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Mamou Daffé, directeur du Centre Culturel Kôrè, évoque l'avenir du programme AWA

Les arts permettent d'affirmer l'identité des peuples et renforcent la cohésion sociale dans la création d'une économie créative.

Attaché à la défense de valeurs locales, Mamou Daffé est à la tête de plusieurs organisations et évènements au Mali. Il dirige notamment le Centre Culturel Kôrè de Ségou, partenaire de l’Institut français pour le programme ACP-UE Culture : Soutien aux secteurs de la culture et de la Création en Afrique de l’Ouest – AWA, mis en œuvre par l'Organisation des États ACP (Afrique, Caraïbes et Pacifique) et financé par l'Union européenne. À la suite du sommet Union européenne - Union africaine, à Bruxelles en février 2022, il nous parle des dynamiques et des enjeux associés à la culture ouest-africaine. 

Mis à jour le 19/07/2023

10 min

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Mamou Daffé
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Mamou Daffé © DR

En tant que directeur de plusieurs institutions culturelles de référence au Mali (Centre Culturel Kôrè, Fondation Festival sur le Niger), vous œuvrez depuis de nombreuses années pour la culture dans une démarche de développement local. Comment s’opère le changement d’échelle depuis le lancement du Programme ACP - UE vers une industrie culturelle viable avec le positionnement du Centre Culturel Kôrè comme hub au service des Industries Culturelles et Créatives (ICC) dans 16 pays ouest-africains ? 

Nous avons été très heureux d'accueillir ce programme ACP-UE Culture pour le soutien aux secteurs de la culture et de la création de l'Afrique de l'Ouest : cela a permis un changement d'échelle, consacrant le centre comme hub au service des industries. Ce changement s'est, tout d'abord, opéré au niveau de la dynamisation et de la compétitivité des industries culturelles et créatives, tout au long de la chaîne de valeur. Il a appuyé le développement de l'économie numérique en accompagnant les acteurs culturels dans leur transition digitale. Il a aussi renforcé la résilience et la diversité des acteurs puisque c'est, à la fois, un programme de financement, mais aussi de professionnalisation du secteur. Enfin, il s'attaque au réseautage et à la mise en commun. De cette façon, le programme agit de manière structurelle sur une longue période, tout en donnant le temps aux acteurs de bien mûrir leur projet et de travailler en toute quiétude. Nous laissons véritablement place à la créativité dans un spectre innovant et dynamique. 

 

Pouvez-vous nous parler de la dynamique créée par la mise en place du Programme ACP-UE Culture : Soutien aux secteurs de la Culture et de la Création – AWA sur les 3 axes Financement / Renforcement des compétences / Réseautage ? 

Nous voyons une synergie, une évolution considérable autour de ces trois composantes et le consortium s'impose déjà par son dynamisme. Une université d'été a eu lieu il y a quelques mois avec l'ensemble des partenaires que nous avons financés. La rencontre de ces quinze grands acteurs de la culture d'Afrique de l'Ouest nous a donné la sensation de casser les barrières entre les États et les langues. Aujourd'hui, ils sont en réseau et nous allons les accompagner pour les trois années à venir. À leurs côtés, nous travaillons sur des formations pointues, basées sur le coaching et le mentoring, avec un encadrement qui va prendre en charge ces questions selon les disciplines et les besoins. En parallèle, nous souhaitons mettre en valeur nos contenus africains et ouest-africains, la différence, ainsi que la spécificité de cette culture locale. Il s'agit donc d'un dispositif qui nous permet de booster cet engagement local, d'aller de l'avant et d'établir des partenariats pour des lendemains meilleurs. 

Il est important que nous mettions nos contenus africains à l'ère du numérique et que nous travaillions sur leur valorisation grâce au Fonds de valorisation des cultures ouest-africaines.

Quels sont aujourd'hui les opportunités et enjeux des appels à projets 2022 du « Fonds de valorisation des cultures ouest-africaines » ? 

