Ali Cherri est né en 1976 à Beyrouth, où il vit de plein fouet la longue guerre civile qui divise le Liban. Cette expérience forme le véritable creuset de son œuvre, où les motifs du traumatisme et de la ruine sont récurrents. Formé à l’Université Américaine de Beyrouth et au DasArt - Académie de théâtre et de danse d’Amsterdam, il commence sa carrière dans le domaine de l’art vidéo et de la performance. Désormais basé entre Paris et Beyrouth, il a récemment été artiste en résidence à la National Gallery de Londres, où son exposition If you prick us do we not bleed? s’intéresse aux œuvres picturales du musée qui ont été victime de dégradation. Il les traite comme des corps blessés qui porteraient des stigmates psychologiques de cette violence. Son dernier film en date, Le Barrage (The Dam),a également été sélectionné par la Quinzaine des Réalisateurs, au festival de Cannes. 

Le travail d'Ali Cherri explore les traces de la guerre civile libanaise, en particulier dans le paysage, dans les corps et dans la mémoire collective. Il tisse ainsi des liens entre ce passé, marqué par des traumatismes physiques et psychologiques, et l’inscription de l’action des hommes sur la ville et sur la nature. L'archéologie et la muséologie lui fournissent également un terrain d’investigation fertile, et matière à interrogation sur le lien des objets d’art avec l’établissement des récits nationaux et avec les dynamiques coloniales et néo-libérales. Cet aspect est particulièrement présent dans son exposition récente à Marseille, The Gatekeepers / Les gardien·ne·s du portail (2020) commissionnée par Manifesta 13. À cette occasion, l’artiste franco-libanais a réalisé une série de sculptures en forme de totems qui semblent veiller sur les portes du musée des Beaux-Arts de Marseille, tout en évoquant des animaux naturalisés. 

Ali Cherri vient de remporter le Lion d’Argent à la Biennale de Venise, avec sa série de sculptures Titans (2022), inspirée des dieux anciens de l’Assyrie, et montrée dans le cadre de l’exposition internationale The Milk of Dreams. Ces trois statues sont présentées aux côtés de trois films, Of Men and Gods and Mud (2022), qui considèrent la relation des hommes avec l'eau, la boue et les étoiles. Un ensemble qui s’intéresse ainsi à notre rapport au monde naturel, et à ce que nous portons en nous de lui. Ce rapport presque sensuel du corps avec les éléments se retrouve dans le film Le Barrage (The Dam), sélectionné cette année à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes. On y suit le destin de Maher, qui travaille dans une briqueterie traditionnelle alimentée par les eaux du Nil, au Soudan. Il y bâtit une mystérieuse construction de boue qui semble prendre vie, en parallèle de la révolution qui secoue le pays.