Rencontre avec le directeur du réseau des Instituts culturels nationaux de l’Union européenne
A l'occasion de la Présidence française du Conseil de l’Union européenne, rencontre avec Andrew Manning, le directeur d’EUNIC. Avec des membres dans chaque pays de l’UE et plus de 133 « clusters » dans le monde entier, l’organisation considère que la culture a le pouvoir d’établir la confiance et la compréhension entre les pays. Dans le cadre de la PFUE, EUNIC et l’Institut français collaborent sur des projets tels qu’une campagne de communication visant à promouvoir le plurilinguisme.
Mis à jour le 09/05/2022
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Quelles sont les raisons à l’origine de la création d’EUNIC et ses objectifs ont-ils évolué au fil du temps ?
Le réseau EUNIC a été créé en 2006. À l’époque il s’agissait d’une association plus petite, constituée de six instituts nationaux basés à Bruxelles. L’Institut français en fait partie depuis le début, tout comme le British Council et le Goethe Institut. Ils ont également été rejoints par les Danois, les Néerlandais et les Autrichiens. L’approche basée sur les relations culturelles, par opposition à la diplomatie culturelle, a toujours été fondamentale. Cette approche met principalement en avant la culture en tant qu’outil pour établir la confiance et la compréhension, tout en se concentrant sur les avantages mutuels et la réciprocité, plutôt qu’un moyen de projeter ou promouvoir les intérêts politiques nationaux.
Au départ, l’objectif était de créer des partenariats et des réseaux efficaces entre les différents instituts culturels en Europe et de promouvoir la diversité culturelle et la compréhension entre les peuples des pays européens. On avait aussi comme objectif de renforcer le dialogue et la coopération culturels au-delà de l’UE. Tous ces objectifs sont toujours d’actualité, mais ce qui a changé est l’échelle, le périmètre de l’ambition.
Concrètement, nous avons aujourd’hui des membres d’EUNIC dans tous les États membres de l’UE, ainsi que dans les pays associés, comme le Royaume-Uni. Nous avons actuellement 133 partenaires régionaux dans le monde entier intégrant la structure de clusters d’EUNIC. Au-delà de ce réseau international, nous avons également établi un partenariat stratégique officiel avec l’UE dans le domaine des relations culturelles externes.
Quelle est la stratégie d’EUNIC et des institutions européennes pour renforcer les politiques culturelles européennes ?
Nous travaillons très étroitement avec les institutions de l’UE, au niveau du siège, ici à Bruxelles, mais aussi sur le terrain avec les délégations de l’UE et leurs missions à l’étranger. Cette relation est reconnue et structurée autour d’une variété de politiques et d’accords. La communication conjointe de 2016, intitulée « Vers une stratégie de l’UE dans le domaine des relations culturelles internationales », a constitué un tournant puisqu’elle confirme des éléments qui ont été, à de nombreux égards, concertés et discutés avec EUNIC.
Nous parlons d’aspects tels que l’approche transversale de la culture, c’est-à-dire, envisager la culture non seulement du point de vue de l’art, mais également comme un sujet avec un potentiel plus transversal, comme la numérisation, le développement durable, etc. Ce document aborde aussi de manière explicite un changement de paradigme dans les relations culturelles. Ce qui est réellement important, c’est de mettre ces mots et intentions à l’œuvre, ce que nous faisons avec une variété de projets.
Sur quels projets importants travaillez-vous en ce moment ?
Les « Espaces européens de la culture » constituent l’un de nos projets phare (initié par le Parlement européen), qui cherche à identifier de nouvelles approches pour déployer l’engagement culturel de l’UE au-delà de ses frontières. Par ailleurs, nous soutenons de manière continue le développement des clusters d’EUNIC dans le monde entier et avons financé environ 20 projets cette année. Nous essayons toujours de supporter la gouvernance de nos clusters et, ce printemps, nous organiserons un séminaire régional avec les présidents de tous les clusters, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, pour déterminer ce que nous pouvons faire ensemble et comment ces derniers peuvent contribuer aux actions des acteurs nationaux sur le terrain et des partenaires, tels que l’UE.
Nous proposons un large éventail d’opportunités de développement des capacités à nos membres, notamment une série d’ateliers de partage des connaissances. Nous venons d’en réaliser un en novembre avec l’Institut suédois sur la liberté d’expression artistique et avons combiné l’atelier avec une visite à l’UNESCO pour approfondir le débat. Le prochain sera en collaboration avec l’Ifa en Allemagne. Le thème sera l’Afghanistan et ce que nous pouvons faire pour soutenir les perspectives professionnelles des travailleurs culturels de la diaspora qui ont réussi à fuir le pays. Nous explorerons également ce qu’il est possible de faire pour aider ceux restés sur place et qui se retrouvent dans une situation extrêmement difficile.