Nous venons de lancer fin janvier 2022 un appel qui vise à valoriser les contenus créatifs en favorisant l'aide à la création, la production, l'éducation à l'image, ainsi que le développement des moyens de diffusion, mais aussi de distribution physiques et numériques. Sur recommandation de l'Union Européenne, nous avons voulu donner la chance à des acteurs de gagner deux fois ce fonds, dans le but de les soutenir durablement. Il faut saluer la vision de l'Union Européenne, qui tente d'accompagner à long terme les acteurs de ces projets. C'est quelque chose de déterminant et cela nous sort du schéma classique du financement. Désormais, notre grand enjeu reste d'accéder au marché avec des produits compétitifs et il faut que nous soyons professionnels. Toutes les cultures sont importantes et ont de la valeur : les arts permettent d'affirmer l'identité des peuples et renforcent la cohésion sociale dans la création d'une économie créative. 

 

Avez-vous plus de détails à nous apporter sur le premier appel à projets 2022 ? 

Dans le cadre du premier appel à projets relatif au Fonds de structuration des opérateurs culturels sorti en 2021, les quinze meilleurs projets ont été sélectionnés pour un financement sur trois ans. Le choix a été difficile parmi des centaines de projets, venant de treize pays de l'Afrique de l'Ouest. Le second appel était, quant à lui, axé sur le Fonds de valorisation des cultures ACP. Il s’agit d’un financement sur un an, renouvelable une fois.  Nos appels sont traduits dans deux ou trois langues : c'est une volonté et une recommandation fortes des ACP, qui donnent des ressources pour soutenir durablement l'action des industries culturelles. Je pense que le premier appel a été un élément fort, doté d'un montant conséquent (150 000 euros par projet sur trois ans) et couvrant plusieurs disciplines. Il y a des projets anglophones, toutes les régions sont concernées. On peut observer un croisement, un spectre des disciplines, qui est pris en charge par ce premier appel structurant du Fonds de structuration des opérateurs culturels. Il est important également que nous mettions nos contenus africains à l'ère du numérique et que nous travaillions sur leur valorisation grâce au Fonds de valorisation des cultures ouest-africaines. 

Ma vision des ICC en Afrique est celle d'une industrie culturelle et créative qui s'impose comme un levier de croissance durable, et qui offre la possibilité de créer des emplois innovants, basés sur nos valeurs, nos modèles et nos identités culturelles.

Vous défendez une vision entrepreneuriale de la culture. Parlez-nous de votre vision des ICC en Afrique. 

Ma vision des ICC en Afrique est celle d'une industrie culturelle et créative qui s'impose comme un levier de croissance durable, mais aussi qui offre la possibilité de créer des emplois innovants, basés sur nos valeurs, nos modèles locaux et nos identités culturelles. Nous avons besoin d'acteurs culturels bien formés, professionnels, capables de comprendre les défis et les enjeux des ICC. Grâce au modèle de l’entrepreneuriat culturel Maaya que nous avons élaboré, nous pouvons travailler sur le management, mais aussi les valeurs locales. Il nous faut humaniser la démarche, tout en proposant la collaboration au lieu de la compétition. Nous avons une boussole morale et nous l'appliquons pour notre communauté, ainsi que pour nous-mêmes. Il est nécessaire de s'adapter à l'industrie locale et nous pensons que ce modèle a beaucoup d'avenir. 

 

Dans les suites du sixième sommet Union européenne - Union africaine, qui s’est tenu à Bruxelles en février 2022, quelle est votre vision d’un partenariat renouvelé UE / UA ? 

C'était un grand moment de communication et de partage. Nous avons apprécié ces échanges car nous avons pu nous parler à cœur ouvert afin de redéfinir ce nouveau partenariat entre nous. Le dispositif proposé par le programme ACP-UE Culture : Soutien aux secteurs de la culture et de la Création en Afrique de l’Ouest – AWA est une illustration de ce que pourrait être la nouvelle alliance UE/UA puisqu'il nous faut une collaboration basée sur la responsabilisation de toutes les parties. Nous nous trouvons dans un engagement où nous sommes sur un pied d'égalité, où nous travaillons dans un partnership égal. Il ne faut pas rester dans une position attentiste mais bel et bien prendre toutes ses responsabilités et tenir ses engagements. Avec cette rigueur, nous sommes capables d'avancer ensemble. Nous avons eu la chance d'obtenir des fonds pour favoriser notre propre culture et c'est extrêmement important de reconnaître les besoins, tout comme l'importance et la valeur de l'autre. En comprenant l'extraordinaire richesse d'être différent, je pense que l'exercice de ce sommet va nous permettre d'aller de l'avant, sur des partenariats dynamiques. 

