Olivier Guez présente « Le Grand Tour », recueil de textes d'auteurs européens publié à l'occasion de la PFUE 2022
Journaliste et écrivain, Olivier Guez travaille, entre matière littéraire et recherches historiques, sur des œuvres amples et documentées telles que La Disparition de Josef Mengele (Prix Renaudot 2017). En mars dernier, il a publié Le Grand Tour, un recueil de vingt-sept textes écrits par des auteurs européens dans le cadre de la Présidence française du Conseil de l’Union européenne (PFUE). Olivier Guez raconte ce projet, dont il est à l’origine, sa passion pour l'écriture et sa vision de l'Europe contemporaine, chamboulée par la Guerre en Ukraine.
Avec le soutien de l’Institut français, dans le cadre de l’appel à projets « Créativité à l’européenne » lancé pour la PFUE 2022, l’Institut français d’Allemagne fait écho à cet ouvrage en proposant tout au long du premier semestre 2022 un cycle de manifestations sur les littératures européennes.
Mis à jour le 30/06/2022
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Écrivain et journaliste, vous avez collaboré avec de nombreux médias internationaux avant de publier vos premiers ouvrages. De quelle manière l'écriture est-elle entrée dans votre vie ?
Dès mon plus jeune âge, j'ai été fasciné par la chose écrite, aussi bien les livres que les journaux. Je crois d'ailleurs n'avoir jamais envisagé de faire autre chose. Enfant, je lisais un très grand nombre de magazines et j'étais passionné par l'histoire. Ma mère achetait beaucoup de livres et, à l'adolescence, j'ai découvert l’œuvre d'Albert Cohen ou encore celle de Dostoïevski. J'ai été marqué par Crime et Châtiment, Les Frères Karamazov, puis la trilogie de Jules Vallès. J'aimais les classiques français, les romans d’Émile Zola. Peu à peu, j'ai commencé à écrire pour gagner ma vie en tant que journaliste, et j'avais l'envie de réaliser des reportages. Je souhaitais aussi raconter des histoires, tout en rédigeant des essais. Au fur et à mesure, je me suis dirigé vers la fiction et la non-fiction littéraire.
Vos essais prennent souvent la forme d'enquêtes, où se mêlent recherches historiques et voyages. Comment définissez-vous les sujets que vous abordez ?
Pour moi, cela fonctionne comme une histoire d'amour. Vous rencontrez des gens, et parfois, vous avez des coups de cœur ou bien de véritables histoires d'amour. Je me méfie des coups de cœur en littérature car ce sont des projets qui durent des années, alors, je préfère laisser passer un peu de temps lorsque je sens quelque chose. C'est une sensation presque physique quand une thématique me touche et m'intéresse. J'attends donc de voir si cela devient sérieux ou si c'est simplement une passade. Je lis beaucoup, je prépare mon sujet : ce n'est pas vraiment de l'ordre de l'enquête, mais j'aime prendre la température. Au final, le plus important reste ce que je ressens sur les lieux et la recherche topographique que je mène.
Vous venez de publier Le Grand Tour, un autoportrait littéraire de l'Europe au 21e siècle, qui réunit vingt-sept textes écrits par des auteurs issus des pays membres de l’Union européenne. Pouvez-vous nous présenter la genèse de ce projet ?
Ayant écrit sur l'Europe et la culture européenne, j'ai longtemps déploré une certaine absence au niveau institutionnel. Certes, des programmes de financement existent, mais rien n'a jamais réellement été pensé sur la matière culturelle européenne. J'ai donc songé qu'il y avait quelque chose à faire avec la Présidence française du Conseil de l’Union européenne. En octobre 2020, j'ai rencontré le Secrétariat d’État aux Affaires Européennes (et désormais Ministre délégué chargé de l'Europe), Clément Beaune, et j’ai dès lors régulièrement travaillé avec son cabinet. Au fil de nos discussions, la perspective du livre a vu le jour et je leur ai proposé cette collaboration avec vingt-sept auteurs. L'idée était qu'ils racontent un lieu qui évoque la culture ou l'histoire européenne. Pour le reste, ils étaient entièrement libres.