EUNIC défend une vision particulièrement large de la culture, qui comprend à la fois l’art et les domaines créatifs, mais aussi l’inclusion sociale et le développement durable. Comment cela se traduit-il dans les projets sur lesquels vous travaillez ?
Cette vision large reflète l’expérience réelle de nos instituts membres. Elle est intéressante car elle reflète les différents rôles, histoires, mandats et approches adoptés par les divers pays de l’UE dans le cadre de leur engagement culturel dans les relations internationales. Lorsque notre réseau se réunit à travers EUNIC, chaque membre peut être surpris et apprendre des éléments qui ne sont peut-être pas au cœur de sa propre approche nationale, mais dans lesquels d’autres membres sont qualifiés et spécialisés.
Une partie de notre mission consiste à assurer la présence de la culture dans les relations externes, et étendre la définition de la culture et son impact est une partie importante de cette mission. Par exemple, nous avons récemment publié deux articles scientifiques sur la contribution de la culture au développement durable et à la paix et la stabilité. Les institutions de l’UE se sont montrées très intéressées par ces études et celles-ci ont été présentées lors du Comité des affaires culturelles du Conseil européen.
L’un des deux projets que nous venons à peine de commencer, dans le cadre des « Espaces européens de la culture », est axé sur le handicap dans l’art, en Chine. L’autre projet lancé au Brésil associe les thèmes des jeux vidéo, de la jeunesse et de la défense de l’environnement. Tous deux démontrent notre approche globale du pouvoir transformateur de la culture.
Comment EUNIC travaille-t-il avec l’Institut français dans le cadre de la présidence française du Conseil de l’UE ?
Les autorités françaises et l’Institut français ont véritablement maximisé et exploité de manière efficace leur participation et l’approche d’EUNIC dans le cadre de la présidence. Ils ont effectué un investissement spécial dans le fonds des clusters, nous avons donc pu, au nom de la présidence française, approfondir des projets innovants dans le monde entier et mettre en action les principes liés aux relations culturelles, en supportant des projets du Sénégal au Pakistan.
Lors des discussions avec l’Institut français dans le cadre de la présidence française, nous avons aussi fortement encouragé le plurilinguisme. Nous soutenons l’ensemble des outils de communication créé par l’Institut français autour de la promotion de l’apprentissage des langues en Europe, étant donné que de nombreux membres d’EUNIC sont activement impliqués dans l’apprentissage d’un large éventail de langues européennes.
Y a-t-il des domaines particuliers sur lesquels EUNIC aimerait se concentrer à travers ses projets et partenariats dans les années à venir ?
Il existe de nombreuses questions autour du secteur culturel dans un contexte post-pandémie et des mesures pouvant être prises pour le stimuler. Dans le cadre de la récupération suite à la pandémie, mais pas uniquement, nous nous intéressons aussi à l’évolution continue des relations culturelles numériques dans le futur. Nous nous engageons à analyser les questions associées à l’injustice sociale et au racisme au niveau structurel. Une mesure essentielle pour nous consiste à transformer le projet pilote des « Espaces européens de la culture » en un outil définitif de la culture externe de l’UE.
Nous assurer que nous avons partagé les connaissances et avons pu maximiser le potentiel de l’approche basée sur les relations culturelles est également essentiel, c’est un processus continu. Je crois que, si nous parvenons réellement à mettre en place une approche basée sur une entente et un apprentissage réciproques, véritablement axée sur les avantages mutuels, cela pourrait non seulement transformer les activités culturelles des membres de l’UE et d’EUNIC, mais aussi devenir une partie essentielle de l’approche adoptée par l’UE dans ses relations internationales au sens large, au-delà de l’aspect culturel. Nous croyons que l’approche basée sur les relations culturelles peut débloquer un énorme potentiel pour EUNIC, ses membres et, plus globalement, le projet européen.
L’Institut français est membre du réseau européen EUNIC, dirigé par Andrew Manning.
Dans le cadre de la Présidence française du Conseil de l’Union européenne (PFUE), EUNIC et l’Institut français collaborent sur des projets tels qu’une campagne de communication visant à promouvoir le plurilinguisme.