Avec le Festival sur le Niger de Ségou, nous avons compris la force, mais aussi la puissance de la musique, comme facteur de cohésion et de rassemblement.

En février 2022, se sont également tenus la 18ème édition de Ségou’ Art – Festival sur le Niger, consacrée à la musique et à l’art sur les berges du fleuve Niger à Ségou, et le Forum Maaya Africa, rencontre internationale pour les jeunes entrepreneurs du continent africain. Ces grands événements que vous organisez accueillaient également la Caravane Culturelle pour la Paix, projet Sahélo-transsaharien. Pouvez-vous nous parlez de la culture comme force de résistance ? 

Nous avons, encore une fois, été honorés de recevoir l'Afrique au village de Ségou. Trente-et-un pays étaient représentés à travers le forum Maaya Africa et nous avons partagé un espace collaboratif très intéressant. Une douzaine de jeunes artistes émergents sont venus exposer leur talent à travers l'art contemporain dans cette dynamique de hub. Depuis le départ de ce programme culturel, il y a vingt ans, nous nous sommes définitivement inscrits dans cette notion de résistance par et pour la culture. Nous avons compris la force, mais aussi la puissance de la musique, comme facteur de cohésion et de rassemblement. Nous savons aujourd'hui qu'elle facilite la coexistence pacifique entre nos peuples. Cette année, le dernier week-end, nous étions plus de 90 000 spectateurs et il n'y a que la culture et l'art qui soient capables d'une telle prouesse. À ce moment-là, c'est comme si le pays ne vivait rien d'autre, comme si la ville était un lieu d'apaisement. 

 

Vous êtes l’un des initiateurs du Fonds Africain pour la Culture (ACF). Quelles synergies d’actions vous semble-t-il possible de mettre en place entre ce fonds et le Programme ACP-UE Culture AWA pour le soutien aux ICC en Afrique de l’Ouest ? 

Dès le début d’AWA, nous avons indiqué que nous allions travailler avec la plateforme ACF. Nous sommes directement partis de l'expérience du Fonds Africain pour la Culture avec des grands artistes du continent. Depuis douze mois, nous avons déjà un partenariat très dynamique. Avec le dispositif du Programme ACP-UE Culture : Soutien aux secteurs de la culture et de la Création en Afrique de l’Ouest – AWA, il n'est toutefois pas question de réaliser un travail extraordinaire et de le voir disparaître à la fin du financement de l’UE en 2024. Au contraire, les quatre IKAM (Instituts Kôrè des Arts et Métiers) labellisés, centres de formation des formateurs aux métiers des ICC, vont continuer à développer des compétences, tout en accompagnant les acteurs. En parallèle, le Fonds Africain pour la Culture va, lui aussi, poursuivre le financement des opérateurs et des artistes. Une réelle continuité est prévue dans cette collaboration, ainsi qu'une pérennisation des actions à travers ACF et les IKAM. Cela a été conçu de cette manière depuis le début, et, en l'insérant dans un dispositif ouest-africain, je pense que c'est la grande force de notre projet, déposé dans le cadre du Programme ACP-UE Culture. 

L'Institut français et le Centre Culturel Kôrè de Ségou

L’Institut français et le Centre Culturel Kôrè de Ségou au Mali pilotent, avec la contribution financière de l'Union européenne et le support du Secrétariat de l’Organisation des États ACP, le « Programme ACP-UE Culture : soutien aux secteurs de la culture et de la création – AWA ». Ce programme vise à soutenir la structuration des industries culturelles et créatives (ICC) en Afrique de l’Ouest. 

En savoir + sur AWA 

L'institut français, LAB