Comment avez-vous choisi les auteurs, mais aussi les textes qui composent ce recueil ? Une sélection a-t-elle été nécessaire pour assurer l'unité de l'ouvrage ?
J'avais envie de travailler avec des auteurs que j'admirais, pour une part, et de collaborer avec des connaissances personnelles, d'autre part. Dans certains pays, je l'avoue, j'ai toutefois dû m'appuyer sur les Services de Coopération et d'Action Culturelle (SCAC) des Ambassades. Les auteurs avaient deux mois pour écrire leurs textes, c'était un véritable pari. Nous avions ensuite trois semaines pour les traduire, puis un mois pour éditer tout le livre, donc il n'était pas possible d'établir une sélection. J'étais ravi de ces rencontres et de ces échanges, la création du recueil s'est bien passée. Même si je ne pouvais pas tous les lire, c'était très émouvant de recevoir des textes de grands auteurs européens contemporains.
Initié dans le cadre de la Présidence française du Conseil de l'Union Européenne 2022, Le Grand Tourparaît alors que la guerre fait rage en Ukraine. La survenue du conflit renforce-t-elle, à vos yeux, la portée actuelle de l’œuvre ?
Disons que cela a été une forme de rappel à l'ordre. L'invasion russe de l'Ukraine, l'incroyable violence de cette guerre qui entre dans son troisième mois… Tout le monde a réagi de la même façon, avec surprise, dégoût, et peur également. Je pense que, pour la première fois depuis très longtemps, nous sommes face à une communauté de destins européens. Personne ne sait comment les choses vont se terminer donc il y a un sentiment commun européen et, quelque part, c'est notre civilisation qui est attaquée. Je pense notamment aux atrocités commises et revendiquées par les Russes. C'est un combat, un moment particulier et le livre intervient dans ce cadre-là.
L’unité affichée par l’Europe vous paraît-elle sans précédent ?
J'attends de voir. À présent, l'histoire est en cours. Nous verrons quelle sera la situation lorsque les protestations vont évoluer, quand les carburants, le kilo de pain ou de pâtes seront plus chers. Il faudra alors observer combien de temps cette unité va se poursuivre. À mon avis, il ne faut pas croire que l'Europe, la culture européenne et la démocratie libérale n'ont que des amis désormais. Je suis assez prudent sur l'avenir, mais il y a eu, de toute évidence, une réaction intéressante des européens.
Avec le soutien de l'Institut français, une série de manifestations vont être organisées afin d'évoquer la littérature en Europe, notamment un programme de résidence d'écriture européenne entre Lyon, Berlin et Prague. Pouvez-vous nous parler de cette continuité offerte au livre ?
Il existe un projet de résidences, un partenariat avec la Villa Gillet, mais aussi et surtout une série de dialogues littéraires, organisés par l’Institut français d’Allemagne, avec des auteurs et des autrices, des traducteurs et des traductrices, issus des différents pays membres de l’Union européenne. Je ne m'investis toutefois pas directement dans l'organisation de ces manifestations. Pour ma part, je travaille actuellement sur mon prochain roman, qui traite du Moyen-Orient au début du XXe siècle, où les puissances européennes jouent un rôle très important, évidemment. Je réfléchis également à un autre projet de livre sur l'Europe, mais j'en parlerai en temps voulu.
En écho à cet ouvrage, l’Institut français d’Allemagne propose tout au long du premier semestre 2022 une série de dialogues littéraires avec des auteurs et des autrices, des traducteurs et des traductrices, issus des différents pays membres de l’UE. Cette initiative bénéficie du soutien de l’Institut français, dans le cadre de l’appel à projets « Créativité à l’européenne » lancé pour la PFUE 2022.
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