l’aune de valeurs humanistes, c’est une tradition profane qui cohabitait en bonne intelligence avec les rites religieux. En se le réappropriant, El Had Dhalani ne souhaite pas seulement transmettre ce patrimoine aux plus jeunes générations, mais également les aider à résoudre les difficultés auxquelles ils sont confrontés, dans une île en proie à de nombreuses crises sociales et sécuritaires. Il déclare ainsi qu’il est aujourd’hui primordial pour les jeunes mahorais de « savoir qui nous sommes et ce que la culture nous apporte. Les jeunes ne se sont pas appropriés leur culture, on ne leur en a pas donné les moyens ».
La carrière d’El Had Dhalani décolle en 2008, suite à sa victoire lors du concours, particulièrement suivi à Mayotte, « jeune talent SFR » dans la catégorie « slam ». Les difficultés liées à la situation locale entravent pourtant longtemps son parcours, puisqu’en l’absence d’un statut d’intermittent du spectacle sur l’île, il est obligé d’exercer différents métiers : d’abord commerçant, il devient ensuite enseignant. À la suite de la sortie de son premier album en 2017, Utende Héritages, sous la bannière du groupe L-Had, les dates en festival s’enchaînent. Conscient de la crise que connaît le marché du disque et des difficultés que les mahorais pourraient avoir à s’en procurer, le musicien et conteur favorise les concerts, qui sont pensés comme des moments de communion autour de la culture locale, tout en offrant une ouverture sur le monde. Aujourd’hui, l’un des principaux objectifs d’El Had Dhalani reste de fonder une école d’utende afin de transmettre son art aux prochaines générations.
- 1999
1999
Il arrive à Dijon, où il assiste à un concert de Ben Harper.
- 2008
2008
El Had Dhalani gagne le prix « jeune talent SFR » dans la catégorie slam.
- 2017
2017
Sortie de son premier album, Utende Héritages.
- 2021
2021
L-Had participe à la résidence Kayamba, entre Paris et Chirongui.