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L'artiste et commissaire Léuli Eshrāghi présente son travail et l'exposition "Réclamer la Terre" au Palais de Tokyo

Il est très important pour moi, afin d’être en accord avec mon éthique créative, d’affirmer la complexité et la vitalité des communautés autochtones d’aujourd’hui, car nous sommes plus que la somme de nos traumatismes intergénérationnels.

Léuli Eshrāghi est un·e artiste, commissaire et auteur·e venant d’Australie et aux origines samoane, persane et cantonaise. Iel est l’un des lauréats du programme de résidences de l’Institut français à la Cité internationale et a obtenu une résidence entre avril et juillet. Iel a également travaillé en tant que conseiller·e scientifique de l’exposition Réclamer la Terre au Palais de Tokyo. 

Mis à jour le 26/08/2022

5 min

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Léuli Eshrāghi
Crédits
© Alireza Shojaian

Votre travail traite des effets du colonialisme sur les cultures autochtones. Comment abordez-vous ce thème dans votre pratique artistique ? 

Léuli Eshrāghi : Mon travail se penche sur les différents langages, à la fois parlés, gestuels ou visuels, afin de montrer les nombreuses cultures autochtones transformées, mais pas détruites, par les colonisations européennes et asiatiques. Il est très important pour moi, afin d’être en accord avec mon éthique créative, d’affirmer la complexité et la vitalité des communautés autochtones d’aujourd’hui, car nous sommes plus que la somme de nos traumatismes intergénérationnels.

 

Pensez-vous que les cultures occidentales n’ont pas encore suffisamment compris les multiples effets délétères du colonialisme sur les populations autochtones ? Est-ce que c’est ce que vous souhaitez montrer dans votre travail ? 

Léuli Eshrāghi : Tout à fait. Malheureusement, l’histoire de l’art autochtone est encore largement méconnue et souvent marquée par des récits de rencontres et d’échanges, parmi lesquels figurent bien sûr les génocides et les vols de terres qui ont eu lieu au fil des différentes colonisations. Dans mon travail, je souhaite montrer à quel point ces histoires sont magnifiquement nuancées et émouvantes afin que nous puissions, en tant qu’êtres humains, apprendre à nous connaître et à nous accepter les uns les autres davantage.

 

En tant que commissaire, essayez-vous délibérément de remettre en question le regard eurocentré porté sur l’art des personnes de couleur ?

Léuli Eshrāghi : En tant que commissaire, j’ai envie de remettre en question les présupposés qui découlent de certaines approches eurocentrées, principalement celles qui concernent l’identité, l’altérité et le communautarisme. Pour bien faire ce travail de commissaire, il faut mettre en avant l’œuvre et l’artiste. Pour moi, cela passe, entre autres, par faire comprendre l’importance du contexte historique et sociopolitique de leurs œuvres.

L'exposition "Réclamer la terre", au Palais de Tokyo, est novatrice en France, et ce à bien des égards.

Dans le cadre de votre résidence à Paris, grâce au programme de résidences de l’Institut français à la Cité internationale des arts, vous avez travaillé sur la danse et l’art en France. 

Léuli Eshrāghi : Pour ma résidence, je voulais vraiment m’intéresser plus à l’influence que peut avoir la danse contemporaine sur la performance artistique, et inversement. Je voulais vraiment découvrir la manière dont certaines préoccupations marquantes dans les arts visuels et les performances artistiques en Australie contrastent ou s’opposent aux motivations de la pratique créative en France. 

 

Vous travaillez en tant que conseiller·e scientifique pour l’exposition Réclamer la Terre au Palais de Tokyo. L’objectif de cette exposition est d’adapter une perspective mondiale et inclusive face à la crise écologique grandissante. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette exposition et votre implication ? 

Léuli Eshrāghi : La commissaire expérimentée Daria de Beauvais et moi discutions depuis plusieurs années. Lorsqu’elle m’a proposé de devenir conseiller·e, j’étais ravi·e de pouvoir mettre en avant ma compréhension de l’art autochtone global et de l’écologie. Cette exposition est novatrice en France, et ce à bien des égards. Par exemple, chaque artiste ou collectif apporte une certaine joie, certaines nuances, à une compréhension globale de plusieurs crises qui s’entremêlent et des solutions possibles qui exigeront l’implication de tous. 

 

Vous vous décrivez également en tant qu’auteur·e et écrivez de la poésie. Vous expliquez que votre père avait l’habitude de lire des poèmes en persan. Est-ce pour cette raison que vous avez commencé à écrire ? Pourquoi avoir choisi la poésie et pas une autre forme artistique ? 

Léuli Eshrāghi : Je pense que j’ai commencé à écrire car ma famille, à la fois du côté maternel et du côté paternel, est très portée sur la poésie et l’oralité et aime raconter des histoires. Au début de la vingtaine, j’ai plongé dans la poésie autochtone d’Aotearoa, d’Australie et du peuple kanak en Nouvelle-Calédonie. Depuis, ces lectures me servent de solide base littéraire. Je pense que la forme se choisit naturellement en fonction de l’élan à l’origine d’une œuvre d’art. Bien sûr, mon travail repose beaucoup sur le langage, mais également sur une sensibilité chaude et tropicale. 

L'Institut français et l'artiste

Léuli Eshrāghi est lauréat.e 2022 du programme de résidence de l'Institut français à la Cité internationale des arts. 

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