Remi Parcollet
Commissaire de l'exposition itinérante Panorama. Le patrimoine photographique en dialogue avec la création contemporaine, l’historien de la photographie Remi Parcollet a voulu confronter images anciennes et photographies actuelles pour mieux interroger le regard du public.
Publié le 21/08/2020
2 min
L’exposition Panorama. Le patrimoine photographique en dialogue avec la création contemporaine réunit 80 photographes, des premiers essais photographiques du XIXème siècle à la création contemporaine. Pourquoi avoir souhaité mettre en regard ces photos de patrimoine et ces photos récentes ?
J’ai souvent constaté que l’observation des œuvres classiques et modernes permettait de s’intéresser à la création de notre époque, à l’art contemporain, et inversement que les pratiques des artistes d’aujourd’hui nous incitent à nous interroger sur le patrimoine artistique et à investir le champ de l’histoire de l’art. En tant qu’historien, j’apprends beaucoup auprès des artistes avec qui je collabore. Je nourris un dialogue non seulement sur l’histoire de la photographie avec les artistes qui ont produit une œuvre pour l’exposition mais aussi une réflexion sur la manière dont le médium a été exposé depuis les origines. Ce principe guide l’accrochage qui se construit de manière très formelle à partir des genres photographiques dont certains, sont issus de l’histoire de la peinture, comme le portrait, le paysage ou le nu et d'autres qui se développent avec la photographie : la vue d’architecture et d’exposition, la reproduction d’œuvre d’art, le photojournalisme, la photographie scientifique, de rue, de mode…
Comment avez-vous pensé et réalisé ce projet d’exposition ? Et comment avez-vous sélectionné les clichés présentés ?
Le processus de conception et de production de l’exposition a été réalisé en plusieurs étapes entre 2016 et 2018, dans la perspective de concevoir une exposition caractérisée par sa dimension didactique. Le projet était de réunir des photographies célèbres et d’autres méconnues, et qui ont pourtant joué un rôle important dans l’histoire de l’art. La sélection s’est faite progressivement, à la manière d’un jeu de memory, en fonction du potentiel de correspondance et d’interaction que pouvait offrir chaque photographie. L’approche proposée correspond à une méthode comparatiste dans l’esprit de l’iconologie d’Aby Warburg mais particulièrement vivifiée à l'ère numérique. Je fais aussi référence, au niveau du protocole d’accrochage, aux méthodes pédagogiques mises en place par l’historien de l’art Heinrich Wölfflin, et qui trouvent un écho plus tard dans le musée imaginaire d’André Malraux.
Quant au choix des photographies contemporaines, il est le fruit d’un dialogue nourri et régulier avec les artistes : certains ont réalisé des œuvres spécifiquement pour le projet, d’autres ont proposé un tirage susceptible d’entrer en dialogue avec la photographie patrimoniale.
Le but étant d’illustrer la pluralité des approches du médium et de son histoire.
Le cœur du projet consiste en un dialogue entre les générations de photographe… Avez-vous rencontré des difficultés à réaliser cet exercice ?
La mise en comparaison des photographies dans le contexte de cette exposition doit permettre d’observer les évolutions du regard mais interpréter ces mutations est un exercice complexe et théoriquement périlleux. Je prends l’exemple de la Mission Héliographique dans les années 1850, présente dans l’exposition avec Édouard Baldus, Henri Le Secq ou encore Charles Nègre et celle de la Datar à partir des années 1980 avec Suzanne Lafont. Elles avaient un objectif similaire : rendre compte du territoire, des paysages et de l’architecture à un moment donné. Au niveau des intentions, on peut donc comparer ces deux projets, pourtant menés dans des contextes historiques bien différents, et interpréter les évolutions. C’est la raison pour laquelle l’exposition a volontairement été conçue pour laisser au visiteur une part d’interprétation sur l’évolution du regard que portent les artistes sur le paysage, le portrait ou l’architecture, et la possibilité de faire des liens inédits entre les photographies.
Que souhaitiez-vous exprimer au travers de cette exposition ? Que dit-elle de l’histoire de la photographie en France ?
Toutes les photographies patrimoniales de l’exposition correspondant aux origines du médium en 1839 jusqu’aux années 1960 proviennent de collections publiques : Musée d’Orsay, Bibliothèque Nationale de France, Société Française de Photographie, École nationale supérieure des Beaux-Arts, Collège de France, Musée Picasso, Médiathèque de l’architecture et du Patrimoine et du Centre Pompidou MNAM-CCI. C’est une caractéristique importante de l’exposition, son objectif n’étant pas seulement de valoriser le patrimoine photographique mais aussi d’évoquer son histoire, la manière dont il a été constitué, conservé et diffusé. Il y a ainsi la volonté de constituer un ensemble cohérent à partir de collections historiques et de s’interroger sur le rapport entre les institutions et l’histoire de la photographie qui est particulièrement riche en France. Je pense en particulier au dispositif du dépôt légal dont bénéficie le département des estampes et de la photographie de la BNF, qui conserve aujourd’hui une des plus importantes collections d’images au monde.
L’exposition est itinérante : pourriez-vous nous parler de ce parcours, des lieux dans lesquels vous avez exposé ?
Le parcours international de l’exposition n’est pas encore finalisé. Elle a été présentée au Palais de Tokyo à Paris en juillet 2018. Yann Lorvo le directeur de l’Institut français d’Argentine et son équipe ont organisé la première étape internationale au Museo Mar à Mare del Plata, du 29 janvier au 26 avril 2020 (interrompue fin mars).
L'itinérance de l'exposition Panorama. Le patrimoine photographique en dialogue avec la création contemporaine dans 3 lieux en Argentine a été soutenue par La Collection 2020.